Critique : Qui marche sur la queue du tigre (1945)

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Qui marche sur la queue du tigre

Japon : 1945
Titre original : Tora no o wo fumu otokotachi
Réalisation : Akira Kurosawa
Scénario : Akira Kurosawa
Acteurs : Denjirô Ôkôchi, Susumu Fujita, Ken’ichi Enomoto
Durée : 0h59
Genre : Drame
Date de sortie : 24 avril 1952 (Japon)

Note : 4/5

Suite à l’avortement de son ambitieux projet l’Epée dégainée qui devait tirer son contexte de guerres civiles japonaises au XVIème siècle, Kurosawa se résigne à tourner une œuvre plus modeste adaptant une célèbre pièce de kabuki. Qui marche sur la queue du tigre est ainsi l’occasion pour lui de confirmer son statut de réalisateur prometteur de l’industrie cinématographique japonaise à l’heure où cette dernière subit les relents d’une guerre marquée par la défaite.

Synopsis : Trahi et pourchassé par son frère le seigneur Yoritomo, Yoshitsune tente avec l’aide de ses hommes de traverser la frontière…

Motiver les troupes

Par son intrigue, le film constitue une injonction à une forme de persévérance dans le combat japonais face à l’ennemi américain. Véritable film de divertissement placé sous le signe du suspens, de la tension et de la comédie (dont le personnage bouffon incarné par Enoken est le principal vecteur), Qui marche sur la queue du tigre constitue aussi un appel à l’exaltation de la combativité du peuple japonais invité à tenir bon dans un conflit qui a dégradé jusqu’à l’image même de son empereur. Ainsi, Yoshitsune apparaît comme un double de cet empereur mis dans une position de fragilité intense suite à la reddition du pays. Désacralisant son personnage principal jusqu’à l’humiliation (il se fait battre par l’un de ses hommes afin de le sauver), Kurosawa met en exergue les écorchures d’un chef qui prendra sur lui la responsabilité de la défaite. Le contexte historique daté permet ainsi au réalisateur de représenter au creux celui d’un Japon contemporain abattu mais qui doit se montrer aussi digne que son souverain.

Rire austère : de la ruse lumineuse au soleil noir

Se situant entre le grotesque théâtralisé et la modestie de la production, le film apparaît aussi comme le moyen pour son auteur de poser une vision douloureusement pessimiste du Japon à la veille d’Hiroshima. Non seulement il parvient à contourner les difficultés économiques qui l’empêche de mettre en scène de véritables scènes de guerre mais il en fait une force en abordant l’avenir d’un pays désormais bouleversé pour le reste de son histoire par le biais d’une trame simple mais sublimée par une traversée sinueuse et symbolique. Il pose ainsi des motifs visuels forts comme le soleil noir signifiant les troubles à venir.

Conclusion

Qui marche sur la queue du tigre est un film formellement réussi. Kurosawa parvient avec une certaine habileté à contourner les contraintes économiques en proposant une alliage exemplaire entre décors de studio et décors naturels. Face à la beauté d’un tel arrière-plan, il parvient à construire un discours lucide et convaincant sur un Japon contemporain défait qui se doit de tourner la page d’un passé féodal poussiéreux afin d’épouser un futur plus contrasté mais nécessaire.

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