Critique : A genoux les gars

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A genoux les gars

France : 2018
Titre original : –
Réalisation : Antoine Desrosières
Scénario : Antoine Desrosières, Anne-Sophie Nanki, Souad Arsane, Inas Chanti
Interprètes : Souad Arsane, Inas Chanti, Sidi Mejai, Mehdi Dahmane
Distribution : Rezo Films
Durée : 1h38
Genre : Comédie
Date de sortie : 20 juin 2018

3/5

A 47 ans, Antoine Desrosières n’est pas né de la dernière pluie : un premier court-métrage réalisé en 1985, et un premier long métrage, A la belle étoile, sorti en 1994 avec, en têtes d’affiche, Mathieu Demy, Julie Gayet et Chiara Mastroianni.  Il y a 3 ans, un moyen métrage, Haramiste, un moyen métrage de 40 minutes, lui avait permis de revenir sur le devant de la scène : un film mettant en scène deux sœurs voilées, Rim et Yasmina, partagées entre leurs désirs et les interdits. Pour choisir les interprètes de Rim et de Yasmina, des centaines de jeunes comédiennes avaient été auditionnées. Le choix s’était porté sur Inas Chanti et Souad Arsane. On retrouve ces deux comédiennes dans A genoux les gars, film qui faisait partie de la sélection Un Certain Regard du dernier Festival de Cannes. Elles s’appellent toujours Rim et Yasmina, mais leurs aventures sont différentes.

Synopsis : En l’absence de sa sœur Rim, que faisait Yasmina dans un parking avec Salim et Majid, leurs petits copains ? Si Rim ne sait rien, c’est parce que Yasmina fait tout pour qu’elle ne l’apprenne pas. Quoi donc ? L’inavouable… le pire… la honte XXL, le tout immortalisé par Salim dans une vidéo potentiellement très volatile.

Relation consentie ou viol ?

Pour une fois, la lecture du synopsis est presque suffisante pour raconter l’histoire du film dans son intégralité. Sauf que ce synopsis n’évoque pas ce qui est au cœur du film et qui est particulièrement d’actualité en ce moment : dans une relation sexuelle, quelle qu’elle soit, y a-t-il vraiment consentement lorsque un homme arrive à ses fins grâce à un subterfuge qui lui a permis de « retourner » le cerveau d’une femme ? Et si, lorsqu’il y a une telle manipulation, on parlait tout simplement de viol ! Et quid du chantage à la sextape ? Par ailleurs, si le film peut se résumer en quelques mots, cela ne veut pas dire qu’il ne s’y passe pas grand chose, loin s’en faut. Et des mots, on ne cesse d’en entendre, car A genoux les gars est un film dans lequel la tchatche est reine, un peu trop même. Une tchatche des banlieues, avec des répliques qui fusent, des répliques qui, parfois, font rire, qui, parfois, peuvent atterrer une partie des spectateurs, la combinaison des deux réactions n’étant pas interdite !

Les rapports filles / garçons ont-ils vraiment changé ?

C’est donc un sujet grave qu’Antoine Desrosières a choisi de traiter et ce, sur le mode de la comédie. Dans Haramiste, son but était de montrer comment l’interdit produisait de la frustration. Dans A genoux les gars, on est un cran plus loin, lorsque, de la frustration, nait la violence. Au travers de chansons choisies pour accompagner le film, il a tenu aussi à montrer que la révolution sexuelle de la fin des années 60 a beaucoup moins changé les choses en ce qui concerne les rapports entre les filles et les garçons que ce que l’on croit généralement. La preuve, le réalisateur l’apporte donc avec 7 chansons antérieures à 1968, des chansons yé-yé aux titres évocateurs. Parmi ces 7 chansons, « les garçons sont des brigands », dont les paroles, très explicites, ont été écrites en 1964 par Marie-Hélène Fraïsse, une jeune fille de 17 ans à l’époque, et « Je suis libre », adaptation en français de « You don’t own me » (tu ne me possèdes pas), grand succès de Lesley Gore en 1963. Plus, bien sûr, la chanson qui a donné son titre au film, interprétée en 1965 par Anne-Marie Vincent.

Malheureusement, le résultat final laisse au spectateur un sentiment mitigé : malgré un certain nombre de scènes et de dialogues plutôt réussis, on ne peut s’empêcher de trouver des longueurs et un côté souvent répétitif dans ce film dont, par ailleurs, le côté brouillon et bavard n’est pas de tout repos.

Une démarche intéressante

On ne peut que se montrer intéressé par la démarche suivie par Antoine Desrosières pour la conception de son film. En effet, tout au long de la projection, on ne cesse de se demander si les dialogues qu’on entend ont été écrits ou bien sont le fruit d’une improvisation. La réponse : un peu des deux ! Au départ, une ébauche de scénario qui prévoit un certain nombre de situations. Pendant deux mois, toutes ces situations sont ont été passées en revue, les acteurs étant chargés de les développer sous la forme d’improvisations filmées. A partir de ces improvisations, les scènes ont été écrites par Antoine Desrosières et Anne-Sophie Nanki. Ont suivi deux mois de répétition pour les comédiens et les comédiennes, sur ces textes dont ils étaient en grande partie les auteur.e.s. D’où d’ailleurs la présence de Souad Arsane et de Inas Chanti parmi les auteur.e.s du scénario.

Pour interpréter les rôles de Rim et de Yasmina, Antoine Desrosières s’est donc reposé sur l’expérience positive de Haramiste, avec Souad Arsane et de Inas Chanti. Par contre, pour les rôles de Salim et de Majid, il a fallu passer par de nombreuses auditions, le but étant de trouver des acteurs ayant beaucoup d’imagination, capables de partir dans de longues improvisations. En résumé, des acteurs qui soient de véritables coscénaristes. Ce sont Sidi Mejai et Mehdi Dahmane qui, au bout du compte, ont été choisis.

Conclusion

Un film peut être à la fois intéressant par son sujet et sa conception tout en n’étant pas, pour un cinéphile, aussi convaincant que souhaité. C’est le cas de A genoux les gars, un film qui, par ailleurs, pose une question dont on aura bientôt la réponse : quel public va-t-il rencontrer ? Son public naturel est manifestement celui des jeunes filles et des jeunes gens, issu.e.s ou non des banlieues, et son impact sur cette population peut se révéler positif. Mais y aura-t-il une telle rencontre ?

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