Critique : Il était une fois dans l’Ouest

0
3395

Il était une fois dans l’ouest

Italie, États-Unis : 1968
Titre original : C’era una volta il West
Réalisation : Sergio Leone
Scénario : Bertolucci, Argento, Leone, Donati
Acteurs : Claudia Cardinale, Charles Bronson, Henry Fonda
Distribution : Splendor Films
Durée : 2h45
Genre : Western
Date de sortie cinéma : 27 août 1969

5/5

L’exposition Sergio Leone à la Cinémathèque Française a ouvert ses portes ce mercredi 10 octobre. Une exposition qui n’est pas seulement l’occasion de se plonger dans la vie du cinéaste italien ou d’acheter une réplique du poncho de Clint Eastwood à la librairie de la fondation, mais aussi de voir ou revoir sur grand écran son œuvre. Une œuvre qui compte seulement une poignée de longs-métrages, mais plusieurs chefs-d’œuvre …

Qu’est-ce qui n’a pas encore été dit sur Il était une fois dans l’ouest ? Monolithe du cinéma, allant jusqu’à symboliser le genre auquel il rend hommage, le quatrième et dernier western de Sergio Leone fête ses cinquante ans. A l’instar d’un autre long-métrage cinquantenaire cette année, 2001 l’odyssée de l’espace, il n’a pas pris une ride, et semble gravé pour l’éternité dans le marbre dans grands œuvres.

Revoir Il était une fois dans l’ouest, sur grand écran qui plus est, c’est (tout comme le film de Kubrick) se trouver encore surpris par un film qu’on pensait pourtant connaître. Le considérer comme assez classique dans une période contestataire serait peut-être un raccourci trop facile. Il raconte certes un des grands mythes fondateurs, si ce n’est le grand mythe fondateur des Etats-Unis : celui du chemin de fer qui repousse toujours plus les frontières, s’enfonçant dans l’ouest lointain pour atteindre l’océan.  Pour autant, pas de glorification facile dans l’impression de la légende : la Destinée Manifeste n’est pas l’œuvre de courageux soldats / fermiers luttant pour la « civilisation », mais celle de personnages de mauvaise vie. Même la pourtant rayonnante Jill, incarnée par Claudia Cardinale, est souvent rappelée à sa condition de prostituée de la Nouvelle-Orléans par ceux qui s’opposent à elle – ce qui ne l’empêchera pas de s’imposer comme le plus fort protagoniste du film. Plus que des personnages, ceux qu’on croise dans Il était une fois dans l’ouest – comme dans les autres films de Leone – sont de véritables « gueules », des hommes parfois affreux, parfois sales, parfois méchants. Ce qui n’empêche pas Sergio Leone de leur vouer une certaine admiration : au final, le plus mauvais bougre du récit, c’est l’homme en apparence le plus respectable. Un entrepreneur qui rêve de voir l’océan, et que le cinéaste semble ravi de faire expier dans une flaque de boue.

Chose que l’auteur de ces lignes n’avait jamais remarqué, pourtant flagrante : on retrouve au cœur d’il était une fois dans l’ouest un bon (Harmonica / Charles Bronson), une brute (Cheyenne / Jason Robards), et un truand (Frank / Henry Fonda), avec en plus un personnage auquel de tout tourne – Jill. Si, au contraire du film précédent, chacun reste dans sa catégorie, les protagonistes sont pourtant encore plus attachants. L’humanité de Cheyenne en particulier frappe le spectateur : en apparence le moins respectable, l’évolution de sa relation avec Harmonica et Jill est poignante. L’emploi d’Henry Fonda, terrifiant et fascinant à la fois, nous rappelle aussi que le film est parcouru d’innombrables références. Il était une fois dans l’ouest est en effet conçu comme un grand hommage au genre préféré de Sergio Leone, élaboré à huit mains par – excusez du peu ! – Leone, Bernardo Bertolucci, Dario Argento et Sergio Donati. Enfin, Harmonica, homme sans nom, aurait sûrement pu être joué par Clint Eastwood, mais le fait qu’il soit campé par Charles Bronson permet au film de se détacher de la « trilogie du dollar » (bien que les trois films n’aient pas vraiment de lien autre que l’archétype du Man with no name et de ses acteurs), s’affirmant comme un bloc indépassable.

Tout le reste, il semble presque inutile de le rappeler. Visuellement, on atteint des sommets, mêlant plans cadrés à la perfection et photo au diapason : incroyable de voir à quel point les yeux bleus d’Henry Fonda ressortent, entre mille exemples (regret minime : dommage que la copie présentée à la cinémathèque soit numérique, et non pas argentique) ! Il est intéressant de se rendre compte qu’un film établi depuis 50 ans comme une référence visuelle est lui-même nourri de références, comme expliqué précédemment pour l’aspect scénaristique. Si par exemple le point de vue subjectif partant d’un cercueil est maintes fois repris (chez Tarantino pour citer le plus célébré), Leone rend plusieurs fois hommage au célèbre plan « de la porte » dans La prisonnière du désert : lors des premières images d’une introduction légendaire, mais aussi lors de l’assassinat de la famille McBain. Enfin, musicalement, il s’agit bien entendu d’un véritable caviar auditif, et la musique d’Ennio Morricone a beau avoir été réutilisée dans les contextes les plus incongrus, de la publicité à la télévision, chaque scène où retenti l’harmonica ou le thème principal provoquera des frissons, même chez le moins réceptif des spectateurs (en tout cas, on l’espère !)

Il était une fois dans l’ouest : indémodable fresque, qui telle une locomotive semble avancer sans s’arrêter pour trois heures qui passent comme un songe. Sergio Leone joue avec le temps, le ralentit et l’accélère, pour en fin de compte s’inscrire dans l’Histoire tout en narrant celle d’un mythe. Un mythe parfois comique et parfois tragique, magnifique récit qui laisse derrière lui une trace indélébile, et quelques notes d’harmonica …

LAISSER UN COMMENTAIRE

S'il vous plaît entrez votre commentaire!
S'il vous plaît entrez votre nom ici