Critique : L’Effet aquatique

L’Effet aquatique

France, Islande : 2016
Titre original : –
Réalisateur : Solveig Anspach
Scénario : Solveig Anspach, Jean-Luc Gaget
Acteurs : Florence Loiret-Caille, Samir Guesmi, Didda Jonsdottir
Distribution : Le Pacte
Durée : 1h23
Genre : Comédie
Date de sortie : 29 juin 2016

Avec ses origines américaines, allemandes, roumaines et islandaises, avec son implantation française, difficile de savoir quelle nationalité attribuer à Solveig Anspach. Cela dit, sa ou ses nationalités, on n’en a pas grand chose à faire : ce qui compte pour nous, ce sont ses films, fictions ou documentaires, et le fait qu’elle nous ait quittés il y a un peu moins d’un an, le 7 août 2015, à l’âge de 54 ans. Elle nous manque d’autant plus que L’Effet aquatique, son dernier film, est peut-être le meilleur qu’elle ait jamais réalisé. Ce film, présenté à Cannes 2016 à la Quinzaine des Réalisateurs, y a obtenu le Prix SACD.

Synopsis : Samir, la quarantaine dégingandée, grutier à Montreuil, tombe raide dingue d’Agathe. Comme elle est maître-nageuse à la piscine Maurice Thorez, il décide, pour s’en approcher, de prendre des leçons de natation avec elle, alors qu’il sait parfaitement nager. Mais son mensonge ne tient pas trois leçons – or Agathe déteste les menteurs! Choisie pour représenter la Seine-Saint-Denis, Agathe s’envole pour l’Islande où se tient le 10ème Congrès International des Maîtres-Nageurs. Morsure d’amour oblige, Samir n’a d’autre choix que de s’envoler à son tour…

Victime d’un coup de foudre

Que faire quand on est victime d’un coup de foudre, qu’on est timide et maladroit alors que celle qui vient de planter sa flèche dans votre cœur semble être très sûre d’elle, débordante d’énergie et d’un comportement plutôt abrupt ? Cette question, le grutier Samir ne se la pose pas longtemps ! Comme Agathe travaille comme maître-nageuse à la piscine Maurice Thorez de Montreuil, il imagine vite fait un stratagème qui va lui permettre de la côtoyer régulièrement : prétendre ne pas savoir nager, s’inscrire à la piscine pour prendre des leçons et aller jusqu’à changer les plannings pour apprendre à nager auprès d’Agathe. Seulement voilà : dans le vie, il y a ce qu’on récolte grâce à sa volonté et il y a ce qui provient du hasard ou du destin, à vous de choisir le terme qui vous convient. Il y a donc le stratagème, fruit de la volonté de Samir, et il y a l’arrivée d’événements imprévisibles : un premier événement imprévu va faire que le stratagème va presque réussir mais, dans la foulée, un autre événement imprévu va le faire capoter. Définitivement ? Pour Samir, il n’en est pas question et il ne va pas hésiter à suivre Agathe jusqu’en Islande : Agathe y a été envoyée pour représenter la France au 10ème Congrès International des maîtres-nageurs, c’est à elle qu’incombe l’honneur de prononcer le discours d’ouverture et c’est en tant que représentant d’Israël que Samir, qui n’est plus à un mensonge près, va réussir à participer à ce congrès.

Burlesque, romantique et sérieux à la fois

Probablement causée par une production partagée entre la France et l’Islande, la construction du film en deux volets aurait pu paraître très artificielle : une première moitié qui se déroule en France, la seconde moitié qui se déroule en Islande. Grâce au talent de Solveig Anspach et de son co-scénariste Jean-Luc Gaget, il n’en est rien. D’abord, quoi de plus normal que de voir Agathe s’éloigner de Montreuil lorsqu’elle s’aperçoit que Samir lui a menti et de voir ce dernier se lancer à ses trousses tellement il se sent amoureux ! Ensuite, si les lieux ne sont plus les mêmes, le ton du film ne change pas : drôle, léger, plein d’humour, une observation très fine d’un état amoureux. Que ce soit à Montreuil ou à Reykjavík, le burlesque côtoie la comédie romantique et les personnages secondaires, loin d’être de simples faire-valoir, apportent leurs lots de répliques qui font mouche à chaque fois. Par ailleurs, les deux scénaristes n’hésitent pas à aborder des sujets sérieux, même s’ils le font en se masquant toujours derrière l’humour : par exemple, l’égalité hommes / femmes bien plus présente en Islande que dans notre pays. Autre exemple, le conflit israélo-palestinien transporté au bord d’une piscine, Samir, faux représentant d’Israël, allant jusqu’à proposer le « projet together » consistant à voir les israéliens et les palestiniens s’atteler ensemble à la construction d’une piscine.

Une fausse suite

En 2013 était sorti Queen of Montreuil, film réalisé par Solveig Anspach et qui réunissait déjà dans sa distribution Florence Loiret-Caille, interprétant le rôle d’Agathe, Samir Guesmi, celui de Samir, et Didda Jonsdottir dans le rôle d’Anna. L’Effet aquatique n’est pas à proprement parlé la suite de ce film mais on y retrouve ces 3 personnages et leurs interprètes. Curieusement, Agathe n’est plus réalisatrice de films, elle est devenue maître-nageuse. Tout aussi curieusement, Florence Loiret-Caille, totalement transparente dans Queen of Montreuil, fait preuve d’une énergie sans faille et d’un grand talent de comédienne dans L’Effet aquatique. Samir Guesmi est toujours aussi juste et touchant dans son rôle de personnage timide et maladroit. Quant à la poétesse et chanteuse de rock islandaise Didda Jonsdottir, elle a joué en tout et pour tout dans quatre films, tous réalisés par Solveig Anspach. Dans l’Effet aquatique, elle est conseillère municipale, chef d’un collègue homme un jour sur deux, sous ses ordres les autres jours. Dans des seconds rôles savoureux, on retrouve Philippe Rebbot dans le rôle de … Reboute, directeur de la piscine et dragueur impénitent, Estéban en employé pas très éveillé et Olivia Côte, irrésistible dans son personnage de maître-nageuse portée sur la chose.

Conclusion