Critique : Zombi child

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Zombi child

France, Haïti : 2019
Titre original : –
Réalisation : Bertrand Bonello
Scénario : Bertrand Bonello
Interprètes : Louise Labeque, Wislanda Louimat, Adilé David
Distribution : Ad Vitam
Durée : 1H43
Genre : Drame
Date de sortie : 12 juin 2019

1/5

Avec Zombi child, présenté à la Quinzaine des Réalisateurs de Cannes 2019, le réalisateur de L’Apollonide, de Saint-Laurent et de Nocturama se lance dans le cinéma de genre  tout en s’efforçant de le détourner pour parler de Haïti, un pays qu’il portait en lui depuis près de 20 ans, et des méfaits de la colonisation.

Synopsis : Haïti, 1962. Un homme est ramené d’entre les morts pour être envoyé de force dans l’enfer des plantations de canne à sucre. 55 ans plus tard, au prestigieux pensionnat de la Légion d’honneur à Paris, une adolescente haïtienne confie à ses nouvelles amies le secret qui hante sa famille. Elle est loin de se douter que ces mystères vont persuader l’une d’entre elles, en proie à un chagrin d’amour, à commettre l’irréparable.

Haïti – Saint Denis

Tout au long du film, Zombi child alterne des scènes tournées en Haïti, au cours desquelles des hommes se déplacent avec une démarche très particulière, le plus souvent dans le noir, et des scènes tournées dans la maison d’éducation de la Légion d’honneur avec un groupe de 5 adolescentes qui, la nuit venue, se rencontrent en cachette. Le rapport entre Haïti et ces jeunes filles ? Mélissa, l’une d’entre elle, est la petite-fille d’un zombi haïtien, une haïtienne, une orpheline dont la mère a été décorée de la Légion d’honneur pour ses activités de recherche sur les crimes contre l’humanité commis du temps des Duvalier, et qui loge chez une tante, prêtresse mambo dans la religion vaudou.

L’art de torpiller des sujets potentiellement intéressants

Amalgamer dans un même film les états d’âme de quelques adolescentes pensionnaires d’une institution avec une évocation du culte vaudou et du phénomène des zombis en Haïti, pourquoi pas, d’autant plus que le second sujet a rarement été abordé au cinéma. Malheureusement, dans Zombi child, aucun de ces 2 thèmes n’est traité de façon satisfaisante, pour le premier à cause du son, pour le second, à cause de l’image et d’une information défaillante.

En effet, d’une façon malheureusement presque générale, les ingénieurs du son ont tendance à s’arracher les cheveux avec la plupart des jeunes comédiens et comédiennes de notre pays, vue (ou, plutôt, entendue !) leur fâcheuse tendance à marmonner plutôt que d’articuler. Après avoir vu un film comme Zombi child, on en arrive à souhaiter que les films français arrivent sous-titrés sur nos écrans. En effet, on ne comprend pas la moitié des dialogues qu’ont entre elles les « comédiennes » qui interprètent les charmantes élèves de la Maison d’éducation de la Légion d’honneur de Saint-Denis. Certes, étant donné le niveau de ce qu’on peut deviner de ces dialogues, le spectateur ne perd pas grand chose, mais il n’empêche : l’ennui arrive vite. D’autant plus que, dans le volet tourné en Haïti, si le sous-titrage permet de comprendre les dialogues en créole, c’est ce que l’on voit qui génère l’ennui : des scènes le plus souvent nocturnes, pas ou mal éclairées, avec, le plus souvent, des ombres qui passent sur l’écran, sans but précis. Quant à la connaissance qu’on peut avoir à la fin du film sur la religion vaudou et sur le phénomène des zombis en Haïti, ainsi que sur l’utilisation sociale et politique qui en est faite, elle est extrêmement réduite !

En fait, des 103 minutes que dure le film, il y en a 80 durant lesquelles il ne se passe rien de bien passionnant, 80 minutes durant lesquelles l’ennui peut laisser sa place au grotesque, comme cete scène qui voit les adolescentes interpréter un rap pendant de longues minutes. Restent une grosse vingtaine de minutes où il se passe quelque chose : en Haïti, l’anniversaire de la mort du grand-père zombi ; à Saint-Denis,  la visite de Fanny, une des adolescentes, à la tante mambo de Mélissa, afin de se faire désenvouter après avoir été larguée par le garçon avec qui elle ne cessait de communiquer par textos.

Quelques minutes de grâce

On ne reviendra sur l’interprétation de ce film que sur un point : un cours d’histoire donnée au début du film par Patrick Boucheron, professeur au Collège de France, quelques minutes de grâce qui font regretter que le reste du film soit loin d’être à ce niveau.

Conclusion

L’intérêt qu’on trouver à un film peut se présenter sous des formes très variées. Concernant Zombi child, l’intérêt ne se trouve pas du tout dans le film lui-même : dans ce film comprenant deux volets, il y en a un dans lequel on ne comprend les dialogues que de façon parcellaire avec des interprètes qui marmonnent au lieu d’articuler et un autre dans lequel on ne décèle visuellement pratiquement rien, la plupart des scènes étant nocturnes et mal éclairées (par contre, les dialogues sont compréhensibles : ils sont en créole, ils sont donc sous-titrés). L’intérêt de Zombi child se trouve ailleurs : ce film donne envie de fouiller ce que le réalisateur a maladroitement essayé de nous transmettre sur le vaudou et le phénomène des zombis en Haïti, sur les drogues utilisées pour les « fabriquer », sur leur utilisation dans le cadre de la colonisation et du régime dictatorial des Duvalier.

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