Dinard 2019 : Brighton

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Brighton

Royaume-Uni, 2019

Titre original : Brighton

Réalisateur : Stephen Cookson

Scénario : Stephen Cookson & Melanie Harris, d’après la pièce de Steven Berkoff

Acteurs : Marion Baily, Phil Davis, Larry Lamb, Lesley Sharp

Distributeur : –

Genre : Comédie

Durée : 1h31

Date de sortie : –

2/5

De notre seul et unique voyage à Brighton, il y a une éternité, vers la fin des années 1980 lors d’un séjour linguistique, ce n’est que la visite du somptueux Royal Pavilion qui nous est restée en mémoire. Pour un laps de temps qu’on espère le plus bref possible, avant l’effacement salutaire dû à l’oubli, ce souvenir positif sera associé à celui, infiniment plus frais et atrocement plus déplaisant, du film du même nom, vu au Festival de Dinard. Car même si l’on veut bien faire abstraction des différences culturelles en termes d’humour, traditionnellement toujours compliqué à exporter, c’est le propos au mieux complaisant à l’égard de toutes sortes de préjugés, au pire haineux et aigri, qui nous a rebutés dans le film de Stephen Cookson. Brighton, ça aurait pu être une satire cinglante sur l’Angleterre d’hier, peuplée de vieux dégoûtants, aussi infects dans leur discours que dans leurs pratiques de loisirs. Finalement, c’est un film au cahier de charges idéologique et formel plutôt archaïque, resté terriblement théâtral dans son exécution et foncièrement incapable de rendre son adaptation de la pièce de Steven Berkoff pertinente de quelque manière que ce soit. Car quel intérêt y a-t-il encore en 2019 de voir un film traitant si grossièrement de fléaux sociaux comme le racisme et l’homophobie, si ce n’est de se rassurer tant soit peu, en se disant que cela faisait longtemps qu’on n’avait plus vu pareille farce grotesque au positionnement idéologique douteux ?

Synopsis : Les couples d’amis Derek et Dinah ainsi que Dave et Doreen se sont rencontrés il y a fort longtemps dans la station balnéaire de Brighton. Alors que leurs relations conjugales se sont accommodées d’un quotidien routinier, rythmé plus par des coups de gueule que par des déclarations d’amour, Dinah propose de faire une virée ensemble à l’endroit où leur histoire commune avait jadis commencé. Dès leur arrivée, les vieux doivent se rendre compte que beaucoup de choses ont changé dans ce qu’ils croyaient être préservé sous forme de refuge nostalgique. Installés sur leurs transats au bord de la piscine, ils ne tardent pas à s’apitoyer sur leur sort, tout en faisant le tour des minorités à dénigrer.

© CK Films Ltd. / Red Rock Entertainment Tous droits réservés

Dialogue de sourds entre sexistes et féministes

On a mis quand même du temps avant de perdre tout espoir pour Brighton. Il devait bien y avoir une valeur rédemptrice quelque part, une finalité dramatique plus ambitieuse que de contempler avec consternation un groupe de vieux, réunis pour geindre en chœur. L’illusion a en effet été sauve au début, grâce au va-et-vient régulier entre les deux niveaux temporels du récit, la vigueur des jeunes créant un contrepoids pas sans charme au cercle vicieux du dépit dans lequel leurs pendants plus âgés se complaisaient outrancièrement. Hélas, la spirale vers l’amertume fielleuse n’a pas été longue à s’enclencher, laissant une place de plus en plus préjudiciable à une avalanche de manifestations de l’étroitesse d’esprit inquiétante chez les quatre personnages principaux. En effet, il n’y en a pas un pour rattraper l’autre, le machisme primitif des hommes n’étant en rien compensé par l’hystérie psychologique des femmes, traumatisées soit par leur poids, soit par une tragédie d’enfance qui trouve comme par miracle une explication abracadabrante. Dans ce marasme de l’antipathie généralisée, ce serait au mieux un simulacre de sagesse qui aurait pu encore sauver le film, une sorte de constat désolant que plus personne ne change à partir d’un certain âge et qu’il vaudrait mieux prendre avec un recul considérable ces prises de position d’une autre époque.

Boys will be boys

C’est sans doute trop demander à un film qui préfère visiblement à cet aveu d’impuissance sociale une tournure plus bancale et en fin de compte frustrante. Au lieu de forcer le trait jusqu’à l’excès, comme les couleurs criardes et quelques plans caricaturaux auraient pu le permettre – le festin des burgers en contre-plongée constituait le premier pas vaguement prometteur dans cette direction – , la mise en scène de Stephen Cookson se met en position de servilité accrue envers les invraisemblances et la lourdeur de ton du scénario. Dès lors, seul le crétinisme irrémédiable des quatre vieux importe, sous le rouleau compresseur duquel plus aucune nuance ne peut persister. Pire encore, l’opération de rattrapage de tant de préjugés proférés sans filtre échoue misérablement, l’inclusion de personnages gays ne faisant qu’attiser la haine et accroître les défauts de compréhension mutuelle. Puisque l’action est censée se dérouler en 2005, tout ce qu’il nous reste à faire alors, c’est de nous estimer heureux que la société dans les pays occidentaux devrait quand même avoir évolué depuis dans un sens plus tolérant. L’existence même d’un film comme Brighton, qui tente la dérision face aux esprits bornés et y échoue avec fracas, nous rappelle toutefois qu’aucun acquis social n’est fait pour durer, si on laisse la traînée de poudre de la haine récréative en saper impunément les fondations.

Conclusion

A chaque festival son film qu’on aurait mieux fait de ne pas inclure dans notre programme personnel, qu’il aurait été plus judicieux d’éviter au profit d’un peu de tourisme de proximité, passant trop souvent à la trappe au cours de nos séjours éclair en province ! Pour celui de Dinard en 2019 – ayons le courage de l’affirmer alors que notre couverture se terminera très prochainement – , c’était Brighton, une comédie à l’humour pour le moins problématique. Car ce portrait au vitriol d’une classe sociale et d’une génération se distingue en mal par la méchanceté fâcheusement stérile par laquelle il tente, on ose le supposer, de tendre la glace à tant de bigoterie hargneuse.

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