Critique : Un frisson dans la nuit

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Un frisson dans la nuit afficheUn frisson dans la nuit

Etats-Unis, 1971
Titre original : Play Misty for Me
Réalisateur : Clint Eastwood
Scénario : Jo Heims, Dean Riesner
Acteurs : Clint Eastwood, Jessica Walter, Donna Mills, Don Siegel
Distribution : Splendor Films
Durée : 1 h 42
Genre : Thriller
Date de sortie : 11 février 2015 (première sortie : 2 janvier 1972)

Note : 4,5/5

Synopsis :  Un programmateur de disques de radio passe tous les jours, à la demande d’une auditrice, la chanson « Misty ». Un soir dans un bar, il rencontre une jeune femme, Evelyn. Elle lui avoue être l’auditrice. Une liaison plus qu’orageuse s’annonce.

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C’est à l’âge de 40 ans que Clint Eastwood est arrivé à concrétiser ce qu’il avait en tête depuis déjà plusieurs années : se lancer dans la réalisation. Universal ayant acquis les droits du scénario de Play Misty For Me, Clint Eastwood s’est proposé en tant que réalisateur. Banco, a répondu le studio, à 2 conditions : vous serez la vedette du film et vous renoncez à votre cachet de réalisateur. En septembre 1970, Clint commençait à tourner Un frisson dans la nuit, les prémices d’une grande carrière de réalisateur.

Quelques mots suffisent

La qualité d’un film se juge-t-elle au nombre de mots qui sont nécessaires pour en écrire le résumé ? Bien évidemment, non ! Un frisson dans la nuit est un exemple parfait d’un grand film qui se résume en 19 mots : un disc-jockey pas très fidèle est harcelé par une groupie psychotique alors qu’il cherche à reconquérir une ex. En fait, c’est même faire preuve de générosité que d’arriver à 19 mots, le « pas très fidèle » étant utile mais pas indispensable. Quant au caractère psychotique de la groupie, il n’apparaît que progressivement et c’est justement ce qui fait la grande force du film : échapper petit à petit à une atmosphère de bluette romantique pour se transformer en film baignant dans une angoisse poisseuse, avec de petits clins d’œil à l’œuvre d’Alfred Hitchcock. Au moment de la sortie du film, le 2 janvier 1972 dans notre pays, on ne le savait pas encore : Clint Eastwood, connu jusqu’alors pour ses prestations en tant qu’acteur dans de nombreux films d’action (westerns, films de guerre, thrillers), va devenir un des plus grands réalisateurs de son époque, un réalisateur à la fois inventif et « classieux ». On ne le savait pas encore, mais, à la vision de Un frisson dans la nuit, on pouvait le deviner.
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Des décors naturels

Plutôt que de privilégier un tournage dans les studios hollywoodiens, Clint Eastwood a choisi de réaliser tout son film dans des décors réels, dans un endroit qu’il connaît bien, au sud de San Francisco, entre Monterey et Big Sur. Une côte rocheuse, escarpée, parsemée de maisons dont le caractère isolé aide à alimenter le suspense. Entre Monterey et Big Sur, une localité, Carmel-by-the-Sea, dont Clint Eastwood sera le maire de 1986 à 1988. Carmel, dont la station de radio qui emploie le disc-jockey nocturne interprété par Clint Eastwod existe réellement, sous le même nom que dans le film : KRML. Monterey, dont le restaurant « The Sardine Factory », dans lequel Eastwood a tourné, existe toujours. La beauté de la côte californienne que Clint Eastwood met en valeur au mitan du film, en accompagnant Dave (Clint Eastwood) et Tobie, son ex reconquise (Donna Mills), dans une ballade romantique sur fond de « The First Time Ever I Saw Your Face », chanson écrite par le britannique Ewan MacColl, objet de plus 100 reprises, dont celle de Roberta Flack qu’on entend ici. Une scène destinée à faire baisser la tension entre deux séries de scènes haletantes, suivie, dans la même optique, par un passage au Festival de Jazz de Monterey, édition 1970  : dès sa première réalisation, Clint Eastwood tenait à montrer son amour pour la musique et, plus particulièrement, pour le jazz. Pendant quelques minutes, le film devient un véritable documentaire avec la prestation du groupe de Johnny Otis interprétant « Willie and the Handjive » et celle du saxophoniste Cannonball Adderley et du pianiste Joe Zawinul. C’est cette façon particulièrement habile de faire monter petit à petit la tension jusqu’au paroxysme, puis de la faire redescendre pour repartir de plus belle, qui fait la grande force du film. Certes, c’est classique, mais c’est ici particulièrement réussi.

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Une équipe solide pour épauler Clint Eastwood

Aux côtés de Clint Eastwood, le rôle d’Evelyn, la groupie psychotique, est tenu par Jessica Walter, qui connut là le sommet de sa carrière. Arrivant à passer en une fraction de seconde d’une apparence de femme normale à celle d’une furie haineuse et déchaînée, elle est remarquable. Donna Mills, qui joue Tobie, est plus connue à la télévision qu’au cinéma. Son rôle est moins difficile à interpréter que celui de Jessica Walter, mais elle sait y montrer le mélange d’innocence et d’obstination qu’il demande. Par ailleurs, Clint Eastwood a fait appel à un metteur en scène réputé pour interpréter le rôle de Murphy, un barman ami de Dave : Don Siegel, avec lequel Clint Eastwood venait de tourner 3 films. Dans 2 de ces films, Bruce Surtees était Directeur de la Photographie et Carl Pingitore le monteur. Clint avait vu qu’ils travaillaient vite et bien : il a jugé opportun de s’en entourer.

Résumé

En 43 ans, contrairement à son réalisateur et interprète, Un frisson dans la nuit n’a pas pris une ride. On dit trop souvent qu’il a fallu attendre 1988 et Bird pour que Clint Eastwood soit enfin reconnu comme un grand metteur en scène de cinéma. C’est vraiment faire peu de cas de véritables chefs d’œuvre comme Un frisson dans la nuit et Honky-Tonk Man ! Un frisson dans la nuit ressort en salles : il faut s’y précipiter.

 

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