Critique Express : L’air de la mer rend libre

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L’air de la mer rend libre  

France : 2023
Titre original : –
Réalisation : Nadir Moknèche
Scénario : Nadir Moknèche
Interprètes : Youssouf Abi-Ayad, Kenza Fortas, Saadia Bentaïeb
Distribution : Pyramide Distribution
Durée : 1h30
Genre : Drame
Date de sortie : 4 octobre 2023

3/5

Synopsis : Rennes, de nos jours. Saïd habite encore chez ses parents. Il vit une liaison secrète avec Vincent. Incapable d’affronter sa famille, il accepte un mariage arrangé avec Hadjira. Après une histoire d’amour malheureuse et quelques démêlés avec la justice, elle aussi s’est résignée à obéir à sa mère. Piégés par leurs familles, Saïd et Hadjira s’unissent malgré eux, pour retrouver, chacun de son côté, leur liberté.

Comment une jeune femme et un jeune homme peuvent-ils résister aux injonctions de leurs mères respectives qui souhaitent les voir marié.e.s d’autant plus alors qu’elles ont réussi à organiser un mariage arrangé entre elle et lui ? Le jeune homme, Saïd, est arrivé à un âge où, dans sa famille, le fait d’être toujours célibataire est considéré comme anormal. Cette famille, c’est Mahmoud, un père boucher hallal à Rennes, Zineb, une mère qui tient la caisse de la boucherie, des fils, Saïd et Hicham qui travaillent dans la boucherie, la femme d’Hicham, une fille et son mari. Pour la mère, son problème principal, c’est donc que Saïd se marie et qu’il ait des enfants. Cela, toutefois, n’est guère compatible avec le fait que Saïd est homosexuel et qu’il est très amoureux de Vincent, un musicien de jazz. Sa mère est-elle au courant ? On devine que Saïd n’a jamais parlé de cet amour à sa famille, on a l’impression que sa maman a deviné. Toujours est-il qu’elle a trouvé à l’autre bout de la France, à Miramas, pas loin de Marseille, une jeune femme qui, poussée par sa mère, ferait une très bonne épouse pour Saïd. Hadjira, cette jeune femme, a eu le malheur de tomber amoureuse d’Oscar, un dealer, et elle a même fait un peu de prison à cause de cette relation. Pour Rabia, sa mère, le seul moyen de sauver la face, c’est le mariage ! Le jour de la cérémonie, Saïd va bien essayer de se soustraire à ce mariage qui lui pèse en quittant la cérémonie et en se rendant chez Vincent, mais la réception glaciale de ce dernier va le renvoyer dans les cordes et … à la mairie.

Les scène qui précèdent la cérémonie de mariage et la tentative de fuite de Saïd doivent être considérées comme des hors-d’œuvre, le plat principal, c’est-à-dire l’étude du comportement de Saïd et de Hadjira face à leur nouvelle situation d’époux et d’épouse et celle de l’organisation de leur vie dans ce nouveau couple, ne commençant bien sûr qu’après la cérémonie de mariage. Bien entendu, il ne s’agit pas de divulgâcher toutes les péripéties de cette vie de couple. On se contentera d’évoquer les repas familiaux hebdomadaires dans la famille de Saïd, émaillés de remarques très appuyées de Mahmoud et de Zineb adressées à Saïd et Hadjira sur cet enfant qui n’arrive toujours pas. On ne cachera ni le désir exprimé par cette dernière d’aller voir à quoi ressemble la mer en Bretagne, elle qui ne connaît que la Méditerranée, ni le côté assidu de sa pratique religieuse mais, en même temps, sa tolérance, ni sa rencontre avec Fariza, une voisine, maman de 2 enfants et dont le couple apparaît comme parfait aux yeux de Hadjira. On ne cachera pas non plus les recherches de rencontres effectuées par Saïd sur son smartphone et le prétexte maintes fois utilisé d’un besoin de séances de jogging pour finaliser des rencontres. Et la vie de couple de Saïd et Hadjira, dans tout ça ? Permettez qu’on reste discret là-dessus, c’est à vous de le découvrir. Sachez juste que le film en parle de façon à la fois précise et délicate et que, liée à ce sujet, la fin du film donne une explication à ce titre étonnant, que le réalisateur est allé chercher dans un proverbe allemand du Moyen Âge : « L’air de la ville rend libre », parlant des serfs qui quittaient la campagne et retrouvaient une liberté à la ville.

Dans ce qui est son 6ème long métrage, le réalisateur franco-algérien Nadir Moknèche continue à creuser le sillon commun à tous ses films, le combat contre les clichés et les a-priori. Il a vu, dit-il, une injustice dans les comparaisons entre les réponses données à une demande effectuée sur un site de recherche par un jeune homme homosexuel prénommé Saïd et une demande similaire effectuée par un jeune homme homosexuel prénommé François. Tapez « Arabe homosexuel gay » sur un moteur de recherche, dit il, et vous tomberez sur des images pornographiques alors que si vous tapez « Français homosexuel gay », vous avez toutes les chances de tomber sur des films d’art et d’essai. Face à de telles affirmations, on ne peut s’empêcher d’aller vérifier leur véracité. Eh bien, figurez vous que c’est … faux ! Rien de porno, que ce soit via Yahoo, Google ou Bing !

Mais qu’importe ! Ce qui compte, c’est la peinture sincère de tout ce qui tourne autour des traditions, de l’importance de la réputation, de la difficulté à échapper à des principes archaïques transmis de génération en génération. Tout cela, en apportant ça et là, une petite touche d’humour. Avec, également et malheureusement, un certain manque de rythme dans la réalisation. Heureusement, la distribution ne souffre d’aucun défaut avec, entre autres, Youssouf Abi-Ayad, comédien venant du théâtre et remarquable dans le rôle de Saïd, avec  Kenza Fortas qu’on avait découverte dans le rôle de Shéhérazade dans le film du même nom, avec Saadia Bentaïeb dans le rôle de Zineb, avec Zinedine Soualem dans le rôle de Mahmoud, avec, dans le rôle de Rabia, la toujours excellente Lubna Azabal, habituée au cinéma de Nadir Moknèche lequel a dû beaucoup s’amuser à faire de cette actrice belge une cagole provençale. Sans oublier, bien sûr Zahia Dehar dans le rôle de Fariza, Zahia et sa façon de parler qui évoque immanquablement Brigitte Bardot.


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