Berlinale 2017 : Pris au piège

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Pris au piège

Espagne, 2017
Titre original : El bar
Réalisateur : Alex De La Iglesia
Scénario : Alex De La Iglesia et Jorge Guerricaechevarria
Acteurs : Blanca Suarez, Mario Casas, Jaime Ordoñez, Carmen Machi
Distribution : L’Atelier d’images
Durée : 1h42
Genre : Thriller
Date de sortie : 31 août 2017 (VOD) / 5 septembre 2017 (DVD/Blu-ray)

Note : 3/5

Notre séjour au 67ème Festival de Berlin s’est terminé quelque peu en demi-teinte, pas seulement parce que notre ordinateur a lâché in extremis, mais aussi au moins partiellement en raison de ce film de genre espagnol, certes efficace mais pas vraiment en mesure d’apporter quoique ce soit de nouveau à la recette éprouvée du huis-clos, qui vire au thriller psychologique avant de culminer dans une course effrénée à la survie. Grâce à El bar, le réalisateur Alex De La Iglesia a beau prouver son savoir-faire dans le domaine du cinéma passablement gore, il se cantonne avec un certain entêtement dans le type de film qui fait le tour des festivals fantastiques, sans trouver ensuite de débouchées auprès d’un public plus large. Son treizième film devrait donc connaître un sort comparable à celui de la plupart de ses longs-métrages précédents, c’est-à-dire faire les beaux jours des services de vidéo à la demande, les vidéo-clubs du XXIème siècle. Car en tant que pur divertissement dépourvu d’arrière-pensées, cette histoire abracadabrante tient à peu près la route. Ce qui résume parfaitement ses qualités et ses faiblesse, dont le nombre est à peu de choses près à égalité.

Synopsis : La jeune et belle Elena avait prévu de ne faire qu’une escale dans le bar tenu par l’acariâtre Amparo, le temps de recharger son téléphone portable dont elle aurait eu besoin pour reconnaître l’homme qu’elle était censée rencontrer lors d’un rendez-vous galant. Elle y restera pourtant séquestrée pendant des heures, après qu’un homme a été abattu dans des circonstances mystérieuses devant la porte de cet établissement à la clientèle populaire. Avec les autres convives, Elena essayera sans succès de comprendre les raisons étranges de ce meurtre brutal, jusqu’à ce que leurs nerfs soient à fleur de peau et qu’il suffise d’une étincelle pour faire exploser cette communauté improvisée, laissée volontairement dans le flou.

Vociférer à qui mieux-mieux

Le récit de El bar s’articule stoïquement en trois mouvements : la mise en place des enjeux de l’intrigue dans ce café somme toute très ordinaire, suivie de deux changements de décor majeurs, qui voient progressivement les personnages s’enfoncer un peu plus dans leur psychose et le soubassement de la ville. Les éléments de surprise se font plutôt rares dans cet agencement narratif, qui considère sans doute que la surenchère du ton vaut mille fois mieux que des revirements moins tributaires d’une course survoltée à l’élimination systématique des obstacles à la survie. Dans le cinéma de Alex De La Iglesia en général et ce film-ci en particulier, il n’y a guère de place pour une évolution graduelle des personnages, dont les traits de caractère sont tout aussi caricaturaux que l’interaction entre eux. La tension propre au contexte y prime sur tout le reste, au risque de reproduire, film après film, les mêmes engrenages de la violence, qui joue ici plus un rôle de déclencheur du spectacle que de mise en garde contre l’excès qui mènera directement au désastre. Car la vocation suprême de ces histoires qui lorgnent avec un malin plaisir vers l’horreur est justement de faire souffrir aussi gratuitement que possible de pauvres innocents, par exemple dans le cas présent sous forme de corps dénudés et dégoulinants d’huile qui doivent se tortiller dans tous les sens pour passer à travers un trou trop étroit.

Proscrire sans états d’âme

Or, de cette revendication assumée du mauvais goût et du cynisme, qui s’appuie néanmoins sur une expertise technique très solide, découle tout le plaisir jouissif qu’un film comme El bar peut procurer. Au fond, on s’en fout royalement de savoir qui s’en sortira ou qui périra, surtout envers des personnages sans verve et sans âme, plus vilains les uns que les autres, dont le seul signe distinctif est leur appartenance à un stéréotype dans l’air du temps, de l’héroïne au cœur d’artichaut au héros principalement barbu afin de pouvoir être la cible de toutes sortes de suspicions mal intentionnées, en passant par une galerie de crétins aux fantasmes et aux phobies ridicules. Les théories du complot les plus farfelues fusent parmi ces pauvres énergumènes, qui ont eu la malchance de se trouver au mauvais endroit au mauvais moment. Et pourtant, les peurs et les joies les plus ancestrales sont assez bien amenées dans ce thriller curieusement haletant pour éviter les passages à vide les plus pénibles. Naît alors très timidement chez nous le doute salutaire que toute cette agitation soit volontairement réduite à une tirade d’esbroufe malicieuse, susceptible de mieux tourner en dérision les craintes paranoïaques qui rythment désormais le quotidien des Européens.

Conclusion

Alex De La Iglesia reste égal à lui-même avec cette descente aux enfers modérément baroque. El bar est un film de genre qui nous arrache au mieux quelques frayeurs et ricanements superficiels, faute d’innover de quelque manière que ce soit. Il s’agit d’un divertissement convenable, aussitôt vu, aussitôt oublié, qui ravira les fans indécrottables du réalisateur espagnol, mais qui ne risque point d’en créer des nouveaux.

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