Critique Express : A demain mon amour

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A demain mon amour

France : 2021
Titre original : –
Réalisation : Basile Carré-Agostini
Scénario : Basile Carré-Agostini
Distribution : Jour2fête
Durée : 1h32
Genre : Documentaire
Date de sortie : 9 mars 2022

4/5

Synopsis : Monique et Michel Pinçon-Charlot, sociologues de la grande bourgeoisie, passent beaucoup de temps dans leur pavillon fleuri de banlieue parisienne. Ils s’aiment depuis plus de 50 ans, ont une retraite confortable dont ils pourraient profiter paisiblement. Mais, comme ils sont un peu dingues et sensibles à l’injustice, ils ont décidé d’accélérer leur combat contre le système capitaliste planétaire.

Un couple de sociologues engagés

Si les noms de Monique Pinçon-Charlot et de Michel Pinçon vous sont inconnus, ce documentaire de Basile Carré-Agostini va vous permettre de faire connaissance avec cet extraordinaire couple de sociologues, souvent appelés les Pinçon-Charlot, qui a consacré une bonne partie de sa vie, de 1986 à 2007, à l’étude de la haute bourgeoisie et de ce qu’il est convenu d’appeler les élites sociales : les dynasties, les nouveaux riches, leur entre-soi, leurs loisirs, leurs us et coutumes, etc. Lui est né en 1942, dans une famille d’ouvriers. Elle, c’est en 1946 dans une famille de la bourgeoisie provinciale qu’elle a vu le jour. Il se sont mariés en 1967 et ont effectué la plus grande partie de leur carrière au sein du CNRS où ils étaient Directeurs de recherche. Vu leur âge, ils doivent être à la retraite, vous dites vous probablement. Oui, ils sont à la retraite depuis 2007, mais pas question pour eux d’abandonner pour autant leur combat contre les injustices sociales. D’autant plus que leur état de retraités leur permet d’être « libérés de leur neutralité scientifique », de pouvoir sortir de leur devoir de réserve et d’être plus engagés sur le terrain politique. C’est parce qu’ils se demandaient à leur sujet « comment trouver le courage de continuer à lutter quand on voit le monde qu’on rêve s’éloigner chaque jour un peu plus ? » que Basile Carré-Agostini s’est mis en tête de réaliser un portrait intime des Pinçon-Charlot. Alors que le couple et le réalisateur s’étaient rencontrés avant l’élection d’Emmanuel Macron et pressentant tous les trois que le quinquennat à venir allait accélérer la guerre de classe contre les travailleurs, ils ont décidé d’un commun accord de traverser ensemble ces 5 ans à venir. Certes, ce film est sur les écrans alors que le quinquennat n’est pas terminé, mais, malheureusement pour les classes populaires, 4 ans ont été largement suffisants pour confirmer ce que le trio pressentait, avec le mouvement des gilets jaunes et les manifestations de la fin de 2018 et du début de 2019 en point d’orgue.

Pendant 92 minutes, A demain mon amour accompagne les Pinçot-Charlot dans des manifestation et dans des rencontres. Dans le titre, il y a le mot « amour », il y a « à demain ». L’amour, on sent qu’il est toujours aussi fort chez ce couple qui s’est marié il y a 54 ans. Liés par la joie de vivre et non par « le fric, le fric », Moniquette et Michelou (cf. leurs bols du petit déjeuner) quittent leur petit pavillon la main dans la main pour se rendre à une manifestation, avec leur petit sac à dos qui semble greffé dans leur dos. Et, demain, il y aura une autre lutte à accompagner, et ils s’y rendront ensemble, toujours ensemble. Lors de ces manifestations au cours desquelles ils sont le plus souvent les plus âgé.e.s et qui les voient prendre des risques vu le comportement de la police, ils interrogent, Monique prend des notes sur un petit cahier, ils expliquent et ils conseillent. « On est spécialistes des familles les plus riches, c’est nous qui avons popularisé la notion d’oligarchie avec la captation des richesses et des pouvoirs par un petit nombre », expliquent-ils à des manifestantes de la santé, membres de la CGT. « Pour bien passer à la télévision, il faut toujours attaquer l’adversaire, il faut accuser les criminels plutôt que faire le bilan des blessés », conseillent-ils à deux gilets jaunes. Et toujours, toujours, ce conseil : ce qui fait la force des plus riches, c’est leur solidarité. De votre côté, n’oubliez jamais d’être solidaires !

A titre personnel, Monique et Michel sillonnent la France entière et se retrouvent aussi bien à la Fête de l’Humanité qu’auprès de membres de la CGT ou aux côtés des anarchistes, de Philippe Poutou, de Lutte Ouvrière ou de la CNT. Dans les manifestations auxquelles ils se rendent, il arrive qu’ils soient reconnus, la bienveillance à leur égard étant toujours de mise. Le film est également l’occasion de rencontrer des personnalités, tels l’économiste Liêm Hoang-Ngoc, le journaliste Serge Halimi, Directeur de la rédaction du Monde Diplomatique, et, très, très brièvement, François Ruffin. Au cours d’une des manifestations qu’ils suivent, ils se retrouvent auprès de gilets jaunes dans ce qui fut le périmètre qu’ils ont étudié pendant des années, le « triangle d’or » parisien, et ils se réjouissent de constater comment les manifestant.e.s prennent conscience de leur classe sociale en regardant les tarifs des brunchs et des cartes de vin affichés dans les restaurants du coin. Et le film se termine par une scène d’une grande force, un retour en taxi avec un chauffeur philosophe qui considère que, pour ce qui est de la révolution, « il faut arrêter de rêver ». Comme le dit Monique Pinçot-Charlot : « il venait de nous remettre à notre place, sachant bien que notre combat a été mené dans la sécurité du statut privilégié de chercheurs au CNRS, alors que lui conduit son taxi avec tout ce que cela implique d’incertitudes et de charges financières ». Faut-il pour autant baisser les bras, alors qu’on entend un Luc Ferry s’exprimer sur un média à propos de la riposte à apporter face aux gilets jaunes ? « Que la police se serve de ses armes une bonne fois. Quant à l’armée, elle est capable de mettre fin à ces saloperies », entend on !

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