Cannes 2018, carnet de bord, huitième partie et fin

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Dernier petit tour d’horizon quasi quotidien des quelques films visionnés à Cannes, avec un film de la compétition (le dernier), une curiosité de la Quinzaine et le film de clôture.

Retour du grand habitué de cette édition avec Le Poirier sauvage (3/5) dernier long-métrage (eh oui, déjà) découvert cette année en compétition. Palme d’Or en 2014 avec Winter Sleep, le turc Nuri Bilge Ceylan a également remporté le Grand Prix avec Uzak en 2003 et Il était une fois en Anatolie en 2011, ainsi que le prix de la mise en scène pour Les trois singes en 2008. Ici, il s’intéresse à la vie d’un jeune homme, Sinan, qui hésite entre devenir enseignant et écrivain mais le livre qu’il a écrit ne trouve pas d’éditeur. Il rentre dans son village natal après avoir achevé ses études et retrouve son père, un joueur compulsif endetté. Le film est construit autour de longs dialogues mais il s’agit tout d’une déclaration d’affection entre un père et son fils qui peinent à comprendre qu’ils sont plus proches qu’ils ne le pensent. Les longues discussions du jeune homme avec son amie d’enfance, deux imams ou un écrivain reconnu permettent de belles réflexions sur l’amour, l’art, la religion, l’argent et les relations humaines. Le réalisateur dévoile l’air de rien ses pensées sur l’état de son pays, les propos échangés dévoilant une société apte à juger rapidement ses composantes les plus fragiles.

Le film le plus space de cette édition restera certainement Mandy de Panos Cosmatos (3/5) (Quinzaine), délire psychédélique avec Nicolas Cage en tête d’affiche dans une prestation démente qui rappelle parfois ses incursions dans le pire du cinéma Z mais surtout dans le déjà très bizarre Bad Lieutenant New Orleans de Werner Herzog. Son réalisateur et lui-même dépassent ici le statut de simple film de vengeance (Zzzzzz) que Mandy aurait pu être. L’action se déroule en 1983. Red Miller et Mandy Bloom mènent une existence paisible dans leur maison isolée mais ils sont soudain la cible d’une secte sadique. Red va perdre les pédales (notamment en colète car on a sali son tee shirt préféré) et partir dans une quête de vengeance. La première moitié prend son temps, mais la suite va nous embarquer dans un étonnant voyage baroque, avec de superbes trouvailles visuelles et un acteur à la puissance inattendue dans la représentation d’une certaine folie. La musique du regretté Jóhann Jóhannsson nous emplit de bonheur par sa force évocatrice sur des images, très colorées, qui ne le sont pas moins. Un étrange moment de cinéma, dont on se demande s’il pourra sortir en salles, tant il ne semble pas entrer dans la moindre case !

On eût aimé que le nouveau Terry Gilliam fût aussi barré, hélas ce ne fut pas le cas… En gestation depuis plusieurs années, L’Homme qui tua Don Quichotte (2/5) est le projet maudit de son auteur, enfin venu au monde «après 25 ans de dure besogne et de foire d’empoigne» comme le proclame le générique ironique. Après l’échec d’une version avec Jean Rochefort retracé dans le documentaire Lost in La Mancha, on n’y croyait plus mais voilà, ça y est, Terry Gilliam a enfin réalisé son rêve d’adapter librement Cervantes. Dix ans après avoir dirigé un film sur Don Quichotte, Toby revient sur les lieux du tournage pour une publicité où il reprend la charge contre les moulins par le chevalier à la triste figure. Il retrouve les villageois dont il a changé la vie pour le pire, dont Javier, un cordonnier à qui il avait donné le rôle-titre à l’époque. Gilliam mêle avec gourmandise plusieurs niveaux de réalité, entre cauchemars éveillés et réalités relatives s’entrechoquant avec fracas. Cette mise en abyme de sa propre obsession le rapproche de la perte de repères de Don Quichotte. L’imaginaire de Gilliam fourmille toujours autant d’idées et il sait se faire dramatique lorsque les personnages sont confrontés à leurs échecs et à leur vieillissement. L’intrigue s’éparpille très vite malgré les excellents Jonathan Pryce et Adam Driver et le temps s’écoule hélas bien lentement en leur compagnie. On ressent alors que ce projet rêvé de l’ex Monty Python n’aurait pas du voir le jour, aussi triste que cela soit d’écrire ce commentaire, comme s’il avait déjà fait ce film trop de fois, autant dans sa tête que dans d’autres œuvres, ne citons que Les aventures du Baron de Munchhausen déjà truffé de références à cette histoire.

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