Critique : Katie says goodbye

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Katie says goodbye

Etats-Unis : 2016
Titre original : –
Réalisation : Wayne Roberts
Scénario : Wayne Roberts
Interprètes : Olivia Cooke, Christopher Abbott, Chris Lowell
Distribution : Bodega Films
Durée : 1h28
Genre : Drame
Date de sortie : 18 avril 2018


Note : 4/5

Pour la réalisation de Katie says goodbye, son premier long métrage, Wayne Roberts, originaire de l’Alaska,  est allé poser sa caméra à Belen, une bourgade du Nouveau-Mexique située à une cinquantaine de kilomètres au sud de Albuquerque. Ce film, réalisé en 2016, a été présenté dans un nombre impressionnant de festivals avant de sortir en salles, 2 ans plus tard. Katie says goodbye est le premier volet d’une trilogie réalisée par Wayne Roberts. Le deuxième volet, Richard says goodbye, avec Johnny Depp en tête d’affiche, en est à l’étape de la postproduction (un espoir : qu’il soit présent à Cannes 2018 !). Quant au troisième, Billie says goodbye, il permettra de retrouver Johnny Depp et Olivia Cooke, l’actrice qui interprète le rôle de Katie.

Synopsis : Katie, jeune femme du sud ouest américain rêve d’une nouvelle vie à San Francisco. Elle vit ses premiers amours et se révèle d’une honnêteté désarmante. Son empathie compulsive envers les autres fait d’elle une proie facile. Sa ténacité et sa jeunesse seront mis à l’épreuve par ceux qu’elle aime le plus au monde.


Le piège du synopsis

La première perception qu’on peut avoir d’un film réside très souvent dans la lecture du synopsis. Concernant Katie says goodbye, il y a le synopsis officiel, fourni par le distributeur et que vous pouvez lire ci-dessus ; il y a aussi le synopsis qu’on peut lire sur Wikipedia : « Katie est une jeune fille de 17 ans qui vit avec sa mère dans le sud-ouest américain. Elle ne rêve qu’une seule chose : quitter son job précaire de serveuse et débuter une nouvelle vie à San Francisco. Pour se faire de l’argent plus facilement et le mettre de côté, elle se prostitue et couche avec des clients différents : un routier de passage, un flic, un bon père de famille… Jusqu’au jour où elle rencontre un garagiste, Bruno, qui n’est d’autre qu’un ancien taulard. Les deux tombent amoureux l’un de l’autre mais il découvre qu’elle se prostitue… ». A votre avis, lequel de ces deux synopsis donne le plus envie d’aller voir le film ? Celui qui parle de rêve, de premiers amours, d’honnêteté ou celui qui parle également de rêve, mais en insistant surtout sur la prostitution, les coucheries et le passé de taulard de Bruno ?

En fait, en racontant l’histoire de Katie, Wayne Roberts a mélangé avec beaucoup de talent et un brin de perversité ce qu’il peut y avoir de fleur bleue dans le premier véritable sentiment amoureux vécu par une jeune fille et la face sombre de la sexualité que représente le viol. Katie vit avec Tracey, sa mère, dans un mobil-home installé à proximité d’une bourgade du Nouveau-Mexique et elle travaille comme serveuse dans un « diner », très fréquenté par les chauffeurs de poids lourds. Son père, Katie ne le connait pas. Sa mère prétend qu’il est mort mais Katie est persuadé qu’il est toujours vivant et, tous les soirs, elle s’adresse à lui au moment de s’endormir. C’est sans doute cette absence de père qui pousse Katie à préférer les hommes plus âgés qu’elle aux hommes de son âge. Quant à Tracey, c’est, à pas mal d’égards, un véritable boulet pour Katie, une véritable prédatrice tant du point de vue financier que sexuel. En fait, sa mère de cœur, c’est Maybelle, la patronne du « diner », une femme généreuse et à l’esprit très ouvert.

 

La naïveté face à la bestialité

Pour Katie, la sexualité est quelque chose de très naturel. En fait, il est évident que, dès son plus jeune âge, la médiocre isolation phonique du mobil-home l’a, d’une certaine façon, plongée dans la vie sexuelle de sa mère. Son caractère optimiste et une certaine dose de naïveté ont fait le reste : Katie pratique le sexe avec beaucoup de candeur et, si certains hommes lui donnent de l’argent lorsqu’ils ont couché avec elle, tant mieux, cela lui permet de mettre de l’argent de côté, argent qui, à terme, devrait lui permettre de réaliser son rêve : aller s’établir à San Francisco et se lancer dans la coiffure. Mais de là à parler de prostitution … D’ailleurs, ne choisit-elle pas ses partenaires ? D’ailleurs, lorsque sa rencontre avec Bruno lui fait connaître son premier véritable amour, n’est elle pas prête à abandonner ces relations monnayées ? Sauf que, malheureusement, la naïveté de Katie ne lui permet pas de se rendre compte que, en face d’elle, il peut y avoir des hommes qui ne comprennent pas qu’on puisse refuser leurs faveurs, qu’on puisse leur préférer un ancien taulard, des hommes qui ne tiennent pas compte de l’absence de consentement pour arriver à leur fin.

C’est avec une scène comme celle du viol qu’on reconnait les grands réalisateurs. Il y a là, dans une voiture en ruine, Katie et deux hommes : l’un, Dirk, est un prédateur de la pire espèce, l’autre, Mattie, est un pauvre bougre qui vit dans l’ombre de Dirk. Lors de l’exécution du viol, un tâcheron se serait délecté à pointer sa caméra sur Dirk et Katie, à l’arrière de la voiture. Avec Wayne Roberts, la caméra fixe Mattie, assis à l’avant de la voiture et dont perçoit qu’il vit un grand malaise, sans toutefois être capable de se révolter contre les agissements de Dirk. Le viol en lui-même est hors-champ, et le spectateur n’en est témoin que par le son.

 

Elle a vraiment tous les talents

Si la réalisation de Wayne Roberts et la photographie de Paula Huidobro, récemment rencontrée dans Oh Lucy!, sont véritablement exemplaires, que dire de la prestation de Olivia Cooke, l’interprète de Katie ? Présente dans pratiquement tous les plans du film, c’est une véritable grâce qui émane de sa prestation : un sourire désarmant, l’image d’une volonté de fer et d’un optimisme sans faille, un naturel confondant lors des scènes « intimes », cette jeune anglaise originaire de la banlieue de Manchester a vraiment tous les talents. A noter qu’elle est la tête d’affiche féminine de Ready player one, le dernier film de Steven Spielberg, sorti le 28 mars dernier.

A ses côtés, Christopher Abbott est très sobre dans le rôle de Bruno, cet ex taulard proche de l’autisme, Mireille Enos est parfaite dans le rôle de Tracey, monstre d’égoïsme et vénéneuse mère de Katie, Chris Lowell et Keir Gilchrist sont parfaitement complémentaires dans leurs rôles d’homme très lourd (euphémisme !) pour l’un, d’homme sous influence pour l’autre. Et puis, n’oublions pas les prestations d’une actrice et d’un acteur qui font partie de ce que les Etats-Unis ont de meilleur en matière de comédien.ne.s et dont on se félicite qu’ils aient accepté de jouer des seconds rôles dans Katie says goodbye : Mary Steenburgen dans le rôle de Maybelle, James Belushi dans celui de Bear, un chauffeur de poids lourd, fidèle adepte des charmes de Katie. Quant à la musique, on la doit à Dan Rommer, déjà présent dans Les bêtes du Sud sauvage.


Conclusion

Ce premier long métrage de Wayne Roberts est une grande réussite qui provient de la somme de la mise en scène et de la direction d’acteurs du réalisateur, de la photographie de Paula Huidobro avec, en particulier, sa capacité à venir scruter les visages, et de l’ensemble de la distribution avec un accent particulier concernant Olivia Cooke. On attend avec impatience Richard says goodbye, le deuxième volet de la trilogie imaginée par Wayne Roberts, en rêvant très fort qu’il soit présent dans deux mois sur la Croisette. La présence de Johnny Depp en tête d’affiche peut aider !

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