Critique : A Ghost Story

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A Ghost Story

Etats-Unis, 2017
Titre original : –
Réalisateur : David Lowery
Scénario : David Lowery
Acteurs : Casey Affleck, Rooney Mara
Distribution : Universal Pictures International France
Durée : 1h27
Genre : Drame fantastique
Date de sortie : 20 décembre 2017

Note : 2/5

Ce n’est un secret pour personne, le cinéma « indépendant » américain contemporain, tel qu’il est mis en avant par le festival de Sundance, n’en est plus vraiment un depuis longtemps. Récupéré par des filières de grands studios, se servant de ces productions aux budgets « entre deux » comme simples tremplins pour les Oscars, il n’y a que peu d’occasions de tomber sur de véritables œuvres d’auteurs, échappant à toute catégorisation, par leur sincérité ou leur audace thématique ou formelle. Mais fort heureusement, il existe encore des cinéastes sachant se fabriquer une véritable identité, et une filmographie véritablement originale et stimulante. C’est le cas par exemple de David Lowery, découvert à la Semaine de la Critique de Cannes en 2013 avec son deuxième long métrage (le premier, St Nick tourné en 2009, est inédit en France), la ballade très Malickienne Les Amants du Texas, qui, malgré ses références un peu trop visibles, savait faire preuve de beaucoup d’élégance, et même parfois de grâce. Il avait ensuite surpris tout le monde en s’attaquant à un remake de Peter et Elliot le dragon, énième projet rance sur le papier, mais exécuté avec talent et personnalité. Tout cela nous amène au film qui nous intéresse ici, tout petit projet clairement revendiqué comme le film d’auteur dont le cinéaste avait besoin pour avoir une véritable sensation de liberté créative totale. Un film qui a commencé à faire parler de lui, justement au festival de Sundance, en début d’année, avant d’effectuer un gros tour des festivals, jusqu’au festival de Deauville, où il a récolté les prix du jury, de la Critique et de la Révélation. Ce qui n’est pas rien. Le cinéaste retrouve le duo Rooney Mara – Casey Affleck après Les Amants du Texas, pour une sorte de rêverie atmosphérique et quasiment dénuée de dialogues, se servant d’un argument poétique pour servir un propos sur la mort, le temps qui passe, et tout un tas de considérations philosophiques pouvant parler à tout un chacun. Mais est-ce que cela est suffisant pour faire un grand film ? Réponse dans les lignes qui suivent.

Synopsis : Apparaissant sous un drap blanc, le fantôme d’un homme rend visite à sa femme en deuil dans la maison de banlieue qu’ils partageaient encore récemment, pour y découvrir que dans ce nouvel état spectral, le temps n’a plus d’emprise sur lui. Condamné à ne plus être que simple spectateur de la vie qui fut la sienne, avec la femme qu’il aime, et qui toutes deux lui échappent inéluctablement, le fantôme se laisse entraîner dans un voyage à travers le temps et la mémoire, en proie aux ineffables questionnements de l’existence et à son incommensurabilité.

Hors du temps

Le moins que l’on puisse dire, c’est que le cinéaste ne fait pas grand-chose pour se mettre le spectateur dans la poche facilement. En effet, la première partie du film est, pour le dire poliment, particulièrement épurée, se rapprochant, lors de certains plans, du cinéma de Chantal Ackerman. Il faut entendre par là qu’il s’attache à décrire des situations quotidiennes dans leur durée, laissant le temps s’écouler jusqu’à brouiller toute perception du temps chez le spectateur, ce qui va plutôt bien avec le fond du film, même si cela n’est pas sans risquer de provoquer un rejet chez les spectateurs les moins patients. Car le cinéaste n’hésite pas à faire usage du plan fixe, dont l’aboutissement le plus radical se situe dans la séquence que l’on appellera « la scène de la tarte », s’étirant jusqu’à l’extrême limite de l’endurance du spectateur. Malgré tout, on ne peut nier une véritable maîtrise dans la mise en scène, que ce soit par les cadrages très composés, ou la gestion du montage. Formellement, il n’y a donc pas grand-chose à redire, l’utilisation d’un format carré aux bords arrondis collant totalement à l’aspect mémoriel du scénario, donnant au film un aspect totalement hors du temps, au-delà de tout effet de mode. Il faut également souligner la grande authenticité dans les rapports de couple, donnant un troublant effet de proximité extrême avec ses comédiens. Il est rare de voir une telle délicatesse dans un film, quelle que soit son origine d’ailleurs, notamment dans les scènes de lit, d’une simplicité et d’un réalisme désarmants.

Tout ça pour ça

Mais, malgré ces qualités évidentes, qui nous font espérer un film majeur, il faut reconnaître que, très rapidement, le scénario s’embourbe, entre cette volonté de simplicité et de dépouillement, et cette envie d’un propos plus général sur l’Existence, le Temps et la l’Humanité, donnant l’impression d’un gloubi boulga, certes plutôt juste dans ses questionnements universels sur notre place dans l’univers ou la peur du néant, mais finissant par en devenir quelque peu pompeux, notamment lors de cette scène de soirée, où un personnage se lance dans un long monologue, certes impressionnant, mais tout de même un peu ronflant. Si l’idée de base de faire se promener le personnage principal à travers ses propres souvenirs et l’histoire plus générale d’un lieu, est fortement prometteuse sur le papier, elle devient redondante à l’écran, et malgré l’envie d’adhérer à cette proposition de cinéma originale et particulièrement riche de possibilités, la déception est bel et bien présente, au point de provoquer, lors de l’arrivée du générique, une réaction quelque peu cynique, de « tout ça pour ça ». Si la simplicité du dispositif évoquant le cinéma des origines, sera à même de séduire certaines personnes, elle risque tout autant de provoquer des ricanements chez les moins sensibles à ce type de poésie.

Conclusion

Le fait que le cinéaste croit dur comme fer à son histoire n’est pas sans provoquer une véritable sympathie, malheureusement, et malgré la grâce transparaissant à travers de nombreuses images, le film paraît à la fois trop minimaliste et trop ambitieux dans ses thématiques pour son propre bien, et finit par entraîner une certaine indifférence. Il est donc difficile d’émettre un avis tranché sur une œuvre ne manquant pas d’atouts mais s’avérant tout de même assez frustrante, comme s’il s’agissait plus d’un plaisir personnel que d’un véritable geste destiné à être partagé avec le plus grand nombre.

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