Critique : Cake

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Cake

Etats-Unis, 2014
Titre original : Cake
Réalisateur : Daniel Barnz
Scénario : Patrick Tobin
Acteurs : Jennifer Aniston, Adriana Barraza, Anna Kendrick, Sam Worthington
Distribution : Warner Bros.
Durée : 1h42
Genre : Drame
Date de sortie : 8 avril 2015

Note : 2,5/5

Jennifer Aniston souffre beaucoup dans le rôle, qui aurait dû lui garantir la consécration en tant qu’actrice dramatique. Le problème, c’est que son interprétation relève précisément du numéro d’acteur, appliqué et sérieux, mais en même temps calculé jusqu’à la moindre larme près et par conséquent nullement naturel. A cause de ce jeu trop conscient de lui-même, le destin de cette femme meurtrie dans l’âme et dans le corps nous importe peu. Son pessimisme dépressif suscite presque chez nous l’envie morbide de voir tôt ou tard son malheur culminer dans la tragédie suicidaire. Cela aurait au moins fourni un dénouement grandiloquent de toute beauté à ce film aux enjeux ennuyeusement minimalistes. Au moins, les personnages secondaires qui gravitent autour de la héroïne moribonde nous donnent un peu plus envie de suivre l’histoire, grâce à leur courage plus manifeste de faire face à une situation désespérante.

Synopsis : Depuis un accident, l’ancienne avocate Claire Bennett est sans cesse tourmentée par des douleurs chroniques. Incapable d’exercer son métier et de maintenir son couple, elle s’est enfermée dans un état permanent de colère, que seule sa femme de ménage mexicaine Silvana ose affronter. Même sa participation à un groupe de soutien de femmes aussi accablées qu’elle par leur détresse médicale se solde par un échec, après que Claire a volontairement torpillé la séance de souvenir à l’honneur de Nina Collins, une trentenaire qui a préféré se jeter d’un pont plutôt que de continuer à vivre avec la douleur. Or, le sort de cette jeune femme ne lâche plus Claire, qui va jusqu’à prendre contact avec le veuf Roy.

Comment ça va bien ?

Le signe principal qui distingue Cake d’une multitude de drames de maladie semblables est que la condition de Claire n’évolue guère au fil du récit. Elle va mal, très mal, et rien, ni personne ne pourra la dissuader de se lamenter sur son désespoir profond. Le scénario reste ainsi fidèle à la monotonie lénifiante qui caractérise le quotidien de cette droguée aux antidouleurs, quitte à faire l’impasse pas sans mérite sur une ascension volontariste qui se solderait par une inévitable reprise de goût à la vie. Les victoires, comme les revers, se jouent dans un espace réduit ici, en raison du nihilisme qui dicte les moindres faits et gestes du personnage principal. On pourrait y voir un constat plutôt réaliste sur la perte irrévocable en termes de qualité de vie, qui rend l’existence infernale, en dépit de l’aisance matérielle dont Claire jouit visiblement. Ou bien, ce handicap larvé n’est qu’un prétexte comme un autre pour permettre à Jennifer Aniston de parcourir l’échelle entière des émotions d’une façon particulièrement machinale.

Bonne mère, bonne mère !

Si l’histoire s’était contentée d’explorer la morosité d’une femme qui s’est elle-même coupée du monde, le quatrième film du réalisateur Daniel Barnz aurait peut-être été plus terne, mais certainement plus crédible. Car quand nous évoquions plus haut le contrepoids fourni par la vivacité toute relative des personnages secondaires, nous pensions à tous, sauf à celui interprété par Anna Kendrick, qui introduit une note surnaturelle horriblement maladroite et surfaite. Claire obsédée par la disparition brutale de cette compagne de calvaire, qu’elle connaissait sans doute à peine, aurait déjà suffi à rendre le ton du film passablement malsain. Le fait que cette obsession s’exprime à travers un dialogue d’outre-tombe, avec des apparitions récurrentes du fantôme de Nina qui invite son interlocutrice obnubilée par les médicaments à suivre son exemple extrême, rend la narration définitivement bancale. Hélas, les bonnes ondes émises par les interprétations plus sincères de Adriana Barraza et surtout de Sam Worthington n’ont alors que peu d’incidence sur le cours d’une histoire, qui sent à plein nez la manipulation tendancieuse, quoique peu adroite, du spectateur.

Conclusion

Un des rares enjeux mélodramatiques de la saison des Oscars passée était de savoir si, oui ou non, Jennifer Aniston allait enfin être prise au sérieux en tant qu’actrice et si la force féroce avec laquelle elle avait promu son film aux Etats-Unis allait être rémunérée par une nomination dans la catégorie de la Meilleure actrice. Tandis que les votants de certains prix précurseurs sont tombés dans le panier de cette tragédie de pacotille, les membres de l’Académie du cinéma américain ont su se montrer pour une fois plus perspicaces. Au moins, tout ce suspense éphémère et le buzz qu’il a engendré auront permis à Cake de sortir au cinéma en France. Nous saluons cette initiative, malgré la qualité point exceptionnelle de cette histoire. Car cette dernière a tendance à nous foutre le cafard, aussi parce qu’elle passe misérablement à côté de l’opportunité d’explorer d’une manière saisissante, d’un point de vue cinématographique, l’humanité sans fard de ses personnages.

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