Critique : La chanson de l’éléphant

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La Chanson de l’éléphant

la chanson de l'éléphant affiche 3Canada : 2014
Titre original : Elephant Song
Réalisateur : Charles Binamé
Scénario : Nicolas Billon
Acteurs : Bruce Greenwood, Xavier Dolan, Catherine Keener
Distribution : KMBO
Durée : 1h50
Genre : Drame
Date de sortie : 3 août 2016


Note : 3/5

Né en Belgique il y a 67 ans, Charles Binamé est arrivé très jeune au Canada et, après une période anglaise durant laquelle il réalisait des films publicitaires, c’est dans son pays d’adoption qu’il s’est lancé, en 1994, dans la réalisation de longs métrages de fiction. Même si Eldorado, son deuxième long métrage, a été sélectionné à la Quinzaine des Réalisateurs de 1995, sa renommée est faible dans notre pays. Il n’est pas interdit de penser que La Chanson de l’éléphant, film qui présente Xavier Dolan en tête d’affiche, est susceptible de changer la donne.

Synopsis : À la veille de Noël, la disparition soudaine du docteur Lawrence provoque une onde de choc dans l’institution psychiatrique où il exerce. Le directeur, le docteur Green, veut éviter que la nouvelle devienne publique, car l’hôpital a été récemment au centre d’un scandale. Il entreprend alors de questionner Michael, un jeune homme en traitement qui est le dernier à avoir vu le médecin. Malgré l’avertissement de l’infirmière en chef qui connaît mieux que quiconque le patient, celui-ci entraîne Green dans un jeu psychologique qui le trouble profondément.

 

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Une sacrée confrontation !

Un jeune garçon se glisse dans les coulisses du théâtre de Santa Clara, à Cuba. La scène se déroule en 1947 et la cantatrice Florence Da Costa vient d’interpréter l’air « O Mio Babbino Caro » de Puccini. L’enfant se dirige vers cette femme, qui est sa mère, sans recevoir en retour la moindre marque d’affection. Une scène dont il faudra se souvenir beaucoup plus loin dans le film lorsqu’on retrouvera Michael, devenu adulte, et qu’il parlera de ses rapports avec sa mère. En effet, très vite, le film s’est transporté en 1966, à Montréal, dans un hôpital psychiatrique. Le psychiatre Lawrence a disparu et Michael, qui y est interné, est le dernier à l’avoir vu. C’est pourquoi le docteur Toby Green, le directeur de l’établissement, tient à le rencontrer. Malgré les mises en garde de l’infirmière Susan Peterson concernant le côté manipulateur de Michael, c’est seul à seul que se déroule la rencontre, ou plutôt la confrontation, entre le patient et le docteur. Une confrontation qui constitue le cœur du film et qui s’apparente à un match de boxe. Au docteur Green qui tente de convaincre Michael de raconter comment s’est déroulée sa dernière rencontre avec le docteur Lawrence et, surtout, comment elle s’est terminée, Michael prend un malin plaisir à répondre en taquinant le Docteur Green sur ses rapports passés avec l’infirmière Susan Peterson, en parlant de son rapport avec les éléphants, qu’ils soient en chair et en os, en peluche ou sous forme de comptine enfantine, et en racontant ce que, manifestement, il a sur le cœur : ses rapports avec sa mère, qu’il va prétendre avoir tuée ; ses rapports avec son père, un « coup d’un soir » pour sa mère, un père qu’il n’a rencontré qu’une fois dans sa vie, juste le temps de le voir tuer un éléphant sous ses yeux ; ses rapports avec l’institution psychiatrique, avec Susan, l’infirmière, qu’il accuse d’être une espionne écoutant aux portes, avec le Docteur Lawrence qui, dit-il, entretenait avec lui une histoire d’amour.

 

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Une construction habile

A l’origine, La Chanson de l’éléphant est une pièce de théâtre écrite par le dramaturge canadien Nicolas Billon, pièce dont la première eut lieu en 2004 au Festival Shakespeare de Stratford, dans l’Ontario, et qui a reçu plus tard un excellent accueil dans notre pays. C’est Nicolas Billon lui-même qui a écrit le scénario pour le cinéma. Lorsqu’on adapte une pièce pour le cinéma, il est facile d’ajouter des excursions à la fois dans le temps et dans l’espace. Reste, bien sûr, à trouver le bon dosage. Ici, la construction est très habile : après une entrée en matière centrée sur le comportement de la mère de Michael par rapport à son jeune garçon de fils, le film expose son élément principal, la confrontation entre Michael et le Docteur Green, agrémentée d’interventions de Susan Peterson, sous-forme d’un flash-back récurrent nous ramenant au jour de Noël de 1965, par rapport au temps présent qui voit l’action se dérouler au début de l’année 1966. Le « chairman » de l’hôpital, de retour d’un séjour à Paris, s’entretient alors avec le Docteur Green, puis avec Susan Peterson, afin de comprendre ce qui s’est passé dans l’hôpital durant son absence. Des événements probablement très graves, de toute évidence liés à la disparition du Docteur Lawrence ; mais quels événements et quelles en sont les causes ? C’est ce que va dévoiler le film, petit à petit, grâce à ce flash-back récurrent, grâce aussi à quelques retours sur des événements ayant précédé cette fameuse confrontation, de peu ou de beaucoup, événements qui permettent en particulier de visionner ce qui a marqué Michael le jour où il a rencontré son père et de mieux connaître le Docteur Green, au travers de ses relations avec son épouse et leur fille Amy.

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Un rôle fait pour lui

On peut se demander si ce film aurait eu droit à une sortie hexagonale sans la présence en tête d’affiche de Xavier Dolan, ce jeune réalisateur adulé par de nombreux cinéphiles. A dire vrai, de ce qu’on connait de lui au travers de ses films et de ses prestations publiques, on pourrait penser que le rôle de Michael a été écrit spécialement pour lui : un jeune homme à la fois attachant et absolument horripilant, un jeune homme ayant eu une mauvaise relation avec sa mère, au point de s’accuser de l’avoir tuée, un jeune homme assumant totalement son homosexualité. Résultat : qu’on aime ou qu’on n’aime pas Xavier Dolan réalisateur, force est de reconnaître qu’il est excellent comme comédien dans La Chanson de l’éléphant. On notera que, dans la version originale, il s’exprime dans un anglais parfait et qu’il se double lui-même dans la version française. A ses cotés, c’est le comédien canadien Bruce Greenwood (Christopher Pike dans Star Trek) qui interprète de façon très sobre le rôle du docteur Toby Green et la comédienne US Catherine Keener (Maxine Lund dans Dans la peau de John Malkovich) celui de Susan Peterson.

 

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Conclusion

Grâce à une construction très habile et au jeu des comédiens, grâce aussi à l’utilisation pertinente de gros plans sur le visage de ceux-ci, Charles Binamé réussit une bonne transposition d’une pièce de théâtre sur le grand écran. La reconstitution de la vie dans un hôpital psychiatrique au milieu des années 60 est un autre point fort de La Chanson de l’éléphant.

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