Gungala, première « fille de la jungle » en DVD pour Artus Films

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Le cinéma bis italien des années 60/70 allait chercher son inspiration dans divers recoins de la culture populaire. Parmi les influences les plus marquantes, il y avait bien sûr les « fumetti » (bandes dessinées populaires italiennes), qui inondaient littéralement le marché du divertissement à l’époque. Mais comme on le sait bien, rien ne se perd, tout ce recycle : les fumetti reprenaient eux-mêmes bien souvent les mécanismes du « serial », ces films à petit budget destinés au grand écran fonctionnant selon le principe du feuilleton, très populaires durant la première moitié du vingtième siècle.

Parallèlement donc aux grandes figures du bis, telles que le cow-boy solitaire, le chevalier sans peur et sans reproche, l’espion tombeur de ces dames, l’esclave de Rome avide de vengeance ou encore le savant fou criminel, on a aussi vu naître pendant cette décennie une poignée de films d’aventures mettant en scène non pas un homme de la jungle mais une femme, une sauvageonne élevée en milieu hostile par une horde d’animaux. Pour la plus grande joie des cinémas de quartier, ces « jungle girls » étaient confrontées à toutes sortes de péripéties, et à un danger encore plus immense que les autres : la civilisation.

Samoa, Sheena, Gungala, Luana, Tarzana, Shandra, Meelah, Lorna, Leda, Kyrra et toute une autre flopée de noms en –A peupleront donc la toute nouvelle collection « Jungle Girls » de chez Artus Films. L’éditeur a annoncé la sortie d’une douzaine de titres, mais à ce jour, seuls les deux premiers sont disponibles : il s’agit de Gungala, la vierge de la jungle (Romano Ferrara, 1967) et Gungala, la panthère nue (Ruggero Deodato, 1968).

 

 

Gungala, la vierge de la jungle


Italie : 1967
Titre original : Gungala la vergine della giungla
Réalisation : Romano Ferrara
Scénario : Romano Ferrara, L.A. Rotherman
Acteurs : Kitty Swan, Linda Veras, Poldo Bendandi
Éditeur : Artus Films
Durée : 1h23
Genre : Aventures
Date de sortie cinéma : 7 août 1968
Date de sortie DVD : 4 décembre 2018

 

Deux aventuriers sans scrupule, Dany et Wolf, dérobent un diamant sacré à la tribu des Basoko. Wolf tue Dany, mais doit abandonner son butin face aux guerriers de la tribu. Des années plus tard, il revient pour le récupérer. Mais il va se retrouver face à Gungala, la déesse blanche, qui, aidée par sa fidèle panthère, va tout faire pour l’empêcher de piller son peuple…

 

 

Gungala, la panthère nue


Italie : 1968
Titre original : Gungala la pantera nuda
Réalisation : Ruggero Deodato
Scénario : Romano Ferrara, Guido Leoni
Acteurs : Kitty Swan, Micaela Pignatelli, Angelo Infanti
Éditeur : Artus Films
Durée : 1h28
Genre : Aventures
Date de sortie cinéma : 14 mai 1969
Date de sortie DVD : 4 décembre 2018

 

Une compagnie d’assurance charge un groupe d’aventuriers de retrouver une jeune héritière, dont l’avion s’est écrasé dans la jungle quelques années auparavant. Ayant grandi au milieu de la nature, l’enfant est devenue Gungala, la déesse blanche, évoluant aux côtés de sa fidèle panthère. Avant d’approcher la sauvageonne, les aventuriers vont devoir la défendre contre une tribu d’indigènes voulant dérober son diamant…

 

 

Les films

[3,5/5]

Une jungle aussi luxuriante qu’inhospitalière, des paysages exotiques, un groupe d’aventuriers / mercenaires à la recherche d’un diamant perdu, une sauvageonne aux yeux de braise : Gungala, la vierge de la jungle s’impose comme le film d’aventures typique de son temps, au déroulement très comparable à Samoa, la reine de la jungle, le film qui fit découvrir Edwige Fenech la même année : 1967, pas encore année trop érotique dans l’absolu ! Le film s’avère en effet, malgré ce à quoi on aurait pu s’attendre, très prude en ce qui concerne la nudité de son héroïne. Pour le reste, le film de Romano Ferrara demeure teinté d’une naïveté bon enfant typique des années 60, qui hérissera peut-être quelques poils du côté de certains spectateurs contemporains (notamment dans la représentation de l’Afrique, remplie de clichés qui aujourd’hui pourront paraître franchement racistes), mais qui apportera au film une indéniable touche de poésie pour qui aura le recul suffisant pour l’apprécier.

Et s’ils ont certes été tournés avec seulement quelques mois de décalage l’un par rapport à l’autre, les deux opus des aventures de Gungala ne sont pas réalisés par la même personne : si Romano Ferrara reste toujours l’auteur du scénario du deuxième film, la mise en scène de ce dernier est confiée à un cinéaste encore débutant à l’époque : Ruggero Deodato. Et même s’il s’agissait alors de son tout premier long-métrage, on constatera dès les premières minutes du film que Ruggero Deodato s’avère – contre toute attente – beaucoup plus apte que son prédécesseur à insuffler à Gungala, la panthère nue un rythme soutenu : ce deuxième opus se montrera donc au final beaucoup plus dynamique que le précédent, qui comportait – malgré sans courte durée – encore pas mal de longueurs. D’une esthétique sophistiquée (la photo de Claudio Ragona est très jolie), encore plus « prude » et familial que le premier dans son approche de la nudité, plus riche en séquences humoristiques et très mesuré dans sa façon d’aborder la violence (on est encore loin du style baroque, gore et excessif qui rendrait le cinéaste célèbre quelques années plus tard !), le film de Deodato développe par ailleurs un attachement un peu plus important à livrer au spectateur un spectacle un poil plus « authentique », s’offrant quelques apartés à la façon des « mondos » popularisés quelques années plus tôt par Paolo Cavara, Gualtiero Jacopetti et Franco Prosperi. L’ensemble fleure donc bon l’exotisme en carton-pâte, tout en conservant ce goût inimitable des ritals pour une certaine vulgarité pleine de charme, légère et revigorante, qui deviendrait une des particularités les plus attachantes du bis Italien des années 70. De fait, Gungala, la panthère nue s’avère une série B efficace et très représentative de son époque. Le soin indéniable apporté au cadre et à certains décors, le charme désuet des acteurs et des gags, tout cela contribue à donner au film des allures d’aventures exotiques en mode fun, franchement enthousiasmantes dans leur genre.

 

 

Les DVD

[5/5]

On ne vous fera pas l’offense de vous présenter Artus Films, excellent éditeur français grâce à qui le cinéphile français a eu la chance de redécouvrir courant 2018 quelques petites perles de Lucio Fulci, Pete Walker et Jess Franco en Blu-ray. C’est en DVD que l’éditeur nous propose cette fois de découvrir les deux premiers volumes de sa nouvelle collection consacrée aux « Filles de la Jungle » : Gungala, la vierge de la jungle et Gungala, la panthère nue bénéficient d’ailleurs de très beaux masters au format 1.85 respecté et en version intégrale, tout simplement parce qu’Artus Films ne se fout pas de la gueule du consommateur. Composant habilement avec les limites du format (forcément un peu plus faible durant les scènes nocturnes), les DVD nous claquent les fesses de façon franche et virile, imposant une image propre, stable, et un encodage sans faille, vraiment épatant, qui renforce encore les qualités visuelles des deux films. Du côté du son, VF et VO sont proposés en Dolby Digital 2.0 mono d’origine (VO uniquement pour Gungala, la panthère nue), et les mixages s’avèrent tout juste assez dynamiques pour compenser, surtout dans le cas du premier film, le léger manque de mouvement à l’écran.

Du côté des suppléments, outre les traditionnelles bandes-annonces et galeries de photos, Artus Films nous propose, sur le DVD de Gungala, la vierge de la jungle, une présentation du phénomène des « jungle girls » par Julien Sévéon, assez passionnante et plutôt complète, puisque le journaliste s’attardera longuement sur la naissance et l’essor du genre en littérature et en bandes dessinées, avant de s’attarder (un peu plus brièvement, mais de façon toujours assez exaltée) sur le film en lui-même. On notera également que dans un souci de cohérence avec le film, le sujet a été tourné dans une espèce de jungle, digne du cinéma bis italien des années 60/70. Sur le DVD de Gungala, la panthère nue, l’éditeur fait encore plus fort puisqu’il nous propose un entretien avec Ruggero Deodato, qui évoquera, avec la passion et la bonne humeur qu’on lui connaît, les souvenirs de son premier long-métrage. Autant dire que l’on boit ses paroles, pas toujours forcément tendres d’ailleurs, surtout quand il évoque le scénariste et réalisateur du premier film, Romano Ferrara, qu’il présente comme un vieux dégueulasse un peu pervers. Vu la complaisance avec laquelle il filmait ses actrices sur le premier film, on aurait pu s’en douter…

 

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