Critique : Agents presque secrets

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Agents presque secrets

États-Unis, 2016
Titre original : Central Intelligence
Réalisateur : Rawson Marshall Thurber
Scénario : Ike Barinholtz, David Stassen, Rawson Marshall Thurber
Acteurs : Dwayne Johnson, Kevin Hart, Amy Ryan
Distribution : Universal Pictures International
Durée : 1h48
Genre : Comédie d’action
Date de sortie : 24 août 2016

Note : 3/5

Les acteurs Kevin Hart et Dwayne Johnson pratiquent chacun un style d’humour assez peu complémentaire. Tandis que le premier s’engage de préférence dans une surenchère de vannes hystériques, en référence très indirecte et toutes proportions gardées, puisqu’il s’agit d’une version au rabais, à l’énervement constant de Louis De Funès, le deuxième joue d’une manière distincte de son physique – incomparablement plus imposant – pour camper une sorte de bonhomme au penchant paternel, quoique pas toujours particulièrement futé ou à l’aise dans un environnement étranger. L’un comme l’autre a progressivement atteint les sommets du box-office américain et leur rencontre à l’écran n’était donc qu’une question de temps. C’est désormais chose faite grâce à Agents presque secrets, une comédie d’espionnage plaisante, dans laquelle les deux vedettes ont suffisamment arrondi les angles de leur fond de commerce respectif pour pouvoir travailler efficacement ensemble. Les nombreuses incohérences scénaristiques y sont contrebalancées par le traitement simpliste mais engagé d’un sujet plus que jamais d’actualité : le harcèlement à l’école.

Synopsis : Il y a vingt ans, au moment du bac, Calvin Joyner était l’élève le plus populaire de son lycée, celui à qui ses camarades prédisaient l’avenir le plus brillant. Or, son parcours professionnel n’a nullement justifié ces espérances depuis, puisqu’il travaille à présent comme comptable, sans espoir de faire encore carrière un jour. Alors que la réunion des anciens élèves approche, Calvin est contacté via les réseaux sociaux par un certain Bob Stone, qui est en fait Robbie Weirdicht, à l’époque la risée de toute l’école. Entre-temps, il est devenu un homme des plus séduisants, qui souhaite renouer avec Calvin, le seul à ne pas l’avoir ridiculisé lorsqu’il était encore gros et complexé. Les retrouvailles débouchent sur une aventure insensée, parce que Bob est devenu un agent de la CIA qui a besoin des services informatiques de son nouvel ami pour déjouer un complot.

Un ami qui vous veut du bien

La personne que nous étions à la fin de notre scolarité n’a généralement plus grand-chose à voir avec celle que nous sommes devenus au bout de dix, vingt ou trente ans. Retrouver ces hommes et ces femmes avec lesquels nous avons partagé pour le meilleur et pour le pire notre adolescence relève par conséquent de l’exercice nostalgique épineux, comme l’avait déjà souligné avec adresse Francis Ford Coppola dans Peggy Sue s’est mariée, où cette réunion sinistre était le point de départ du récit fantastique. Le retour vers un passé oublié sans le moindre regret s’opère différemment dans le film de Rawson Marshall Thurber, qui s’en sert pour un retournement de situation plutôt ingénieux, à défaut d’être original. Le héros d’antan est dorénavant le perdant et inversement, au détail près qu’une interdépendance perdure et que, surtout, on ne change jamais tout à fait qui on est. L’agent fringant a ainsi beau ne faire qu’une bouchée de quelques gros bras dans le bar où il a donné rendez-vous à son idole d’un autre temps, il a parallèlement préservé une personnalité en apparence collante et un goût cinématographique pour le moins douteux, qui chante sans arrêt les louanges de films aussi peu mémorables que Seize bougies pour Sam de John Hughes et Road house de Rowdy Herrington.

Le conte de la banane

Néanmoins, ces particularités de caractère pas toujours très nettes des personnages sont rapidement mis au service d’une intrigue policière sans temps mort, ni cohérence exceptionnelle. Car personne n’est parfait dans ce film dont la vocation principale est le divertissement, à commencer par des services secrets américains au fonctionnement amateur, en dépit de la sévérité magistrale de sa commandante interprétée avec aplomb par Amy Ryan. La narration a hélas un peu trop tendance à se perdre, en termes de rythme, dans les méandres d’une histoire pourtant dépourvue de complications notables. Les sous-entendus érotiques, en place dès l’affiche à double entente, ne lui sont alors d’aucun secours, en raison d’un ton largement inoffensif qui privilégie les blagues bon enfant à une relecture plus chaudement chargée du genre des aventures entre potes. Le symbole parfait de la nature intrinsèque de ce film sans envergure, mais pas honteux non plus, serait ainsi la banane, dans toute son innocence nutritive et ses modestes aspirations phalliques. Ce n’est certainement pas un hasard qu’elle apparaît à plusieurs reprises au fil de l’intrigue, soit dans sa forme naturelle en tant qu’arme de substitution ou ruse de diversion, soit comme signe vestimentaire d’une ringardise pleinement assumée, quoique guère détournée jusqu’au sommet de l’ironie.

Conclusion

Notre admiration de Dwayne Johnson dans toute sa gloire est directement proportionnelle à notre indifférence absolue à l’égard de Kevin Hart. En toute logique, leur collaboration devrait être pour nous une expérience mitigée, voire complètement bancale. A notre soulagement, Agents presque secrets remplit convenablement le contrat d’un film d’espionnage survolté, à mille lieues de la réalité sur le terrain. La nostalgie qu’il convoque est celle des films du même genre des années ’80, avec en bonus le traitement nullement grossier du sujet délicat du passage difficile à l’âge adulte pour les adolescents en panne de confiance et de reconnaissance.

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