Critique : Bis

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Bis

France, 2014
Titre original : –
Réalisateur : Dominique Farrugia
Scénario : Dominique Farrugia, Nans Delgado et Frédéric Hazan
Acteurs : Franck Dubosc, Kad Merad, Alexandra Lamy
Distribution : Europa Corp
Durée : 1h42
Genre : Comédie fantastique
Date de sortie : 18 février 2015

Note : 2,5/5

Franck Dubosc et Kad Merad réunis dans le même film, cela ne peut donner rien de bon ! Notre appréhension ne résulte pas tant d’un a priori général à l’égard de la comédie populaire française, mais de l’absence d’évolution de la carrière de ces deux acteurs, qui paraissent incapables de transgresser les limites rigides des personnages caricaturaux grâce auxquels ils ont fait fortune. Dubosc, le bon vivant un brin libidineux, et Merad, le bon bougre qui se démène comme il le peut dans son existence de souffre-douleur, représentent certes une sorte de pilier du genre. Mais leurs frasques finissent rapidement par lasser, faute d’un quelconque renouvellement de leur registre. L’espoir de voir quelque chose d’à peu près frais s’estompe ainsi sans tarder face à cette comédie, qui recycle de surcroît bon nombre de dispositifs éculés du fantastique.

Synopsis : Les amis Eric et Patrice n’en peuvent plus de leurs vies respectives. Tandis que le premier croule sous les dettes et regrette de ne pas avoir été plus fidèle à son ex-femme, le deuxième est de plus en plus agacé par son travail de gynécologue et par sa vie de famille. Au bout d’une soirée bien arrosée à la maison de campagne des parents de Patrice, les deux amis descendent à la cave pour aller chercher une autre bouteille de vin. Ils font alors une chute vertigineuse dans l’escalier et se retrouvent le lendemain matin écroulés au sous-sol, nus comme des vers. A leur grande surprise, c’est l’année 1986, les derniers jours avant l’annonce des résultats du bac. Incapables de retourner dans le présent, Eric et Patrice revivront cette époque charnière de leurs vies, y compris leurs premières amours, tout en sachant ce qui les attend et en essayant de changer dès lors leur avenir.

Redoublement

La prémisse de Bis vous paraît familière ? Strictement rien d’étonnant à cela, puisque la même histoire, à quelques menus détails près, avait déjà vu la lumière du projecteur en France il y a peu de temps, lorsque elle s’appelait Camille redouble de Noémie Lvovsky, et aux Etats-Unis à peu près à la même époque que celle qui est évoquée ici à travers Peggy Sue s’est mariée de Francis Ford Coppola. Nous ne citons là que les exemples les plus connus d’un voyage dans le temps, qui nourrit cependant depuis des décennies, voire depuis des siècles, l’imagination des conteurs fantastiques. Le film de Dominique Farrugia ne semble guère pressé pour y arriver, puisqu’il nous laisse même entr’apercevoir la possibilité d’une figure classique complémentaire du genre : l’échange de deux vies diamétralement opposées, comme dans Echange standard de David Dobkin où Ryan Reynolds et Jason Bateman y parvenaient malgré eux après avoir uriné dans une fontaine. Le contexte du saut miraculeux n’est point plus ingénieux dans le cas présent, au détail près que les deux voyageurs perdent chaque fois leurs habits, ce qui réconforte le penchant à l’exhibitionnisme de Franck Dubosc, mais pas forcément l’œil délicat des spectateurs, masculins et féminins.

Retour à la réalité

Une fois la transition effectuée, le scénario ne sait pas non plus trop quoi faire d’original de ce décalage. Les deux amis entreprennent certes toutes sortes d’opérations pour tirer profit de leur savoir en avance sur leur temps d’une trentaine d’années et l’on tient là les séquences les plus amusantes du film, de Eddie Barclay à Claude Berri, en passant par Zidane. Mais dans l’ensemble, cette mise en abîme se limite à quelques observations inoffensives sur l’évolution des moyens de communication et du langage. On peut également y constater un certain manque de moyens, jamais plus flagrant que lors de la brève séquence animée quand les revenants découvrent Paris, version milieu des années 1980. Si le propos du film pendant sa période rétro n’avait déjà rien de révolutionnaire, il devient carrément consensuel, dès lors que les deux amis se rendent compte de la chance qu’ils ont eue en revenant au présent. Finies les légères transgressions au statu quo petit-bourgeois et plus aucune trace du ras-le-bol face à une existence terne et épuisante : le message réactionnaire que véhicule le film en fin de compte risquerait presque d’anéantir le peu de valeur divertissante dont il dispose.

Conclusion

En allant voir ce film, presque par hasard en avant-première, nous savions pertinemment à quoi nous attendre. Disons que Bis ne nous a pas vraiment déçus de ce point de vue-là, puisque c’est un film fidèle à la réputation et au talent des comédiens qui le font vivre d’une façon un peu trop poussive. Inutile d’y chercher quelque originalité que ce soit, puisque l’intrigue en elle-même en manque cruellement. La mise en scène serviable de Dominique Farrugia lui évite cependant d’être un navet cinématographique infect.

1 COMMENTAIRE

  1. Bon en effet, ce sixième long-métrage réalisé par Dominique Farrugia (une filmographie d’auteur dont on ne retient que le premier, Delphine 1 – Yvan 0) est particulièrement paresseux dans son approche du saut dans le temps à effets comiques. La séquence animée est d’autant plus cheap qu’elle parvient à être erronée. Je vous parle d’un temps que les moins de vingt ans ne peuvent pas connaître mais ceux qui sont suffisamment âgés pour se souvenir de la période se souviendront que Chocolat et La Vie est un long fleuve tranquille, les premiers films de Claire Denis et Étienne Chatiliez, dont les affiches apparaissent à l’écran, sont sortis en 1988 et non pas en 1986, année où est censée se passer l’action ! Aucun changement au final, film pépère, convenu et pire, guère drôle, les meilleurs moments étant les passages cités dans la critique de Tobias. Sinon, on aura des relents de nostalgie avec les références au jus d’orange Tang, au logo du film du dimanche soir de TF1 et des cabines de téléphone avec cadran que l’on tourne laborieusement. Ça ne fait pas un film. 2/5

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