Critique : Jurassic World

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Jurassic World

Etats-Unis, 2015
Titre original : Jurassic World
Réalisateur : Colin Trevorrow
Scénario : Rick Jaffa, Amanda Silver, Colin Trevorrow et Derek Connolly
Acteurs : Chris Pratt, Bryce Dallas Howard, Irrfan Khan, Vincent D’Onofrio
Distribution : Universal Pictures International France
Durée : 2h05
Genre : Aventure
Date de sortie : 10 juin 2015

Note : 3/5

Une fois de plus, les dinosaures sont lâchés. Fidèles à leur nature depuis des millénaires, ils font preuve soit d’un pacifisme digne d’animaux de compagnie chez les herbivores, soit d’une méchanceté imprévisible chez les carnivores. Sinon, d’un point de vue cinématographique, ces quatrièmes aventures autour du parc Jurassic se situent quelque part entre l’intrigue du premier, mise à jour selon le progrès scientifique et l’état d’esprit propre aux années 2010, et le ton du troisième, à savoir un film de genre qui ne verse point dans l’esbroufe. L’essentiel est donc sauf puisque seul le grand affrontement final dans un parc quasiment désert la nuit évoque vaguement celui du Monde perdu, à ce jour l’unique faux pas pénible dans l’univers des dinosaures ressuscités. Enfin, dans le contexte de ce début de la saison 2015 des blockbusters estivaux, Jurassic World nous paraît confirmer la curieuse tendance des films à durée uniforme de deux heures, qui satisfont avec plus (Mad Max Fury Road) ou moins (San Andreas) de bravoure aux vieilles règles de leurs genres respectifs, sans être autre chose, au fond, que des resucées à vocation commerciale.

Synopsis : Les deux frères Zach et Gray vont rendre visite à leur tante Claire à Isla Nublar, où elle est en charge du parc à thèmes Jurassic World. Leurs retrouvailles ne sont guère chaleureuses, puisque Claire, qui n’a pas vu ses neveux depuis des années, croule sous le travail et préfère se débarrasser d’eux en les confiant à une assistante. Toute son attention est en effet fixée sur la visite du patron de l’entreprise Simon Masrani, venu inspecter les avancées dans la conception d’une nouvelle attraction sous forme d’un dinosaure féroce conçu grâce à un mélange génétique : l’Indominus Rex. Face aux craintes pour la sécurité des visiteurs, il demande à Claire de consulter l’entraîneur de vélociraptors Owen Grady afin d’inspecter l’enclos. Celui-ci répond plus ou moins favorablement à cette requête, à cause de ses rapports tendus avec sa collègue. Ils seront toutefois obligés de joindre leurs forces, lorsqu’ils apprennent que l’Indominus Rex se serait enfui.

L’effet waouh

Avant que les bêtes les plus féroces ne s’adonnent à un massacre en règle – quoique guère ingénieux – pendant la deuxième partie du film, le scénario nous réserve quelques observations savoureuses sur le monde des parcs à thèmes. Pour fréquenter de près cet univers basé sur l’émerveillement et les sensations factices, nous ne pouvons qu’admirer avec un sourire narquois le regard à la fois désarmant et pragmatique avec lequel il est analysé ici. Car cette industrie, en quête perpétuelle de nouvelles attractions en haut de la pyramide professionnelle, est confrontée tout en bas de la hiérarchie au mécontentement immédiat des visiteurs dès qu’un manège est en panne, traduit à travers l’employé blasé qui a du mal à se faire entendre pour annoncer la fin prématurée de la visite. Nous ne nous souvenons pas d’avoir vu pareil règlement de compte enjoué avec cette partie-là de la profession touristique depuis Le Flic de Beverly Hills 3 de John Landis. Simultanément, le récit s’emploie à exacerber les dispositifs de l’intrigue de Jurassic Park de Steven Spielberg. Ainsi, le recours aux gènes étrangers, qui n’était alors qu’une façon primitive de compléter l’ADN des premières reconstitutions de dinosaures, apparaît désormais comme le principal champ de recherches des laboratoires, qui ont perdu beaucoup de leur idéalisme et de leur innocence en vingt ans. De même, l’idée ingénieuse et sans doute bien intentionnée de l’entrepreneur original John Hammond, qui voulait créer une sorte de numéro de puces savantes à échelle démesurée, s’est transformée en une foire aseptisée, à peine plus respectueuse de la nature de ses sujets qu’un parc zoologique quelconque.

Danse avec les vélociraptors

Pendant que les dinosaures font donc ce qu’ils font d’habitude, les humains vaquent avec le même flegme à leurs occupations. En dépit de l’efficacité redoutable des éléments scénaristiques qui poussent l’intrigue en avant sans temps mort notable, on pourrait regretter l’absence de personnages en chair et en os susceptibles de faire face d’une manière héroïque à l’évolution en roue libre. Bien que nous soyons ravis de retrouver BD Wong dans un rôle plus consistant que dans le premier film, son scientifique n’est guère plus charismatique ou machiavélique que les autres méchants, qui se laissent écrabouiller sans trop d’états d’âme par la ribambelle de fauves affranchis. Et de l’autre côté du spectre moral, les bons et valeureux rescapés nous inspirent au fond qu’une seule et unique question : comment l’héroïne fait-elle pour accomplir son parcours du combattant en entier, sans jamais se défaire de ses chaussures à talons ? Bref, la sauce prend, mais principalement parce que le spectacle se situe du côté de la prémisse presque toujours aussi fascinante que lorsqu’elle sortait jadis de la plume de Michael Crichton. Cette euphorie initiale est d’ailleurs longuement sollicitée par le biais des thèmes musicaux de John Williams, au détriment inévitable des quelques notes composées pour l’occasion par Michael Giacchino.

Conclusion

Grâce à la mise en scène routinière de Colin Trevorrow, le divertissement est des plus convenables lors de ces troisièmes retrouvailles avec les bêtes préhistoriques. Le déroulé de l’aventure montre certes quelques premiers signes sérieux de fatigue, mais les effets spéciaux redoutable et le ridicule inhérent à l’ensemble finissent une fois de plus par sauver la mise, aussi peu personnelle soit-elle dans le cas présent.

1 COMMENTAIRE

  1. Ma mère m’a appris à compter avec des tomates… Aujourd’hui, les jeunes générations apprendront sûrement à compter avec les suites des films blockbusters! Jurassic Park 1, 2, 3, 4… Comme les tomates, les suites de la série Jurassic Park se répètent et se ressemblent énormément: même prémisse, même conclusion!

    Afin d’éloigner dès le départ toute confusion ou espoir dans votre esprit, autant vous dire que le changement du titre – passage de Jurassic Park à Jurassic World – n’amène aucune transformation incroyable au récit ou une réelle dimension supplémentaire à l’histoire: il s’agit bien d’un parc d’attraction avec des dinosaures, construit à côté des restes des précédents parcs, sur la même île que nous découvrions dans le premier Jurassic Park réalisé par Steven Spielberg en 1993.

    Le scénario très familial: deux adolescents, dont les parents pleurnicheurs sont en plein divorce, sont envoyés dans un parc à dinosaures rejoindre leur tante – carriériste et sans cœur – qui s’occupe de la gestion de ce parc. Oups! Un dinosaure s’échappe… Je vous laisse imaginer la suite ou consulter le résumé des scénarios du Jurassic Park 1, 2, 3…

    Moraliste sympathique

    Afin d’attirer les clients blasés qui ne réagissent qu’à l’appel de la nouveauté et aux sensations fortes, les membres de la direction du parc sont toujours prêts à dépasser les limites de la science, les normes de sécurité et, surtout, l’éthique pour créer la surprise sur laquelle ils vont pouvoir se faire toujours plus d’argent, augmenter leurs actifs… Intéressant de constater que ces derniers nomment également «actifs» toutes ces nouvelles créatures qui ne bénéficient d’aucun droit… et qu’ils peuvent les supprimer à leur guise.

    Le morale du film est donc extrêmement limpide, comme l’exprime le réalisateur Colin Trevorrow en dénonçant très clairement les dérives qu’entraîne notre cupidité en matière de profits ou encore notre inconscience dans le domaine de la génétique: «Nous sommes entourés de merveilles et pourtant nous en voulons toujours plus, et nous le voulons plus grand, plus rapide, plus fort, mieux».

    Ni original, ni curieux

    Force est de constater que le réalisateur suit à la lettre ses prescriptions dans son film: ce dernier opus de Jurassic Park – pardon, Jurassic World – tout comme son nouveau monstre hybride, n’est effectivement pas plus grand, plus rapide, plus effrayant, ni mieux que les précédents.

    Pourtant, toute la nouveauté résidait ici: dans la création de dinosaures hybrides entièrement conçus par des généticiens sans vergogne. Nous aurions pu nous attendre alors à une explosion d’imagination de la part du réalisateur, créant nouvelles créatures sur nouvelles créatures. Il n’en est rien, il n’y en a qu’un: L’Indominus rex qui ressemble comme deux gouttes d’eau au célèbre Tyrannosaurus rex des précédents films, mais version albinos!

    Que dire aussi du peu de variété d’animaux préhistoriques présentés dans Jurassic World, à peine plus d’une dizaine! Les fans de dinosaures auraient pu rappeler au réalisateur qu’il existe à ce jour à peu près 700 espèces de dinosaures répertoriées…

    De fait, puisque ce sont exactement les mêmes dinosaures (sauf l’hybride et un dinosaure aquatique) que dans les anciennes versions. Nous avons droit aux mêmes scènes, aux mêmes attaques, aux mêmes cadrages – hormis une belle vue d’ensemble du parc – et aux mêmes prises de vue de ces animaux. »
    Si cela vous tente de lire la suite, c’est ici: http://quebec.huffingtonpost.ca/jean-francois-mauger/jurassic-world-critique-film-cinema-dinosaures_b_7617706.html

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