Critique : Le jour d’après

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Le jour d’après

Corée du sud : 2017
Titre original : Geu-Hu
Réalisation : Hong Sang-soo
Scénario : Hong Sang-soo
Acteurs : Kim Min-Hee, Hae-hyo Kwon, Kim Saeybuk, Cho Yunhee
Distribution : Capricci / Les Bookmakers
Durée : 1h32
Genre : drame
Date de sortie : 7 juin 2017

1.5/5

Après des débuts prometteurs avec la trilogie Le Jour où le cochon est tombé dans le puits (1996), Le Pouvoir de la province de Kangwon (1998), La Vierge mise à nu par ses prétendants (2000), tous sortis le même jour dans notre pays, début 2003, le réalisateur coréen Hong Sang-soo a été pris petit à petit d’une frénésie compulsive en matière de réalisation. En effet, il est passé rapidement à un film, voire deux, par an. En 2017, il bat tous ses records avec la sortie de 3 longs métrages dont deux figuraient au récent Festival de Cannes : La caméra de Claire, en séance spéciale, et Le jour d’après dans la compétition officielle. Dans ces conditions, il ne faut pas s’étonner d’avoir l’impression de rencontrer les mêmes personnages film après film et d’y retrouver les mêmes situations : un personnage principal masculin, dans la bonne quarantaine, réalisateur de cinéma et/ou professeur de cinéma dans une Université, une ou plusieurs rencontres féminines ayant une bonne vingtaine d’années de moins que lui, des élèves à lui, par exemple, tout ce beau monde passant son temps à débiter des dialogues le plus souvent très creux tout en pochetronnant dans des bars.

Synopsis : Areum s’apprête à vivre son premier jour de travail dans une petite maison d’édition. Bongwan, son patron, a eu une relation amoureuse avec la femme qu’Areum remplace. Leur liaison vient de se terminer.
Ce jour-là, comme tous les jours, Bongwan quitte le domicile conjugal bien avant l’aube pour partir au travail. Il n’arrête pas de penser à la femme qui est partie. Ce même jour, la femme de Bongwan trouve une lettre d’amour. Elle arrive au bureau sans prévenir et prend Areum pour la femme qui est partie…

Un triangle amoureux à quatre côtés

Dès le début du film, on est foudroyé par une surprise colossale : le personnage principal imaginé par Hong Sang-soo ne travaille pas dans le milieu du cinéma ! Non, Bong-wan est éditeur et critique littéraire. Deuxième surprise : il boit du café et ne commencera à succomber à l’alcool qu’au bout de 30 minutes. Et puis, cette fois ci, ce ne sont pas une ou deux très jolies jeunes femmes qui papillonnent autour de lui, non, ce sont trois jolies jeunes femmes : Hae-joo, son épouse, la plus âgée des trois,  Areum, sa nouvelle employée, une jeune femme qui aimerait devenir écrivaine et qui a été engagée pour remplacer Chang-sook,  l’ancienne employée, qui était devenue la maîtresse de Bong-wan avant une séparation douloureuse pour les deux amants. Dans une chronologie perturbée par quelques allers-retours entre le présent et le passé, Bong-wan s’entretient avec Hae-soo, laquelle le trouve amaigri et l’interroge sur l’existence éventuelle d’une maîtresse, puis il s’entretient longuement avec Areum, l’interrogeant sur de nombreux sujets, comme le pouvoir des mots à appréhender le réel.

Pauvre Hae-soo, pauvre Areum, la première prenant la seconde pour la maîtresse qu’elle soupçonne d’exister etc., etc. On ne va quand même pas raconter dans son intégralité ce marivaudage mélodramatique qui a pour seul mérite d’être un chouïa plus intéressant, plus riche, plus profond que ce que Hong Sang-soo nous propose depuis des années. Ne pas s’emballer pour autant car tout est relatif et ce qu’on voit et qu’on entend est quand même loin d’atteindre les sommets de l’art cinématographique.

Toutes les nuances de gris

Nous voilà donc face à un homme qui cumule misogynie et lâcheté. On a l’habitude, avec Hong Sang-soo, de le soupçonner de faire de son personnage principal un double de lui-même. C’est peut-être pourquoi, malgré ces défauts qui sont criants, Bong-wan, ce personnage principal, trouve le moyen d’attirer trois jolies femmes dans ses filets : faut ce qu’il faut, je suis peut-être un sale type mais question succès auprès des femmes, j’assure un maximum !

Même lorsqu’il filme une conversation entre deux personnages, Hong Sang-soo se refuse à l’utilisation de champs-contrechamps. Très souvent il filme ces scènes en combinant plan fixe et pseudo champ-contrechamp : dans le cadre de ce qui pourrait être un plan fixe, sa caméra passe d’un personnage à l’autre au gré de la conversation. Procédé habile mais dont le caractère un peu trop systématique finit quand même par lasser. Quant au Noir et Blanc choisi pour ce film, on ne dira pas, comme c’est souvent le cas, qu’il est somptueux : on est plutôt, tout du long, dans toutes les nuances de gris.


Le double du réalisateur

Interprète de Areum dans Le jour d’après, Kim Min-hee, qui tenait l’an dernier un des rôles principaux dans Mademoiselle de Park Chan-Wook, est également présente dans La caméra de Claire, l’autre film de Hong Sang-soo présent à Cannes cette année. Sans entrer dans les secrets d’alcôve, le bruit court avec insistance qu’il se passe quelque chose entre la comédienne et le réalisateur ce qui viendrait bien sûr renforcer l’hypothèse que Bong-wan n’est autre que le double de Hong Sang-soo. Quant à l’interprète de Bong-wan, Kwon Hae-hyo, il est actuellement l’interprète fétiche de Hong Sang-soo, intervenant dans trois de ses quatre derniers films.

Conclusion

Est-ce le fait de passer du monde du cinéma à celui de l’édition, est-ce le fait que ses personnages se montrent moins accro au soju que dans ses films précédents, toujours est-il que Hong Sang-soo rend, avec Le jour d’après, une copie qui s’avère en progrès notable par rapport à sa production de ces dernières années, même si on reste quand même assez loin des sommets du genre mélodramatique qu’il affectionne.


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