Critique : Docteur Jekyll et Sister Hyde

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1878

Docteur Jekyll et Sister Hyde

Royaume-Uni : 1971
Titre original : Dr. Jekyll and Sister Hyde
Réalisateur : Roy Ward Baker
Scénario : Brian Clemens, d’après une histoire de Robert Louis Stevenson
Acteurs : Ralph Bates, Martine Beswick, Gerald Sim
Durée : 1h37
Genre : Epouvante
Date de sortie : 11 juin 1975

Note : 3,5/5

La figure du scientifique qui se transforme en monstre est un grand classique du cinéma de genre, notamment par le biais des différentes adaptations au fil du temps de l’histoire imaginée par Robert Louis Stevenson. Le mythe de Docteur Jekyll et Mister Hyde sur les deux faces d’une même personnalité s’est inscrit, au moins depuis les débuts du cinéma parlant, dans le catalogue des craintes collectives, mis à jour successivement par les soins de Rouben Mamoulian, Victor Fleming ou encore Jean Renoir. Cette version-ci, produite par la Hammer au début des années 1970, se distingue par son jeu habile sur la question des identités masculine et féminine. Et c’est même cette réflexion plutôt avare en préjugés qui lui assure une certaine modernité de nos jours, quand la perception des attributs propres à l’homme ou à la femme a grandement évolué. Sinon, le film de Roy Ward Baker est un conte d’épouvante aussi sobre qu’efficace, sans signe particulier de distinction.

Synopsis : Le docteur Jekyll mène fiévreusement ses recherches afin d’éradiquer à terme l’ensemble des maladies virales. Or, devant l’immensité de la tâche, il doit se rendre compte que la durée probable de sa vie ne suffira jamais pour mener à terme ses expériences. Son nouvel objectif consiste alors à trouver une potion miracle, susceptible d’allonger considérablement son espérance de vie. La piste la plus prometteuse se dessine du côté des hormones féminines, l’application desquelles a montré des résultats encourageants lors d’un essai avec une mouche. Le docteur ne tarde pas à devenir son propre cobaye, déclenchant alors une transformation troublante. De plus, son travail manque progressivement d’hormones, extraites jusque là de cadavres récupérés à la morgue.

Lui et elle

La transformation d’homme en femme et inversement a pendant longtemps été une source d’humour passablement graveleux au cinéma. Même dans les films les plus délicats de ce point de vue-là, qui voyaient des réalisateurs de la trempe de Billy Wilder (Certains l’aiment chaud) ou Blake Edwards (Dans la peau d’une blonde) s’amuser avec des travestissements plus ou moins définitifs, un ton railleur prévaut qui n’incite guère à prendre au sérieux cette question de mœurs et de moralité. Dans Docteur Jekyll et Sister Hyde, le trouble s’installe davantage du côté de la sensualité, plus ou moins bien assumée selon les changements de sexe cycliques. Le va-et-vient entre l’homme, complètement absorbé par son travail et par conséquent assez indifférent aux avances de la voisine du dessus, et la femme, mettant au contraire en valeur son corps qui lui sert d’arme de séduction massive, instaure ainsi le climat d’un érotisme à peine jouissif. A aucun moment, le personnage principal n’a en effet le droit de s’adonner aux plaisirs de la chair, puisque sa mauvaise conscience caricaturale le rappelle régulièrement à l’ordre. Au lieu d’élargir cette contradiction des désirs et des fantasmes vers le champ d’une sexualité débridée, le scénario préfère privilégier le revirement psychologique vers une concurrence meurtrière qui borde à l’autodestruction et qui se solde, sans surprise, par la mort.

L’Angleterre selon son studio le plus mythique

Si le fond de ce film d’épouvante britannique se prête donc à une étude stimulante sur la représentation de genres sexuels en pleine fluctuation, sa forme se montre tout de suite plus sage et conventionnelle. Le décor de la ville de Londres plongée dans un brouillard épais participe ainsi autant à cette impression d’un classicisme un peu poussiéreux que les transitions narratives dans le temps, pratiquement toutes agencées de la même façon. Les gueules effrayantes et vicieuses qui pullulent dans les rôles secondaires font heureusement oublier que la distribution est quasiment exempte d’acteurs de renom, même si Ralph Bates, Martine Beswick et Gerald Sim s’acquittent avec une certaine adresse de leurs emplois potentiellement ingrats. En somme, il s’agit du type de production sur lequel la maison Hammer a en quelque sorte bâti sa réputation, à savoir un film de genre entièrement fidèle aux règles d’une fiction effrayante, mais qui sait se démarquer par certains aspects – ici de l’ordre de la démystification des stéréotypes masculins et féminins – plus astucieux que dans d’autres films de série B comparables.

Conclusion

Les histoires les plus en phase avec la contradiction inhérente à la condition humaine disposent d’un éventail inépuisable de variations. Il n’est ainsi guère étonnant que, quarante ans après le Docteur Jekyll et Mister Hyde avec Fredric March, des choses pertinentes et moins dans l’air du temps que profondément universelles restaient à dire sur le dispositif de la science au service de la folie propre à l’homme … et à la femme. Docteur Jekyll et Sister Hyde n’est certes pas un chef-d’œuvre de l’écurie Hammer, mais pas non plus un film d’exploitation sans classe, qui serait seulement intéressé à tourner en dérision une thématique transgenre presque téméraire pour l’époque.

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