Back To The Past #27

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Amis cinéphiles, bienvenue ! Ton site préféré te propose les Madeleines de Proust de David : par moult souvenirs et autres petites anecdotes, notre rédacteur te racontera comment s’est forgée sa cinéphilie durant sa prime jeunesse, laquelle a considérablement évolué durant son adolescence et son entrée dans l’âge adulte.

Cela s’appelle « Back To The Past », et vous retrouverez un nouvel article tous les vendredis. Au programme cette semaine…

Ça y est ! En-fin ! La nouvelle de ce milieu d’année 2001 ! En feuilletant entre deux voyages en train les pages d’un quelconque mensuel de cinéma, quelque part dissimulée au milieu d’autres brèves plus ou moins intéressantes, une grande information nous est enfin révélée : l’annonce du tournage imminent du prochain film de Gaspar Noé !

Attendant cette information depuis fort longtemps, inutile de vous dire que mon sang ne fit qu’un tour et mon esprit se mit en joie à la lecture de ces quelques lignes. Gaspar Noé, Vincent Cassel, Albert Dupontel, film de vengeance ! C’était fait, j’étais déjà conquis, cela allait être le film que j’attendrai le plus en 2002 !

Cette attente fut d’autant plus amplifiée que la découverte du cinéma de Gaspar Noé avait été l’une des expériences les plus marquées de ces derniers mois. Tout commença par un double programme proposé par feu (si, si) Canal +, dans la case hebdomadaire du critique/réalisateur Nicolas Boukhrief, « Mon ciné-club », abritant tous les lundi soirs en deuxième partie de soirée un cocktail de films de patrimoine européens et de films d’auteurs enthousiasmants à découvrir ; cela fut l’occasion pour les abonnés et chanceux de découvrir entre autres Wong Kar-Wai, Tsui Hark… et le tandem Noé-Lucile Hadzihalilovic, à travers deux moyen-métrages, La Bouche de Jean-Pierre, conte morbide sur une jeune fille aux prises avec le compagnon aux tendances incestueuses de sa tante, et surtout le plus ancien Carne, véritable film-choc de 38 minutes mettant en scène un boucher chevalin et sa fille dans la banlieue parisienne des années 1980. Ce dernier est une véritable révélation pour votre serviteur, permettant de faire la connaissance d’un metteur en scène hors normes au sein du cinéma francophone, et surtout d’un acteur dont je n’avais jamais appris l’existence et bouffant littéralement l’écran de sa présence : Philippe Nahon.

Le même Philippe Nahon que je retrouverai, quelques mois plus tard, lors des nouvelles télévisées consacrées au Festival de Cannes 1998, où j’apprends qu’est sélectionnée à la Semaine de la Critique (section parallèle du Festival consacrée aux premiers films et ayant révélée bon nombre de grands metteurs en scènes tels Alejandro Gonzalez Inarritu, Guillermo Del Toro, ou encore Jeff Nichols) le premier long-métrage de Noé ET suite de Carne : Seul contre tous. Découvert plusieurs mois plus tard, le film est de nouveau une véritable claque dans la gueule, étouffante et malsaine à la fois, toujours emmenée par une interprétation légendaire de sa tête d’affiche, Philippe Nahon, acteur que je retrouverai plus tard dans d’autres films tels Haute Tension d’Alexandre Aja en 2003, ou Calvaire de Fabrice Du Welz en 2005.

Mai 2002 : je suis hypé (comme disent les jeunes) comme un malade ! Après son tournage rapide durant l’été 2001 suivi de plusieurs mois de post-production, l’attente se termina : le prochain film de Gaspar Noé sera présenté en compétition officielle du Festival de Cannes, présidé cette année-là par David Lynch, lequel m’a tourneboulé les esprits avec son fascinant et inoubliable Mulholland Drive et, bonheur et joie ultimes, le film sort en salles… le jour de sa projection cannoise ! Il sera alors proposé dans les cinémas de France et de Navarre en même temps que la petite sauterie annuelle de la Côte d’Azur ! L’attente est insurmontable, je suis excité telle une puce ou une demoiselle la veille du jour des soldes !

En attendant, toute la presse, qu’elle soit généraliste ou consacrée au cinéma, fait ses choux gras et pond des articles sensationnels sur ce qui s’annonce comme l’événement cannois de 2002, voire le film français le plus commenté de l’année… Pensez-vous : Cannes, couple glamour à la ville comme à l’écran (Cassel-Bellucci), acteur connu pour ses rôles à contre-emploi (Dupontel), réalisateur « auteurisant » avec son propre univers (Noé), synopsis et premières images énigmatiques annonçant le moins possible sur le métrage, et sujet sulfureux (auto-vengeance et scène de viol en prime)… Bref, tout est là pour créer un bon scandale cannois semblable à La Grande Bouffe de Marco Ferreri en 1973 ou la remise de la Palme d’Or à Maurice Pialat pour Sous le soleil de Satan en 1987.

Et puis… Arrive le jour tant attendu : le vendredi 24 mai 2002, en deuxième partie de soirée, votre serviteur fonce vers le cinéma le plus proche et admire sur la devanture de ce dernier la superbe et mystérieuse affiche du film, avant de se précipiter vers la salle où va être enfin projeté le fameux baril de poudre cannois…

90 minutes plus tard, alors que les lumières se rallument brutalement après le dernier carton du générique, je ressors complètement tourneboulé par ce que je viens de voir ; nous sommes d’ailleurs dans le même état… Le film n’a certainement (sûrement ?) pas plu à tous ses spectateurs, mais demeure en salles une expérience forte, puissante, à vivre : entre la beauté de sa facture technique, son (double) générique, ses plans séquences virevoltants (au sens propre comme au sens figuré)… Tout comme son précédent film, le dernier bébé de Gaspar Noé provoque malaise (la scène de la boîte de nuit), dégoût (la scène du viol), et grande tristesse avec son « faux » happy end.

Bien évidemment, les critiques de l’époque vilipenderont le film et parleront de faux scandale, et surtout de film vide, qui cherche à provoquer pour provoquer, sans parler de ses qualités artistiques et techniques ; on aura l’habitude avec le cinéma de Gaspar… En attendant, le film a fait depuis le tour du monde, et est devenu l’un des films français les plus connus de ces dernières années, ayant marqué tous ses spectateurs et apportant un coup de projecteur sur l’un des metteurs en scène les plus originaux et singuliers du moment.

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