Critique : Woman at war

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Woman at war

Islande : 2018
Titre original : Kona fer í stríð
Réalisation : Benedikt Erlingsson
Scénario : Benedikt Erlingsson, Ólafur Egill Egilsson
Interprètes : Halldora Geirhardsdottir, Davíd Thór Jónsson, Magnús Trygvason Eliassen
Distribution : Jour2fête
Durée : 1h40
Genre : Comédie
Date de sortie : 4 juillet 2018

4/5

Il est de tradition qu’à Cannes, au mois de mai, il y ait, parmi les diverses sélections, au moins un film qui fasse quasiment l’unanimité (positive !) parmi les spectateurs, au point que quiconque s’essayant à émettre sur un de ces films un jugement défavorable soit vite regardé comme une bête curieuse. Cette année, le « film buzz » était islandais, avait pour titre Woman at war et pour réalisateur Benedikt Erlingsson. A 49 ans, ce dernier est tout à la fois auteur, acteur, metteur en scène de théâtre, scénariste et réalisateur. Woman at war est son 2ème long métrage et, présenté à la Semaine de la Critique cannoise, il s’est vu décerner le Prix SACD.

Synopsis : Halla, la cinquantaine, déclare la guerre à l’industrie locale de l’aluminium, qui défigure son pays. Elle prend tous les risques pour protéger les Hautes Terres d’Islande… Mais la situation pourrait changer avec l’arrivée inattendue d’une petite orpheline dans sa vie…

Une comédie à l’humour décalé, un combat écologique

Lorsque, dès le début de Woman at war, on voit une femme s’attaquer au tir à l’arc à une ligne à haute tension, on ne peut qu’être surpris. Un sentiment de surprise qui ne peut que se renforcer lorsque, dans de nombreuses scènes du film, apparaissent de façon visible, sonore et … totalement saugrenue soit un groupe de 3 musiciens (batterie, clavier, hélicon), soit un groupe de 3 chanteuses ukrainiennes, soit la réunion de ces 2 groupes. Très vite, on comprend que Woman at war est tout à la fois un pseudo-film de super-héros (ou, plutôt, de super-héroïne ayant atteint la cinquantaine !), un manifeste écolo et une comédie à l’humour décalé comme savent si bien le faire de nombreux réalisateurs nordiques, qu’ils soient islandais, finlandais, norvégiens ou suédois.

Lorsqu’elle ne s’attaque pas, au tir à l’arc ou à la scie à métaux, aux lignes à haute tension alimentant en électricité l’usine de production d’aluminium de Rio Tinto et qui, pour elle, défigurent les grandioses paysages de son pays, Halla est une paisible professeure de chant qui aimerait bien qu’aboutisse sa demande d’adoption d’un enfant ukrainien. En bonne écolo, elle circule en vélo dans les rues de Reykjavík et elle a décoré son appartement avec des posters de Gandhi et de Mandela : des modèles tout à fait adaptés pour celle qu’on appelle la « femme des montagnes », pour celle que la police considère comme étant une terroriste et qu’on recherche avec des hélicoptères et des drones. Point important : elle a une sœur jumelle, Ása, qui enseigne le yoga et le film apporte la preuve qu’on devrait toujours avoir une sœur jumelle (ou un frère jumeau !) lorsqu’on s’attaque à une multinationale ! Elle a aussi un présumé cousin, un éleveur écolo dont la chienne Woman est particulièrement obéissante.

 

Sérieux et drôle

Le thème que traite Woman at war est particulièrement grave : la confrontation entre l’industrialisation d’un pays et les droits de la nature. La recherche du toujours plus en matière de biens matériels et d’emplois doit-il obligatoirement l’emporter systématiquement sur la défense de l’environnement ? Ce sujet grave, Benedikt Erlingsson a choisi de le traiter de façon sérieuse mais en injectant en permanence, de façon toujours intelligente, ce qu’il faut d’humour, de décalé, de cocasse pour éviter de tomber dans le pensum politiquement correct. C’est ainsi, par exemple, qu’il a concocté le gag récurrent du cyclotouriste sud-américain systématiquement arrêté après chaque sabotage effectué par Halla : pas de chance pour lui, il est toujours dans le coin quand ça se passe et, en plus, c’est un étranger, donc, forcément, un suspect !

Pour défendre la beauté des paysages islandais face à un enlaidissement industriel, il était préférable que la photographie soit particulièrement soignée ! Bingo : le travail effectué par Bergsteinn Björgúlfsson, le Directeur de la photographie, est en tout point remarquable. Il était déjà au même poste dans Des chevaux et des hommes, le premier film de Benedikt Erlingsson, et, au vu des images qu’il nous propose, on a du mal à résister à l’envie de prendre un billet d’avion vers l’Islande pour ses prochaines vacances.

 

Pour nous, une inconnue, mais …

La comédienne qui tient le film sur ses épaules, en interprétant le rôle de Halla ainsi que celui de sa sœur jumelle Ása, a pour nom Halldora Geirhardsdottir. Il est probable que vous ne la connaissiez pas, mais, en Islande, sa réputation est très grande tant pour ses prestations théâtrales que pour celles sur les écrans de cinéma et de télévision. Dans Woman at war, son jeu très fin lui permet de briller dans tous les registres, dans la drôlerie comme dans l’émotion en passant par le revendicatif.

A ses côtés, un seul comédien peut prétendre avoir une certaine notoriété dans notre pays : il s’agit de Román Estrada qui interprète le rôle de Juan Camillo, le touriste sud américain au profil de coupable idéal : on l’avait déjà remarqué il y a 4 ans, jouant le même rôle de touriste sud américain, dans Des chevaux et des hommes.

Conclusion

Traiter un sujet sérieux de façon humoristique est très habile. Seulement quand c’est réussi, toutefois ! C’est le cas pour Woman at war, un film dont on peut penser et espérer qu’il bénéficiera du même bouche-à-oreille très positif dont il était l’objet à Cannes, en mai dernier : ce n’est pas tous les jours qu’on peut, à la fois, se divertir, s’instruire, se révolter et nourrir ses yeux et son esprit de magnifiques images.

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