Albi 2017 : compétition de courts-métrages

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Changement de format en ce début de notre deuxième journée au 21ème Festival d’Albi, grâce à la compétition de courts-métrages, assemblée sous la supervision de l’association Cinéforum et en collaboration de pas moins de cinq collèges de la région. La présence du public scolaire s’est par ailleurs une fois de plus fait ressentir dans la salle bondée du Cinémovida, où a eu lieu la projection des huit courts annoncés, ainsi qu’en bonus celle d’un neuvième, hors compétition, Mlle Chocolat de Philippe Etienne.

Commençons donc par celui-ci pour faire part de notre rapport ambigu au format indiscutablement légitime du court-métrage. Obligés de n’être que des instantanés, là où leur grand frère long peut prendre tout son temps pour développer son raisonnement, les courts doivent relever le double défi de marquer les esprits presque immédiatement, tout en affichant une expertise technique susceptible de cacher quelques insuffisances budgétaires. Dans le cas de Mlle Chocolat, présenté par quelques membres de l’équipe, une classe d’élèves qui avait su impressionner les professionnels par le sérieux de leur travail selon leur professeur, nous sommes face à un compromis des plus honnêtes entre les exigences de la forme et du fond. L’intrigue n’est certes pas très sophistiquée, une adolescente doit battre une fille métisse à un jeu de cour de récré pour finalement prendre son parti lorsqu’elle se fait agresser par la meneuse de la bande, mais le style de la mise en scène est assez maîtrisé pour mener à bien cet exercice plaisant à regarder.

Des exercices, il s’en agit de même pour les trois ou quatre courts-métrages d’animation, qui ont su ponctuer cette programmation variée. Au détail près que, dans l’ensemble, le recours à l’animation numérique y a produit une esthétique un peu trop tape à l’œil. Si l’aspect visuel de ces courts n’est ainsi pas nécessairement déplaisant, il n’y en a aucun qui a réellement su insuffler un sens au delà du forfait générique dans ces pixels plus ou moins beaux. Le court collectif Blink sur un jeune qui doit transporter son violoncelle dans une petite voiture, au risque de sa vie dans une circulation étrangement déchaînée, emploie certes des effets spéciaux désormais abordables même pour les productions de fin d’année d’études, mais il risque sérieusement de tomber dans le piège très courant de l’idée unique, étirée trop longtemps pour cacher son minimalisme scénaristique. Dans Garden party de Florian Babikian, Vincent Bayou et Victor Clair, une bande de crapauds s’est donné rendez-vous dans une demeure luxueuse abandonnée, où ils s’adonnent à toutes sortes de veuleries. Là aussi, la prémisse pas sans mérite a un peu trop tendance à s’étirer, malgré le retour cyclique de certains amphibiens au comportement amusant, qui finissent par mettre cette résidence de mafieux, d’emblée criblée d’impacts de balles, encore plus sens dessus dessous.

Les deux autres courts d’animation sélectionnés au Festival d’Albi ont fait preuve d’un peu plus d’ambition sur le double tableau de critères d’appréciation que nous appliquons aux courts-métrages. Le seul reproche que l’on puisse faire à Poilus de Guillaume Auberval, Léa Dozouol et Simon Gomez est en effet son choix de remplacer les personnages humains, pris dans l’engrenage inhumain des tranchées de la Première Guerre mondiale, par des lapins, dans cette brève intrigue sur l’horreur de la guerre. Car en dehors de quelques jeux de mot pas vraiment à la hauteur des événements historiques, il n’y avait pas de quoi opérer une telle transposition dans le règne animal. Dans Sirocco de Romain Garcia, Kevin Tarpinian et Thomas Lopez-Massy, c’est au contraire un groupe de personnages humains, réunis sur une terrasse au bord de la mer, qui se fait descendre systématiquement. L’esthétique n’y est certes pas des plus belles, avec ce noir et blanc qui emprunte moins au genre vénérable du polar hollywoodien des années 1940 et ’50 qu’aux formes guère naturelles de certains Pixars, mais l’enchaînement des hasards meurtriers nous réserve un petit bain de sang pas sans malice.

Le premier et le dernier court du programme ont, quant a eux, su remplir plus que convenablement le contrat imposé par leurs genres respectifs. Présenté déjà au PIFFF en 2014, Puzzle de Rémy Rondeau est un joyau d’épouvante rondement mené, dans lequel un vieil homme, interprété par Philippe Laudenbach, est de plus en plus perturbé par un puzzle énigmatique trouvé sur le seuil de sa porte et toutes sortes d’autres manifestations fantastiques. En dehors d’une narration qui aménage savamment quelques brefs moments de frayeur, c’est surtout l’alternance implacable entre la routine journalière d’un vieillard solitaire et le déraillement progressif de cette mécanique du quotidien qui a su nous y intriguer. Pas le temps d’établir quelque effet d’habitude que ce soit toutefois dans Ojala de Marie-Stéphane Cattaneo, un court-métrage tourné avec un téléphone portable, qui pousse les limitations du format à l’extrême. L’odyssée probable d’un Mexicain, en partance pour la terre promise des États-Unis, y est résumée avec une rigueur radicale en à peine une minute : visite chez le coiffeur, douche, préparation du bagage, marche le long de la clôture au crépuscule, escalade du mur, fin. Comme quoi il existe bel et bien un moyen cinématographique de réduire tout le malheur de notre époque en un condensé de quelques images seulement.

Enfin, les pièces de résistance de cette sélection hétéroclite étaient sans aucun doute La Convention de Genève de Benoît Martin et Kapitalists de Pablo Muñoz Gomez. Dans le premier, une tentative de racket pour la somme plutôt dérisoire de quarante euros est le prétexte astucieux pour un portrait de groupe des plus savoureux. La dynamique au sein des deux camps opposés d’adolescents, tour à tour encouragés et calmés par deux filles en guise de chœur observateur, change en effet de fond en comble au fil d’une intrigue qui tire très joliment profit des traits particuliers, à peine caricaturaux mais au moins originaux, des personnages. Dans le deuxième, les enjeux sont deux fois plus importants, puisque un père de famille immigré en Belgique doit réunir une somme d’argent au moins deux fois plus importante, afin de pouvoir acheter le cadeau de Noël tant convoité par son fils : un cartable de marque. Même si le personnage principal n’adhère point à la frénésie commerciale avant les fêtes, il fait néanmoins tout son possible pour exaucer le vœu de son enfant, quitte à devoir affronter les névroses de l’administration belge et à accepter des offres d’emploi pour le moins cocasses.

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