Critique : La fille de son père

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La fille de son père 

France : 2023
Titre original : –
Réalisation : Erwan Le Duc
Scénario : Erwan Le Duc
Interprètes : Nahuel Perez Biscayart, Céleste Brunnquell, Maud Wyler
Distribution : Pyramide Distribution
Durée : 1h31
Genre : Comédie, Drame
Date de sortie : 20 décembre 2023

4.5/5

Il y a 4 ans, était arrivé sur nos écrans, après un passage à la Quinzaine des Cinéastes cannoises, un premier long métrage qui cochait toutes les bonnes cases (très,TRES drôle, intelligent, interprété à la perfection) et qui mettait en lumière un nouveau réalisateur dont on se disait aussitôt : pourvu qu’il ne nous déçoive pas lorsqu’il réalisera son deuxième film ! Ce premier long métrage, c’était Perdrix, le réalisateur c’est Erwan Le Duc. 4 ans : ce deuxième film s’est fait attendre ! Il faut dire qu’entre temps, Erwan Le Duc a été aux manettes de la série Arte Sous contrôle, une excellente série, mais d’un registre très différent de celui de Perdrix. Ce deuxième film, La fille de son père, film de clôture de la Semaine de la Critique 2023, s’est fait attendre mais il a l’énorme mérite de ne pas nous décevoir !

Synopsis : Etienne a vingt ans à peine lorsqu’il tombe amoureux de Valérie, et guère plus lorsque naît leur fille Rosa. Le jour où Valérie les abandonne, Etienne choisit de ne pas en faire un drame. Etienne et Rosa se construisent une vie heureuse. Seize ans plus tard, alors que Rosa doit partir étudier et qu’il faut se séparer pour chacun vivre sa vie, le passé ressurgit.

Un père, une fille 

Etienne et Rosa vivent tous les eux dans la maison dont Etienne a hérité de ses parents. Rosa, c’est la fille, elle a 17 ans. Etienne, c’est son père, une vingtaine d’années de plus qu’elle. Cet enfant qu’il a eu très jeune, il l’a élevée tout seul, la mère, Valérie, les ayant quitté(e)s peu de temps après la naissance de Rosa. Une situation à laquelle Rosa et Etienne se sont bien adapté(e)s. Comme dit Rosa : « C’est peut-être ma mère, mais je ne suis sûrement pas sa fille ! ». Rosa, c’est une artiste, très douée pour la peinture ! Ce à quoi elle aspire, c’est de poursuivre ses études dans une école des Beaux-Arts. Etienne, lui, sa passion, à part sa fille, c’est un art différent, le football : entraîneur dans la banlieue parisienne, il s’extasie devant la beauté du jeu en triangle et il n’hésite pas à transformer la fameuse phrase « Derrière chaque coup de pied dans le ballon, il doit y avoir une idée » de l’international néerlandais Denis Bergkamp en « Derrière chaque coup de pied dans le ballon, il doit y avoir un sentiment ».

Malgré leurs goûts artistiques différents, malgré leurs petites divergences sur d’autres sujets, l’osmose entre Etienne et Rosa est proche de la perfection et, lorsque se précise le départ de Rosa vers l’école des Beaux-Arts de Metz, tous les deux s’inquiètent de l’effet que cette séparation aura sur l’autre, Etienne allant jusqu’en Lorraine pour s’assurer que l’école prendra bien soin de sa fille, Rosa glissant à son père : « t’es pas prêt, papa ! Je peux rester encore un an ou deux à la maison ». Pourtant, Etienne, resté célibataire durant de longues années, a depuis peu réussi à franchir une étape : il a de nouveau une compagne, Hélène. Une compagne à qui Rosa n’est pas tout à fait décidée à donner son père, seulement à lui prêter, et encore, à condition qu’elle s’engage à prendre bien soin de son père. Pourtant Rosa, de son côté, sort, de façon tout à fait platonique, avec Youssef, un jeune homme qui préfère escalader la façade de la maison afin de rejoindre Rosa plutôt que d’emprunter l’escalier intérieur : « C’est pour impressionner Rosa. Comme ça, elle croit que je suis un aventurier ». L’heure est-elle venue pour que Etienne et Rosa vivent leurs vies, chacun de son côté ? Comment va réagir Etienne après qu’il ait reconnu Valérie en regardant une émission de télévision consacrée au surf et tournée au Portugal ?

Drôle, poétique et émouvant 

C’est un thème peu souvent abordé au cinéma que Erwan Le Duc creuse avec un grand bonheur dans La fille de son père : la relation entre un père et sa fille, une fille qu’il a (très bien) élevée tout seul. Cette mise en valeur de l’ « amour paternel » et de l’importance que peut avoir un père dans l’éducation d’un enfant serait presque suffisante pour faire de La fille de son père un film particulièrement recommandable, mais il l’est d’autant plus que le réalisateur a choisi de le faire dans un climat à la fois drôle, poétique et émouvant sans jamais verser dans le pathos, d’autant plus que, cinématographiquement parlant, le film est très réussi, avec en particulier, quelques plans séquences d’excellente tenue et une utilisation parcimonieuse et très réussie des flashbacks. On sent très vite le côté très particulier de cette relation père/fille, une relation qui a permis à Etienne de ne pas sombrer lorsque Valérie l’a quitté et qui, petit à petit, s’est  rapprochée d’une relation frère/sœur, avec, d’un côté, un homme d’un peu moins de 40 ans qui est resté ancré dans l’adolescence et, de l’autre, une jeune femme de 17 ans très mûre pour son âge, une jeune femme qui, à 17 ans, en arrive à dire à son père « je ne sais pas si tu fais une crise d’adolescence tardive ou une crise de la quarantaine précoce ».

Des interprètes très convaincants

Le duo d’interprètes retenu par Erwan Le Duc pour interpréter les rôles d’Etienne et de Rosa est tout simplement parfait ! Qui, mieux que l’acteur argentin Nahuel Pérez Biscayart, la grande découverte de 120 battements par minute confirmée par Au revoir là-haut, pouvait donner au personnage d’Etienne, proche de la quarantaine, ce côté d’éternel adolescent quelque peu lunaire ? Qui, mieux que Céleste Brunnquell, découverte dans Les éblouis et confirmée dans En thérapie, pouvait arriver à donner autant de luminosité et de force au personnage de Rosa, une jeune fille la fois douce et tranchante ? A leurs côtés, Maud Wyler, arrive comme d’habitude à briller dans le rôle d’Hélène, la nouvelle compagne d’Etienne. Mohammed Louridi fait une entrée remarquée dans le monde du cinéma dans le rôle de Youssef, petit ami de Rosa et poète épique à ses heures. Erwan Le Duc tenait à ce que le rôle de Valérie soit tenu par une danseuse : il a choisi la danseuse et chorégraphe Mercedes Dassy, dont c’est le premier rôle au cinéma. Dans un rôle tellement mineur qu’on ne le voit apparaître dans aucun générique, on retrouve Noémie Lvovsky : jouant une maire qui souhaite transformer en forêt le terrain de football de la ville, lieu de travail pour Etienne, elle montre à nouveau qu’elle peut être une très bonne actrice quand elle arrive (seule ou bien contrainte par le directeur d’acteurs) à rester sobre dans son jeu.

Conclusion

Après la très grande réussite qu’était Perdrix, Erwan Le Duc est parvenu haut la main à ne pas nous décevoir en signant avec La fille de son père un deuxième long métrage conservant les qualités de drôlerie et de poésie du premier tout en élargissant sa palette vers davantage de profondeur et d’émotion. Après deux films retenus dans deux sélections parallèles du Festival de Cannes, que peut on souhaiter à Erwan Le Duc ? De toute évidence, que son 3ème long métrage soit retenu dans la Sélection Officielle, si possible en compétition.

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