Critique : El Club

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El Club

El Club affiche 2Chili : 2015
Titre original : –
Réalisateur : Pablo Larrain
Scénario : Pablo Larrain, Guillermo Calderón, Daniel Villalobos
Acteurs : Alfredo Castro, Roberto Farías, Antonia Zegers
Distribution : Wild Bunch Distribution
Durée : 1h37
Genre : Drame
Date de sortie : 18 novembre 2015


Note : 3.5/5

A bientôt quarante ans, le réalisateur chilien Pablo Larrain a acquis une notoriété méritée avec sa trilogie sur la dictature chilienne : Tony Manero en 2008, Santiago 73, post mortem en 2010, No en 2012. El Club est son 5ème film et cette charge cynique et très anti-cléricale a obtenu le Grand Prix du Jury lors de la Berlinade 2015, en février dernier.

 

Synopsis : Dans une ville côtière du Chili, des prêtres marginalisés par l’Eglise vivent ensemble dans une maison. L’arrivée d’un nouveau pensionnaire va perturber le semblant d’équilibre qui y règne.


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Qu’ont ils fait pour se retrouver là ?

La Boca, un petit village au bord de la mer faisant partie de la commune de Navidad, à 100 kilomètres au sud-ouest de Santiago du Chili : quatre hommes et une femme vivent dans la même maison, les hommes sont prêtres, ils doivent suivre des règles strictes, la femme est une bonne sœur, apparemment chargée du respect de ces règles. Ils se passionnent pour les courses de lévriers locales dans lesquelles un chien qu’ils élèvent fait très bonne figure et ils en arrivent à envisager pour lui un exploit lors d’une course au plus haut niveau à Santiago. Mais qu’ont-ils donc fait pour se retrouver là, reclus, sans responsabilité de paroisse ? Quand arrive un cinquième prêtre, la brume commence un tout petit peu à se dissiper. Je ne suis pas homosexuel, précise-t-il d’entrée. Sauf que dehors, devant la maison, un homme n’arrête pas de dénoncer les turpitudes passées de ce nouveau venu, au point de le pousser au suicide. La venue du père García , un « inquisiteur » chargé officiellement d’aider la communauté à gérer le traumatisme, va permettre de fouiller dans le passé de ses membres lorsqu’il deviendra évident qu’il est surtout là pour remettre de l’ordre dans ce « club ». 

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Des images sales pour des âmes sales

Le parti pris de Pablo Larrain est évident : la « saleté » des images, le plus souvent floues ou mal éclairées, est là pour se mettre au même niveau que les protagonistes du film, ces prêtres dont la culpabilité concernant des événements du passé va apparaître petit à petit. Elevé dans des écoles catholiques, le réalisateur dit aimer le Christ mais pas les chrétiens et on sent pendant tout le film qu’il enrage de voir l’Eglise, soucieuse avant tout de son image, faire tout ce qui est possible pour que ses membres ne soient pas jugés par un tribunal civil lorsqu’ils sont accusés de pédophilie ou de trafic de bébés nés de mères célibataires. Depuis longtemps (depuis toujours ?), elle lui préfère un système de jugement interne, système qui existe dans tous les pays catholiques. Quant à une espérance dans un avenir plus clair, plus transparent de la part de l’Eglise catholique, on peut se demander si Pablo Larrain se montre optimiste en la matière : le père García est jésuite, comme le Pape François, et on ne peut pas dire qu’il soit présenté de façon très favorable !

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Un malaise nécessaire

Dans le casting de El Club, la plupart des acteurs avaient déjà tourné pour Pablo Larrain, Alfredo Castro, qui joue le rôle du père Vidal, présentant la particularité d’avoir joué dans tous ses films. Pour tourner El Club, Pablo Larrain, qui se flatte d’être un contempteur de la haute définition (« A cause d’elle tous les films se ressemblent »), a réussi à obtenir la « saleté » dans l’image qu’il recherchait en tournant uniquement en lumières naturelles, tôt le matin ou en fin de journée et en utilisant des lentilles soviétiques des débuts des années 60, et des filtres, les mêmes qu’utilisait Tarkovski. On peut se montrer parfois gêné par ces images sombres ou floues, surtout au début, mais il est certain que le malaise nécessaire que l’on ressent à la vision de ce film n’aurait pas été le même face à une photographie visant avant tout la beauté de l’image. Dans un jeu subtil d’antagonisme, cette impression de malaise, créée par cette descente aux enfers à laquelle on assiste, est renforcée par la présence fréquente de musiques d’inspiration religieuse du compositeur Arvo Pärt.


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Conclusion

Charge anti-cléricale, film cynique, El Club est un sacré pavé dans la mare de l’Eglise catholique, d’autant plus qu’il vient d’une région du monde dans laquelle cette Eglise représente une force très importante, parfois pour le pire, parfois pour le meilleur.

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