Critique Express : L’affaire Collini

0
2774

L’affaire Collini

Allemagne : 2019
Titre original : Der Fall Collini
Réalisation : Marco Kreuzpaintner
Scénario : Christian Zübert, Robert Gold, Jens-Frederik Otto d’après le roman de Ferdinand von Schirach
Interprètes : Elyas M’Barek, Alexandra Maria Lara, Heiner Lauterbach, Franco Nero
Distribution : ARP Sélection
Durée : 2h03
Genre : Drame, Politique, Procès
Date de sortie : 27 avril 2022

4/5

Synopsis : Pourquoi Fabrizio Collini a-t-il assassiné Hans Meyer, un industriel de la haute société allemande ? Comment défendre un accusé qui refuse de parler ? En enquêtant sur ce dossier, son avocat découvrira le plus gros scandale juridique de l’histoire allemande, et une vérité à laquelle personne ne veut se confronter.


Face à un scandale de la politique judiciaire allemande

Un des plaisirs qu’on attend d’un séjour dans une salle obscure, c’est celui de la surprise qu’on ressent à chaque découverte d’un élément auquel on ne s’attendait pas. Face au danger de gâcher ce plaisir en se montrant trop bavard, certains films ne présentent que peu de risques alors que, pour d’autres, il est indispensable de « marcher sur des œufs ». L’affaire Collini entre dans cette dernière catégorie ! Dans ces conditions, que dire de ce film ? L’affaire Collini est l’adaptation au cinéma du roman portant le même titre écrit par Ferdinand von Schirach, un avocat devenu écrivain, petit-fils de Baldur von Schirach, dirigeant des Jeunesses hitlériennes et responsable de la déportation des juifs de Vienne et qui, face à cette ascendance, s’évertue à ce que de tels crimes ne se reproduisent plus. L’affaire Collini que traitent le livre et le film est une affaire judiciaire qui ne s’est jamais déroulée dans la vraie vie mais qui s’inspire en partie du procès de Friedrich Engel, un officier SS, surnommé le « bourreau de Gênes », qui fut jugé en 2002 à Hambourg.

Ce que le livre et le film racontent est non seulement parfaitement crédible mais revêt  également un caractère historique et politique très important, mettant en pleine lumière un énorme scandale de la politique judiciaire allemande, la loi Dreher. Cette loi, votée à l’unanimité, en 1968, par les députés du Bundestag, porte le nom de celui qui l’a élaborée, Eduard Dreher. La politique menée par le chancelier Konrad Adenauer à la fin des années 40 avait permis la réintégration dans la fonction publique de nombreux anciens nazis, dont Eduard Dreher. Ayant été nommé en 1968 chef du département de la justice criminelle au Ministère fédéral de la Justice, cet ancien Procureur public à la Cour spéciale d’Innsbrück sous le 3ème Reich, avait glissé un article bien particulier dans une loi en apparence inoffensive ayant pour nom « Loi d’introduction aux infractions administratives » : par un habile tour de passe-passe, cet article arrivait à transformer en homicides involontaires la quasi totalité des crimes de l’époque nazie, ce qui permettait immédiatement de tous les prescrire, grâce à un délai de prescription plus court pour ces homicides involontaires par rapport aux homicides volontaires.

Après l’évocation de ce contexte très particulier, quid de L’affaire Collini ? Dans la plupart des histoires policières et des histoires judiciaires, on cherche qui est le coupable ou bien on s’interroge sur le bien fondé de la culpabilité de celui ou celle qui va être jugé.e. Dans L’affaite Collini, rien de tout cela : on sait que Hans Meyer, un industriel allemand, a été assassiné par Fabrizio Collini, lequel ne conteste pas les faits. Par contre, cet ancien mécano de Daimler, cet immigré italien à la retraite depuis peu, estimé de tout son entourage, se refuse à expliquer pourquoi il en est arrivé a tuer de sang froid un homme avec lequel il n’avait aucun lien apparent. Une situation difficile pour Caspar Leinen, le jeune et très inexpérimenté avocat commis d’office, chargé de le défendre. D’autant plus que, en tant qu’ami de Philipp Meyer, fils de Hans, il a été plus ou moins élevé par Hans Meyer, d’autant plus qu’il a eu une relation avec Johanna Meyer, la fille de Hans, d’autant plus que l’avocat de la partie adverse n’est autre que Richard Mattinger, qui fut son professeur lors de ses études. Malgré cette proximité avec le clan Meyer, Caspar Leinen va enquêter et découvrir à la fois le passé de Hans Meyer et les raisons qui ont poussé Fabrizio Collini à l’assassiner.

Remarquablement construit, L’affaire Collini est passionnant à regarder, avec en plus, ce qui ne gâte rien, la très grande qualité de la lumière et de la photographie qu’on doit au Directeur de la photographie polonais Jakub Bejnarowicz. Face à face, deux conceptions de la justice : celle défendue par Richard Mattinger, qui refuse de s’écarter de la lettre de la loi, face à celle défendue par Caspar Leinen, qui recherche avant tout … la justice, tout simplement. Dans une distribution d’excellente qualité, on note particulièrement les prestations remarquables de Elyas M’Barek, dans le rôle de Caspar Leinen, d’Alexandra Maria Lara, l’interprète de Johanna Meyer, de Heiner Lauterbach, qui joue Richard Mattinger, et du très expérimenté Franco Nero (60 ans de carrière !) dans le rôle de Fabrizio Collini.


https://www.youtube.com/watch?app=desktop&v=4buWqDrWMBo

LAISSER UN COMMENTAIRE

S'il vous plaît entrez votre commentaire!
S'il vous plaît entrez votre nom ici