Critique : Libertad

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Libertad

Espagne : 2020
Titre original : –
Réalisation : Clara Roquet
Scénario : Clara Roquet
Interprètes : María Morera, Nicolle García, Vicky Peña, Nora Navas
Distribution : Epicentre Films
Durée : 1h44
Genre : Drame
Date de sortie : 6 avril 2022

3.5/5

A 34 ans, Clara Roquet a déjà largement fait ses preuves comme scénariste en Espagne et en Amérique latine. A son crédit, on citera en priorité le très beau film Petra, dont elle avait écrit le scénario en collaboration avec Jaime Rosales, son réalisateur. En tant que réalisatrice, elle n’avait à son actif, jusqu’à présent, que quelques court-métrages et quelques épisodes de séries TV. Avec Libertad, elle réalise son premier long métrage de cinéma. Ce film faisait partie de la sélection de la Semaine de la Critique lors du dernier Festival de Cannes et il a reçu le Goya du meilleur premier film lors de la récente cérémonie des Goya.

Synopsis : Espagne, l’été. Libertad fait irruption dans la vie de Nora, 15 ans et bouscule le calme habituel de ses vacances en famille. Ces deux jeunes filles que tout oppose nouent alors une amitié profonde qui marquera leur entrée dans l’adolescence.

On n’est pas chez les pauvres, mais …

S’il n’est pas totalement anormal d’être un peu perdu durant le premier quart d’heure de Libertad, avec, dans une magnifique villa de la Costa Brava, cette arrivée massive de personnages dont on ne comprend pas tout de suite les liens qu’ils ont entre eux, une certitude, par contre, se dégage très vite : nous ne sommes pas chez des pauvres ! En effet, cette magnifique villa domine la Méditerranée, elle a été construite dans une région particulièrement prisée par les populations les plus aisées de Barcelone et, sur le terrain adjacent, on trouve une grande piscine et un terrain de tennis. Cerise sur le gâteau, la famille qui possède cet ensemble a également à sa disposition un très beau bateau. Non, vraiment, nous ne sommes pas chez les pauvres, mais … la présence de deux personnes d’une classe sociale totalement différente va permettre de pimenter le film et lui donner tout son intérêt.

La première, on va la découvrir à l’arrivée dans la maison de Teresa, la quarantaine, et de ses filles, Nora, 15 ans, et Paula, une dizaine d’années. Il s’agit de Rosana, une colombienne qui est arrivée en Espagne plusieurs années auparavant en laissant sa fille Libertad, alors petite gamine, à la garde de sa mère. Rosana est surtout là pour s’occuper d’Angela, la mère de Teresa, atteinte de la maladie d’Alzheimer, mais elle fait aussi office de bonne à tout faire avec une grosse charge de travail puisque, en plus de Teresa et de ses deux filles, ce sont les deux fils d’Angela qui arrivent dans la maison avec leur famille pour cette période de vacances d’été. La seconde, c’est Libertad, la fille de Rosana. Elle a 15 ans, tout comme Nora, et, à la mort de sa grand-mère, elle est venue retrouver en Espagne une mère qu’elle n’a pratiquement pas connue jusque là.

Le déniaisement d’une adolescente

Logées dans la même maison et âgées de 15 ans toutes les deux, Nora et Libertad vont forcément être amenées à sympathiser, quand bien même leurs statuts sont différents. Toutefois, autant Nora est timide et réservée, engoncée dans sa position de « gosse de riches » innocemment inconsciente de sa position sociale, persuadée que Rosana fait partie de sa famille, autant Libertad est spontanée, extravertie et frondeuse. Beaucoup plus lucide, aussi, rétorquant à Nora que sa mère, loin de faire partie de la famille, n’est là que pour « torcher le cul » d’Angela. Malgré le confort de la maison où sa mère travaille, elle aspire à rentrer dans sa Colombie natale. Libertad va entrainer Nora dans des situations que cette dernière n’aurait jamais imaginé rencontrer toute seule. Oh, rien de bien extraordinaire, mais aller à la rencontre de garçons de son âge ou même plus âgés, rentrer à la maison à des heures indues, se trouver dans des positions d’opposition frontale avec sa mère, pour Nora, c’est déjà beaucoup.

Ces vacances d’été au bord de la Grande Bleue vont métamorphoser Nora, lui faisant comprendre ce que sont les rapports de classe, lui montrant, avec les exemples de ce qui se passe entre Teresa et Angela, entre Libertad et Rosana, entre elle-même et sa mère, que les rapports entre une mère et sa fille sont le plus souvent très beaux mais, pour autant, pas toujours faciles, et lui montrant aussi, avec le divorce annoncé de ses parents, que l’amour n’est pas forcément éternel et qu’il y a souvent beaucoup de mensonges dans les relations familiales. Tout cela est montré avec beaucoup de délicatesse, Clara Roquet n’appuyant jamais ses effets, faisant manifestement confiance à la sagacité des spectateurs.

Un casting très féminin

C’est un mélange de comédiens et de comédiennes professionnel.le.s et de non professionnel.le.s que l’on retrouve dans Libertad. Malgré son jeune âge, on peut déjà commencer à placer María Morera, l’interprète de Nora, parmi les comédiennes professionnelles dans la mesure où, il y a 2 ans, elle interprétait déjà un premier rôle, celui de Sara dans La vida sense la Sara Amat de Laura Jou. Passant avec beaucoup de sincérité de la timidité originelle de son personnage à une forme de rébellion contre l’autorité parentale, elle forme un très bon duo avec Nicolle Garcia (Nicolle avec 2 l !), l’interprète débutante de Libertad, une jeune colombienne pleine de peps et de justesse. Vicky Peña, l’interprète d’Angela, et Nora Navas, l’interprète de Teresa, sont deux comédiennes importantes du cinéma espagnole, la première ayant commencé sa carrière en 1986 et la seconde ayant obtenu le Goya de la meilleure actrice en 2010 et joué, entre autres, chez Almodovar et dans Citoyen d’honneur des argentins Mariano Cohn et Gastón Duprat. Très récemment, Nora Navas a reçu le Goya de meilleure actrice dans un second rôle pour sa prestation dans Libertad. Carol Hurtado, l’interprète de Rosana, est une militante, chanteuse et actrice colombienne. Quant à la photographie, elle est l’œuvre de la Directrice de la photographie Gris Jordana qui a su tirer le meilleur parti de la lumière méditerranéenne.

Conclusion

Pour son premier long métrage de cinéma en tant que réalisatrice, Clara Roquet s’est emparée d’un sujet qui n’a rien de nouveau mais qu’elle a su traiter avec beaucoup de finesse, en choisissant de faire confiance à la sagacité des spectateurs : le « déniaisement » d’une « gosse de riche » de 15 ans par une adolescente de son âge issue d’une classe sociale très différente.

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