La Fine équipe
France, 2016
Titre original : –
Réalisateur : Magaly Richard-Serrano
Scénario : Claude Le Pape et Magaly Richard-Serrano
Acteurs : Annabelle Lengronne, William Lebghil, Ralph Amoussou
Distribution : Version originale / Condor
Durée : 1h30
Genre : Comédie
Date de sortie : 30 novembre 2017
Note : 3/5
Alors que la bande-annonce de La Fine équipe voudrait nous vendre une comédie aux sous-entendus raciaux un peu grossiers, il s’agit en fait d’un film bien de son temps, à savoir le portrait d’une femme qui se dérobe à toutes les cases dans lesquelles la société française voudrait bien l’enfermer pour mieux en créer une à sa mesure. En effet, ce n’est guère le personnage doucement bordélique du régisseur qui est au centre du film, mais cette rappeuse atypique, la seule à croire dur comme fer en la réussite de son groupe amateur, au risque de se fourvoyer dans toutes sortes d’impasses, d’ordre matériel et affectif. Son optimisme et son acharnement pour percer dans un milieu qui ne veut visiblement pas d’elle s’articulent davantage selon les étapes d’un difficile roman d’apprentissage que d’après les règles de la comédie trop débile sur les bords pour réellement refléter une quelconque réalité sociale. Car ce sont les femmes qui font la force du deuxième film de Magaly Richard-Serrano, présenté au Festival d’Albi, au détriment d’une galerie d’hommes sensiblement moins habiles quand il faut déjouer les préjugés auxquels on les associe généralement. Ce n’est donc pas une histoire susceptible de se complaire dans l’énumération de clichés réchauffés sur la jeunesse de la banlieue parisienne, mais au contraire un conte subtilement édifiant sur la nécessité de croire en ses rêves, afin de pouvoir les accomplir.
Synopsis : Stan, la rappeuse à la tête du groupe Varek, galère pour mettre sur pied leur troisième tournée. Quand leur agent habituel les lâche, convaincu de l’absence totale de potentiel commercial pour ces quatre musiciens amateurs, Stan organise à elle seule les rendez-vous en province. Puisque le budget est plus que serré, elle devra faire appel à Omen, un mec blanc un peu space, en tant que régisseur bénévole. Une fois sur la route, la cohésion du groupe est mise à rude épreuve, en dépit de la volonté de Stan de croire encore en un concert surprise aux côtés de leurs idoles du Wu Tang Clan.
Bientôt finie, la galère ?
Les jeunes en galère qui font preuve d’inventivité et de débrouillardise pour se sortir de l’embarras comptent parmi les ressorts favoris de la comédie française. La variation sur ce sujet plutôt bateau opérée par la réalisatrice de La Fine équipe s’avère cependant ingénieuse, dans la mesure où elle s’applique avant tout à déjouer les attentes. Stan, interprétée avec une fougue désarmante par Annabelle Longronne, aurait à première vue tout ce qu’il faut pour réussir : une ambition sans bornes, un diplôme d’enseignante en poche, ainsi qu’une capacité redoutable de traduire son ressenti de laissée-pour-compte en des paroles de rap percutantes. Et pourtant, son existence ne rime à rien. Elle s’use à tenir à flot un groupe assez avare en signes de reconnaissance pour son investissement infatigable, pendant qu’à côté, son identité de femme rebelle subit une humiliation après l’autre. Nous le devons alors à la justesse du regard de Magaly Richard-Serrano que cette femme ne devient pas une caricature grotesque de tous ces personnages féminins arrivés sur grand écran avant elle, qui s’y sont déjà amèrement cassées les dents. Ce qui ne signifie pas non plus que son film aspire forcément à autre chose qu’un divertissement plaisant, saupoudré d’un constat social libéré d’œillères trop contraignantes.
Mankiewicz chez les rappeurs
Le petit grain de sable qui finira par détraquer suffisamment la machine, dès lors en mesure de s’assumer pleinement, reste néanmoins le personnage d’Omen, aussi secondaire soit-il. La réalisatrice prétend y voir une référence assez vague à Eve de Joseph L. Mankiewicz, le classique du cinéma américain autour d’une ingénue à l’esprit de concurrence très développé qui finit par voler la vedette à sa bienfaitrice. Les paramètres dramatiques diffèrent largement entre les deux films, même si les intentions du régisseur maladroit restent floues pendant un certain temps. Le point de distinction principal du déroulement scénaristique est par contre qu’Omen se définit avant tout comme une sorte de Pygmalion, aguerri des codes du monde du rap et décidé d’y faire respecter son élue. Il y parvient pas sans détours, à l’image d’un film qui gambade d’une manière presque insouciante ou en tout cas ironique, avant de dévoiler in extremis – et après une dernière fausse piste – le dessein réel du récit. Il n’y a rien d’aussi profondément machiavélique à en tirer que du chef-d’œuvre de Mankiewicz. Mais dans l’ensemble, la réalisatrice apporte sa pierre à l’édifice d’un regard plus ouvert et moins complexé sur la jeunesse des banlieues en général et les femmes, souffre-douleur du machisme ambiant, en particulier.
Conclusion
Le rire côtoie une sensibilité plus sérieuse dans cette comédie plus réfléchie qu’il ne paraît de prime abord. Après avoir rendu hommage à sa vie antérieure de boxeuse par le biais de son premier film Dans les cordes, sorti il y a près de dix ans, Magaly Richard-Serrano élargit son horizon de manière prometteuse. La Fine équipe n’est certes pas un grand film. Son opération de séduction a toutefois tendance à réussir, grâce à l’esprit joyeusement bordélique avec lequel il accompagne l’ascension à la maturité artistique et personnelle d’une femme exceptionnelle.