FEFFS 2015 jour 8 : forêts noires

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The Survivalist

Après le résumé de la cinquième journée, nous passons évidemment à la sixième huitième car oui, ça se passe comme ça chez Critique-film, un saut dans le temps, un flash-forward avant de retourner dans le passé, on ne se refuse rien. Au programme du vendredi 25 septembre : Promenons-nous dans les bois pendant que le loups(-garous) et autres créatures pas très gentilles y sont ! La forêt reste toujours un lieu vecteur de mystère, de peur, de terreur dans le cinéma de genre, propice à l’effroi du froid de la nuit avec des menaces tapies dans l’ombre qui ne demandent qu’à en sortir, de derrière un arbre, de la pénombre, de plus en plus visible après être resté longtemps caché.

Survivons caché pour survivre pas heureux, tel pourrait être la devise désormais d’un jeune homme vivant seul dans une ferme miniature, cultivant de quoi se nourrir chichement dans The Survivalist (4/5). Dans ce monde post-apocalyptique réduit à une petite ferme cachée par la forêt verte, la chute de la civilisation est clairement et rapidement présentée lors d’un générique d’ouverture qui a le mérite de ne pas tourner autour du pot (genre générique final de La Planète des Singes : les origines de Rupert Wyatt, en plus fin). Dans ce nouveau monde, la nourriture est devenue un trésor que l’on se dispute ou pour lequel on peut tout sacrifier, notamment son humanité. L’arrivée inopinée d’une femme et de sa jeune fille change la donne dans sa vie isolée mais la méfiance est, à raison, de mise. Stephen Fingleton s’impose dès ce premier long-métrage comme un réalisateur doué, ce qui se voit notamment dans sa gestion de la durée de certaines séquences ou dans un plan magistral dans un champ lors d’une traque, fluide, s’admirant autant pour sa maestria pure que dans sa façon de renouveler le duel de «western» en évitant le traditionnel champ/contre-champ. Un premier long-métrage immersif porté par trois prestations magistrales dont celle de Martin McCann dans le rôle-titre.

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On enchaîne avec un autre long-métrage tourné en Irlande, mais dans un registre très différent. Amoureux du cinéma de monstre, des Chiens de paille ou de Evil Dead, Corin Hardy ne cache pas ses influences mais en fait quelque chose de très personnel avec The Hallow (3,5/5) sur lequel il est difficile de s’étendre sans spoiler le registre dans lequel il se situe. Un couple installé avec leur bébé depuis peu dans une demeure à la campagne, saisit trop tard les dangers de la forêt alentour. Qui les menace, ou quoi ? Après une exposition réduite à juste ce qu’il faut pour nous attacher à ses personnages, cet autre cinéaste venu du Royaume-Uni lui aussi très prometteur signe un film surprenant qui déjoue assez bien les attentes avec des effets spéciaux très réussis, et une menace qui ne l’est pas moins, cohérente et inquiétante, et bien expliquée, ce qui n’est pas si courant de nos jours.

Forêt toujours et encore avec Hurlements de Joe Dante (4/5) considéré comme l’autre grand film de loups-garous des années 80 avec Le Loup-Garou de Londres de John Landis qui s’achève sur un hurlement presque aussi glaçant que celui de Nancy Allen dans Blow out mais dont l’aspect terrifiant est (volontairement) amoindri par l’humour sarcastique de Joe Dante. Hurlements bénéficie clairement au scénario des interventions de John Sayles, considéré comme un script-docteur de génie avant de devenir un grand nom du cinéma indépendant américain (Lone Star, Brother). Les personnages sont invités à accepter l’animal qui est en eux et ils ne vont pas s’en priver, même si certains regrettent d’avoir retrouvé cette instinct primal ou de l’avoir conservé trop longtemps. Malgré l’esprit potache de Dante, le film est porté par une vraie douleur, autant chez les humains que chez les lycanthropes, certains ne supportant plus leur condition. La distribution de très haut niveau inclut notamment Patrick MacNee dans l’un de ses meilleurs rôles, la Scream Queen Dee Wallace et celui qui était alors son époux Christopher Stone (très beau couple ici), Kevin McCarthy en producteur télé cynique, Dick Miller en boutiquier râleur et Dennis Dugan qui fut un bon acteur avant de réaliser des films avec Adam Sandler. Mais celui qui nous émeut vraiment est John Carradine, Joe Dante scrutant son visage avec une affection évidente pour cette figure mythique du cinéma à qui il offre un très beau rôle, un personnage fatigué d’une vie bien trop longue. Chaque personnage (ou presque) porte le nom d’un réalisateur de films de loups-garou.

Avant de passer (en bref) à L’Esprit de la ruche de Victor Erice (5/5) dénonçons le manque de moyens du cinéma Le Star, qui semble ne posséder qu’une chanson à son catalogue, Le Poinçonneur des Lilas de Serge Gainsbourg que l’on entend en boucle entre deux classiques du fantastique. Même pas une version instrumentale. Non, la même version, sans fin, enfin au moins jusqu’au début du film. Je ne dénigre pas le talent de l’homme à la tête de chou mais ça fait un peu beaucoup… Retour au cinéma avec ce conte poétique, hommage à l’amour du cinéma, avec ces paracuellos qui s’extasient à la vue de bobines venues leur apporter des nouvelles du monde et les divertir, avec un hommage délicat à Frankenstein le temps d’une séquence magique qui se déroule dans… une forêt… Une critique feutrée du franquisme à travers le regard d’une petite fille jouée par Ana Torent, d’une douceur et d’une justesse rares pour les interprètes de son âge (10 ans à peine) mais aussi à travers le regard de son père, Fernando Fernan Gomez lui aussi bouleversant dans sa façon de communiquer avec sa fille, de tout dire par sa façon de l’observer, par leurs silences partagés. La très belle copie sert le très beau travail visuel d’un cinéaste trop rare, seulement trois longs-métrages entre 1973 et 1992.

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