Décès de l’actrice Dorothy Malone

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So long, pal… C’est une légende d’Hollywood qui disparaît à l’âge de 93 ans, quelques jours avant son 94ème anniversaire. L’actrice était une des personnalités oscarisées les plus âgées encore parmi nous. Elle a remporté l’Oscar du second rôle en pour le film de Douglas Sirk, Écrit sur du vent, où elle partageait l’affiche avec Rock Hudson, Lauren Bacall et Robert Stack. Elle brille en nymphomane particulièrement exigeante et douée pour le mambo.

Elle était aussi reconnue aux Etats-Unis pour ses multiples apparitions dans des westerns et avoir été la matriarche de la série Peyton Place entre 1964 et 1968, d’après le long-métrage éponyme de Joshua Logan (elle reprenait le rôle créé par Lana Turner). Mia Farrow et Ryan O’Neal y faisaient leurs débuts. Sa toute dernière sur le grand écran fut très remarquée. Par amitié pour Sharon Stone, elle accepta de faire une apparition dans Basic Instinct, dans le rôle d’une matricide glaçante.

Né à Chicago le 30 janvier 1924 (et non 1925 comme ce fut longtemps précisé dans ses biographies), elle est repérée par la RKO et débute au cinéma en tenant des petits rôles dans le film noir Convicted Woman de Nick Grinde (1940) ainsi que dans deux comédies musicales avec Frank Sinatra, Amour et swing (1943) et Dansons gaiement (1944), réalisées par Tim Whelan, puis dans Quatre du music-hall (1944) avec l’artiste de music-hall Eddie Cantor. Elle ne garde pas un grand souvenir de cette période : «Je joue une demoiselle d’honneur dans un film, la meneuse d’un orchestre composé de jeunes filles dans un autre… La seule chose remarquable que j’ai faite à la RKO, c’est de perdre mon accent du Texas

Lorsque son contrat avec la RKO n’est pas reconduit, elle est récupérée par la Warner qui lui permet d’être la cousine de Cary Grant dans Nuit et jour de Michael Curtiz, une biographie de Cole Porter mais c’est un petit rôle de libraire dans l’énigmatique Le grand sommeil (1946) qui la sort de l’anonymat. Malgré un temps de présence bref, elle reçoit ses premiers éloges et révèle qu’elle est loin d’être muette, alors qu’elle flirte ouvertement avec le détective Philip Marlowe, joué par Humphrey Bogart. «Howard Hawks m’avait repérée dans une fête costumée sur le thème du western. J’étais la seule déguisée en indienne ! Je portais une tenue très courte et j’étais outrageusement maquillée. Il aimait désarçonner les gens et il fallait savoir lui répondre avec aplomb. Il préférait la compagnie de ceux qui n’hésitaient pas à lui répondre vertement d’ailleurs !».

Elle se voit ensuite offrir des personnages plus centraux dans Two Guys from Texas de David Butler qui marque la première apparition de Bugs Bunny dans un long-métrage, le film noir Flaxy Martin de Richard Bare (1949), le western La fille du désert de Raoul Walsh… «J’adorais les westerns. Être couverte de poussière, être à cheval, planter des pommes de terre et du coton… Pour ne rien gâcher, ma doubleuse et moi étions souvent les seules femmes sur le plateau !». Elle expliquait avoir bêtement raté le rôle féminin principal des Grands espaces de William Wyler, son réalisateur préféré, en 1958. «Je souffrais alors d’une grande angoisse à cette période et j’avais perdu plus de dix kilos. Je trouvais que je ressemblais à une sorcière. Et à chaque fois que mon agent me proposait de le rencontrer pour le film, je n’honorais pas le rendez-vous. Je n’ai appris que bien plus tard que Wyler cherchait une actrice très maigre. Il a choisi Carroll Baker qui a oublié de lui dire qu’elle était enceinte. Il a du la cadrer en gros plan… J’ai été victime de ma bêtise et de mon complexe d’infériorité

Les années 50 restent sa période la plus riche, en quantité comme en qualité. Avant son oscar, on la voit dans d’autres westerns dont L’homme du Nevada de Gordon Douglas, Quand la poudre parle de Nathan Juran, avec Ronald Reagan ou Five Guns West de Roger Corman ; des films noirs comme La loi des bagnards d’Henry Levin, The Killer That Stalked New York d’Earl McEvoy, Loophole de Harold Schuster, Ici brigade criminelle de Don Siegel, The Fast and the Furious de et avec John Ireland ou Le doigt sur la gâchette d’Alfred Werker ; les films de guerre Le sillage de la mort de Lew Landers et Le cri de la victoire, à nouveau de Walsh ; la comédie musicale Un amour pas comme les autres où elle est la sœur de Doris Day et recroise Sinatra ; d’autres westerns encore entre 1955 et 1957 (Cinq fusils à l’ouest, La furieuse chevauchée, Le doigt sur la gâchette, Tension à Rock City, Les piliers du ciel ou Quantez) mais aussi Sincerely Yours (1955), une improbable comédie romantique avec Liberace (!).

Ci-dessus dans The Fast and the Furious avec John Irleand, ci-dessous dans Du plomb pour l’inspecteur avec Fred Mac Murray et Kim Nowak

Dans le délirant Artistes et modèles de Frank Tashlin (1955), elle partage l’affiche avec le célèbre duo Jerry Lewis-Dean Martin, déjà croisés sur la comédie policière Tu trembles carcasse de George Marshall. De cette période, son film le plus marquant reste Du plomb pour l’inspecteur, rare incursion dans le film noir de Richard Quine, maître de la comédie comme réalisateur de ses scripts mais aussi comme scénariste de Blake Edwards. Fred MacMurray est ici un flic trouble qui tombe sous le charme de Kim Novak (à ses débuts) qu’il surveille car elle est la compagne d’un gangster soupçonné de braquage.

Son heureuse rencontre avec Sirk lui a permis de sortir des emplois plus sages des premières années d’actrice et se réjouissait-elle dans un entretien en 1967, «après ce film, bien sûr, j’ai presque toujours été infidèle, alcoolique et/ou hyper sexuée à l’écran». Elle s’illustre ensuite dans L’homme aux mille visages (1957) où elle joue l’épouse de Lon Chaney Sr joué par James Cagney, Une femme marquée, autre biopic où elle incarne l’actrice alcoolique Diana Barrymore, fille d’un autre accroc à la bouteille et grand acteur, John Barrymore, joué par Errol Flynn (on admire la pertinence de la distribution d’un autre grand champion de l’autodestruction). Douglas Sirk lui permet de retrouver Robert Stack et Rock Hudson dans La ronde de l’aube (1957), une œuvre plus forte encore que leur première rencontre. On la voit encore dans un autre chef d’oeuvre du western, L’homme aux colts d’or d’Edward Dmytryk (1959) avec Richard Widmark, Henry Fonda et Anthony Quinn mais il s’agit déjà de son dernier film majeur.

Au début des années 60, Panique à bord d’Andrew L. Stone et El Perdido de Robert Aldrich qui lui permettent une nouvelle fois de partager l’écran, respectivement, avec Robert Stack et Rock Hudson, Dorothy Malone glisse irrémédiablement vers le petit écran. Outre Peyton Place, dont elle retrouvera l’univers dans deux téléfilms en 1977 et 1985, elle apparaît dans Route 66, Dr Kildare, Les incorruptibles, Le plus grand chapiteau du monde avec Jack Palance, Sergent Anderson, Les rues de San Francisco, Vegas et le feuilleton culte Le Riche et le pauvre qui révéla Nick Nolte et Peter Strauss. Au cinéma, ses apparitions se raréfient et se limitent à des productions anecdotiques. On la voit notamment dans le thriller Perversion d’Alberto De Martino (1969), Abduction (1975), récit du kidnapping de Patty Hearst, Le jour de la fin des temps de John ‘Bud’ Cardos (1979), The Being de Jackie Kong (1983) ou la comédie horrifique Repose en paix de José Ramón Larraz (1987) avant heureusement de terminer sa carrière sur cette apparition forte chez Verhoeven. Les légendes d’Hollywood n’ont pas toutes eu cette opportunité…

Elle a obtenu trois citations aux Golden Globes, pour Écrit sur du vent en 1957 et à deux reprises comme actrice de programme télévisé en 1965 et en 1966 pour Peyton Place. On remarquera que Jack Lemmon, lors de la remise de l’Oscar (voir ci-dessous) était pressé d’annoncer les nommées et la lauréate pour s’éclipser rapidement. On admirera d’ailleurs sa discrétion lorsqu’il agite sa montre sous le nez de Dorothy Malone…

https://youtu.be/AO9Q-81w6KQ

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