Critique : La Chute du président

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La Chute du président

États-Unis, 2019

Titre original : Angel has fallen

Réalisateur : Ric Roman Waugh

Scénario : Robert Mark Kamen, Matt Cook & Ric Roman Waugh

Acteurs : Gerard Butler, Morgan Freeman, Piper Perabo, Jada Pinkett Smith

Distributeur : SND

Durée : 2h00

Genre : Thriller / Interdit aux moins de 12 ans

Date de sortie : 28 août 2019

2,5/5

Si l’on veut bien admettre que le cinéma hollywoodien reflète de près ou de loin l’actualité américaine, il n’en existe aucun indicateur plus révélateur que les films ayant trait à la présidence. La façon dont sont représentés le chef de l’état et la mission tour à tour délicate et périlleuse qu’il exécute renvoie dans la plupart des cas l’image que les États-Unis se font d’eux-mêmes. Rappelez-vous par exemple cette vague sans précédent – et sans réplique non plus, soit dit en passant – de films autour du président au milieu des années 1990, lorsque les noces entre la nation et Bill Clinton ne s’étaient pas encore terminées d’une manière particulièrement crapuleuse. Par voie d’alliance politique ancienne, ce sont le plus souvent les présidents américains démocrates qui s’en sortent le plus honorablement, leurs pendants républicains ayant au mieux droit à des satires au ton acerbe. Or, depuis quelques années déjà, la Maison Blanche est occupée par un individu tellement bizarre et inclassable, pour ne pas écrire horriblement grotesque, que la fiction ne semble savoir l’aborder que par le biais de sketchs assassins sur « Saturday Night Live ». En tant qu’exemple à suivre et symbole à protéger coûte que coûte, Donald Trump n’a en tout cas pas la tête de l’emploi, tel qu’elle a été définie par les deux premiers films autour de l’agent de la garde rapprochée du président. Le troisième, dont le titre français implique en quelque sorte un jugement politique difficilement vérifiable au fil d’une intrigue ennuyeusement prévisible, doit alors apparaître comme un anachronisme, le souvenir d’une époque où le président était encore un homme de bien, sans relâche à l’œuvre pour rendre sa grandeur réelle à l’Amérique. Hélas, La Chute du président reste largement à l’écart de quelque prise de position que ce soit, préférant suivre mollement une chasse à l’homme comme on en a déjà vu des centaines, en majorité meilleures que celle-ci.

© Jack English / SND Tous droits réservés

Synopsis : Alors que le président Trumbull s’apprête à revoir en profondeur le rôle de l’armée américaine dans les conflits à l’extérieur du pays, le poste de dirigeant de ses gardes du corps se libérera prochainement. Son agent le plus fiable Mike Banning a postulé, plus pour des raisons personnelles, comme des problèmes de santé et la volonté de passer plus de temps avec sa famille, que par envie d’abandonner la première ligne du théâtre d’opérations. Lorsque le président s’en sort de justesse d’une tentative d’assassinat, au cours de laquelle l’ensemble de ses agents est éliminé, à l’exception de Banning, ce dernier est soupçonné par le FBI de trahison pour le compte des Russes. Il devra alors s’enfuir, afin de prouver son innocence et trouver les vrais coupables du complot.

© Simon Varsano / SND Tous droits réservés

Une présidence dans le coma

Quel acteur américain autre que Morgan Freeman pourrait encore interpréter la figure présidentielle tel qu’elle aurait dû être jusqu’à ce jour, ferme mais bienveillante, paternelle mais vigoureuse ? Même si son retour pour la deuxième fois de suite dans l’univers de l’agent Banning, à présent au sommet du gouvernement, nous fait plaisir, l’agencement de son rôle en dit long sur l’état de la présidence américaine à l’heure actuelle. Le président Trumbull passe en effet le plus clair de son temps suspendu à du matériel médical dans un lit d’hôpital, inconscient et donc incapable d’intervenir, pendant que les éminences machiavéliques de Washington mènent la danse. Cette prémisse est si peu ingénieuse et surtout si éloignée des préoccupations du monde politique d’outre-Atlantique, secoué jusque dans ses fondements à chaque nouveau tweet au ton incendiaire, qu’elle perd toute utilité de commentaire détourné sur ce qui se passe dans les couloirs du pouvoir américain en ce moment. Et même le moteur dramatique de protection du chef de l’état, mis en danger dans des circonstances de plus en plus abracadabrantes de film en film, est supplanté ici par une reprise très peu excitante du mode opératoire du Fugitif de Andrew Davis, au détail près que le protagoniste connaît assez bien le système pour pouvoir profiter de ses failles. Bref, d’un point de vue politique, il n’y a strictement rien de pertinent à tirer de la part d’un film, qui ne s’en sort guère mieux en termes de divertissement musclé.

© Simon Varsano / SND Tous droits réservés

Le lion est mort ce soir

Les lacunes plutôt marquées du scénario ne sont nullement rattrapées par la mise en scène complètement impersonnelle de Ric Roman Waugh. Pas un seul plan n’y laisse supposer un quelconque talent visuel, ni l’enchaînement au mieux vaguement efficace des scènes d’action, ni le recours passager à l’esthétique du jeu vidéo lors de deux séquences clef du film, aucunement immersives. Dans cette ambiance d’une médiocrité manifeste, la plupart des interprétations s’intègrent parfaitement, d’autant plus que le casting du film ne brille pas vraiment par son prestige. Entre Jada Pinkett Smith, Tim Blake Nelson et Danny Huston, le choix s’avère presque difficile pour déterminer lequel d’entre eux tombe le plus dans l’exagération vaine afin de faire exister tant soit peu leurs personnages caricaturaux. Quant à Gerard Butler, jamais un héros très charismatique, il ne daigne pas non plus s’affranchir de son rayon du vieux baroudeur en fin de carrière. Curieusement, le seul à prendre la peine de faire une tentative sincère de jouer dans cet amas de poncifs est Nick Nolte, dans le rôle du père longtemps absent du protagoniste, sollicité par défaut pour lui donner un coup de main. Sauf qu’à ce stade avancé de sa filmographie, on ne sait jamais trop s’il s’agit d’une savante parodie de son air de vieillard grommelant dans sa barbe ou si, contre toute attente, la vedette des années ’80 est encore capable de se dépasser.

© Jack English / SND Tous droits réservés

Conclusion

Où est passé la grandiloquence biscornue qui avait rendu au moins le premier film de l’univers passablement divertissant ? A l’heure où la Maison Blanche réelle est chaque jour de nouveau un cirque de l’horreur à elle toute seule, la fiction hollywoodienne a manifestement du mal à suivre. Ce qui nous laisse avec un film d’action sans éclat, aux décors bulgares qui créent trop peu l’illusion et aux enjeux dramatiques tirés par les cheveux. Au moins, Nick Nolte tente d’y apporter un peu d’authenticité, ce qui est bien entendu de la peine perdue dans le cadre d’une production à vocation principalement mercantile. Espérons que l’agent Banning aura désormais droit à sa retraite bien méritée, puisqu’on le voit mal courir à bout de force d’ici deux ou trois ans, afin de sauver in extremis la peau d’un énergumène de la trempe de Trump.

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