Test DVD : Téhéran Tabou

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Téhéran Tabou

Autriche, Allemagne : 2017
Titre original : Tehran Taboo
Réalisation : Ali Soozandeh
Scénario : Ali Soozandeh, Grit Kienzlen
Acteurs : Farhad Abadinejad, Jasmina Ali, Rozita Assadollahy
Éditeur : ARP Sélection
Durée : 1h32
Genre : Animation, Drame
Date de sortie cinéma : 4 octobre 2017
Date de sortie DVD : 20 mars 2018

Téhéran : une société schizophrène dans laquelle le sexe, la corruption et la prostitution coexistent avec les interdits religieux. Dans cette métropole grouillante, trois femmes de caractère et un jeune musicien tentent de s’émanciper en brisant les tabous…

Le film

[4/5]

Popularisé dans les années 70/80 par Ralph Bakshi qui en avait quasiment fait sa « marque de fabrique » dans le domaine de l’animation, la rotoscopie est un procédé technique consistant à relever les contours d’une figure filmée en prise de vue réelle pour en transcrire la forme et les actions dans un dessin animé, de façon à reproduire avec réalisme la dynamique des mouvements des sujets filmés. Tombé en désuétude suite à l’avènement de l’animation assistée par ordinateur, ce procédé est finalement revenu sur le devant de la scène il y a quelques années grâce justement à la démocratisation des outils informatiques, qui permettent dorénavant de signer des films en utilisant cette technique pour des coûts de production bien moins élevés qu’il y a vingt ou trente ans : la rotoscopie est donc devenue le représentant quasi-officiel d’un cinéma d’animation indépendant à destination des adultes, proposant souvent des compositions visuelles hybrides assez impressionnantes. Parmi les films récents ayant utilisé ce procédé, on pense par exemple à Waking life, A scanner darkly (Richard Linklater, 2001 / 2006), Renaissance (Christian Volckman, 2006), The green wave (Ali Samadi Ahadi, 2010) ou Alois Nebel (Tomás Lunák, 2011). Malgré les apparences –et une croyance tenace– en revanche, le très intéressant Valse avec Bachir (Ari Folman, 2008) n’utilisait pas ce procédé.

Prenant place, comme son titre l’indique, à Téhéran, Téhéran Tabou s’impose dès ses premières minutes comme faisant partie de ces films à destination d’un public adulte. Tourné de façon étrangement naturaliste, en s’attardant sur la « survie » du petit peuple dans les rues de la capitale iranienne, le film d’Ali Soozandeh évoque le poids des lois de son pays (qui nous paraitront, de ce côté du globe, absurdes et d’un autre âge), mais également des coutumes et de la répression menée au nom de la République islamique d’Iran, qui semblent cohabiter avec un système très organisé de corruption, de prostitution organisée et de trafics en tous genres atteignant jusqu’aux plus hautes sphères des institutions du pays. Ces contradictions d’une société iranienne quasi-schizophrène se retrouvent donc également au cœur du film en lui-même, mis en scène de façon quasi-documentaire par Soozandeh, tout en utilisant un procédé de prises de vue très esthétisant (et souvent visuellement assez superbe), imposant automatiquement un certain recul, presque Brechtien en un sens, pour le spectateur.

Fable sombre et assez âpre sur les paradoxes d’un pays tiraillé entre les interdictions et la réalité de la vie de tous les jours pour une génération ayant grandi dans les non-dits, les rapports de force et la corruption généralisée, jonglant habileté sur la notion de misère (sociale et sexuelle), Téhéran Tabou évoque également et surtout la condition des femmes en Iran, décrite avec une crudité de tous les instants et imposant le constat froid et volontiers terrifiant d’une société où nul ne semble pouvoir trouver le bonheur – la seule issue étant la fuite, l’exil. Un discours qui n’étonnera personne de la part d’Ali Soozandeh, réalisateur exilé et vivant en Allemagne depuis 1995.

Le DVD

[4/5]

Le DVD de Téhéran Tabou édité par ARP Sélection est à l’image des habituelles sorties vidéo d’un éditeur décidément remarquable et parfaitement aguerri au format : la galette propose un impressionnant piqué et un encodage bien maîtrisé, doté de couleurs pastel parfaitement fidèles à la photo du film imaginée par Martin Gschlacht (Goodnight mommy). En deux mots, le transfert compose parfaitement avec les limites du support DVD (on note certes une granulation un peu excessive durant les scènes nocturnes, mais il s’agit d’une des limites intrinsèques du format) et offre un spectacle très propre, sans écueil majeur à déplorer. Niveau son, la VO persane est proposée en Dolby Digital 5.1, avec une nette prépondérance laissée aux voix, qui n’empêche cependant pas une dynamique plus ample sur quelques scènes en particulier.

Dans la section suppléments, on trouvera un making of (d’une durée d’environ 13 minutes) revenant sur le tournage du film sur fond vert, et nous donnera à voir quelques images des acteurs au travail sur le mode, toujours payant, du avant / après. Les auteurs s’exprimeront également sur le choix de l’animation et leurs souvenirs d’Iran. La traditionnelle bande-annonce du film fermera la section.

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