Test DVD : Floride

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Floride

floride dvdFrance : 2015

Titre original : –
Réalisateur : Philippe Le Guay
Scénario : Philippe Le Guay, Jérôme Tonnerre d’après l’œuvre de Florian Zeller
Acteurs : Jean Rochefort, Sandrine Kiberlain, Anamaria Marinca, Laurent Lucas
Éditeur : Gaumont
Durée : 1h45
Genre : Comédie dramatique
Date de sortie cinéma : 12 août 2015
Date de sortie DVD : 13 janvier 2016

 

A 80 ans, Claude Lherminier n’a rien perdu de sa prestance. Mais il lui arrive de plus en plus souvent d’avoir des oublis, des accès de confusion. Un état qu’il se refuse obstinément à admettre. Carole, sa fille aînée, mène un combat de tous les instants pour qu’il ne soit pas livré à lui-même. Sur un coup de tête, Claude décide de s’envoler pour la Floride. Qu’y a-t-il derrière ce voyage si soudain ?

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Le film

[3.5/5]

L’adaptation au cinéma d’un grand succès du théâtre contemporain est rarement un exercice facile, la meilleure preuve étant cette expression à caractère péjoratif qu’on entend souvent, même pour des films au scénario original : « c’est (ou dirait que c’est) du théâtre filmé ». « Le père » est une pièce de Florian Zeller qui a rencontré récemment un énorme succès, avec Robert Hirsch dans le rôle d’André, un vieil homme qui perd la boule du fait de ce qui ressemble fort à un Alzheimer et Isabelle Gélinas, puis Florence Pernel, dans le rôle d’Anne, sa fille, qui, avec beaucoup d’amour, prend grand soin de lui malgré les problèmes qu’il lui cause. C’est cette pièce que Philippe Le Guay a décidé de porter à l’écran, sur un scénario qu’il a écrit avec Jérôme Tonnerre. Le moins que l’on puisse dire, c’est que cette adaptation n’a pas du tout l’odeur de renfermé que peut avoir parfois ce fameux « théâtre filmé ». En transportant le cadre dans une belle demeure sise au bord du lac d’Annecy, en nous emmenant dans l’usine qu’a dirigée Claude (André a changé de prénom!) et que dirige dorénavant Carole (Anne, aussi, a changé de prénom), en nous faisant visiter Annecy et ses environs et, surtout, en se payant le luxe d’un voyage de Claude vers la Floride, voyage réel ou rêvé par le personnage, mais, à coup sûr, bien présent dans le film, Tonnerre et Le Guay arrivent à faire totalement oublier l’origine théâtrale de l’intrigue. Par contre, on retrouve bien sûr dans le film la peinture de la relation entre ce père et sa fille, ce père qui perd la mémoire tout en étalant, selon les moments, une nature avenante ou, au contraire, des formes de cruauté, pas forcément conscientes, envers son entourage et, tout particulièrement, envers sa fille. D’ailleurs, cette perte de la mémoire, qui n’affecte en rien les souvenirs de son passé lointain, n’est-elle pas une forme de défense face l’énorme choc qu’a été pour lui la mort accidentelle de sa fille Alice, survenue quelques années auparavant en Floride ?

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Pour cette adaptation au cinéma d’une pièce où avaient brillé de grands comédiens, le choix des interprètes des deux rôles principaux était d’une importance capitale mais aussi très difficile. En optant pour Jean Rochefort et Sandrine Kiberlain, Philippe Le Guay ne s’est pas trompé tant ces deux acteurs semblent fait pour endosser les personnalités de Claude et de Carole. Avec cet air à la fois badin et charmeur qui est sa marque de fabrique, Jean Rochefort n’a pas eu à se forcer pour se mettre dans la peau d’un vieil homme qui, d’une certaine façon, retourne en enfance avec tout ce que cela représente d‘espièglerie mais aussi de méchanceté candide. Il n’a besoin de personne pour s’occuper de lui, du moins le pense-t-il, et il le fait bien sentir aux aide-ménagères successives qu’engage sa fille. Gare à celle qui essayera de lui faire boire un jus d’orange qui n’aurait pas été produit en Floride ! Cette Floride qu’il a sans cesse dans la tête, avec cet espoir qu’il ne cesse d’exprimer : que sa fille Alice soit présente près de lui lors de son prochain anniversaire. Face à Jean Rochefort, Sandrine Kiberlain est tout aussi magnifique dans le rôle de Carole : la sensibilité naturelle, le mélange de force et de fragilité qu’on a toujours sentis chez cette actrice lui permettent d’afficher toutes les facettes du personnage de Carole, cette fille qui aime son père et qui est coincée entre son désir de lui offrir une fin de vie qui soit la plus heureuse possible et celui de vivre sans entrave un amour naissant, une fille qui hésite entre le maintien de Claude à domicile et son placement dans une maison spécialisée, une fille, enfin, qui s’efforce de faire face sans broncher à la cruauté qu’on espère innocente de son père tout en se refusant à le mettre face à la vérité concernant le décès d’Alice. Aux cotés de Jean Rochefort et de Sandrine Kiberlain, on remarque particulièrement Anamaria Marinca, une fois de plus très juste dans le rôle d’Ivona, une aide-ménagère roumaine engagée par Carole, elle qu’on avait découverte dans 4 mois, 3 semaines, 2 jours, la Palme d’Or 2007 réalisée par Cristian Mungiu. Laurent Lucas  endosse ici un rôle assez différent des rôles plutôt inquiétants qu’il interprète le plus souvent : il est Thomas, le nouveau compagnon de Carole et il s’impatiente de ne pas voir partir Claude vers une maison spécialisée. Quant à Robin, le fils de Carole, son rôle est interprété par Clément Métayer, fils d’Alex et demi-frère d’Eric.

Et la réalisation, me direz vous ? En n’optant pas pour la facilité, Philippe Le Guay a pris des risques qui n’ont pas tous été récompensés. C’est ainsi que l’alternance des scènes de la vie de tous les jours à Annecy avec celles tournées dans l’avion qui conduit (rêve ? réalité ?) Claude à Miami ne manque pas de perturber le spectateur, surtout au début. Par contre, ce voyage à Miami donne droit à une scène magnifique, une des deux plus belles et plus fortes du film. Il y a aussi l' »histoire » de l’ancien meilleur ami de Claude, ancien ami qui vient de mourir et avec qui Claude était fâché suite à une entourloupe financière : histoire pas vraiment nécessaire même si elle montre un Claude très rancunier, ce qui permet de donner une preuve supplémentaire qu’il a conservé une très bonne mémoire de faits très anciens. Pas franchement nécessaires, non plus, les retours, heureusement assez courts, sur l’enfance de Claude. Désir du réalisateur de montrer que la vieillesse d’un homme a tendance à rejoindre sa jeunesse ? Par ailleurs, avec les aide-ménagères qui se succèdent, la première moitié de Floride n’évite pas certaines redondances, contrebalancées tout au long du film par le choix d’un certain nombre d’ellipses qui, elles, passent très bien. En résumé, une réalisation qui donne un film dont la première moitié parait un peu trop longue mais qui devient de plus en plus touchant et de plus en plus attachant. Et comme, bien souvent, c’est la toute fin d’un film qui imprime chez les spectateur l’impression générale qu’il va en garder, il y a de fortes chances pour que cette impression soit plutôt bonne.

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Le DVD

[5/5]

On aimerait que tous les DVD ressemblent à celui que Gaumont met ici entre nos mains. Il y a d’abord, et c’est bien sûr très important, l’excellent transfert du film sur cette petite galette, ce qui donne droit à une image pleine de lumière, avec un respect scrupuleux des couleurs, une gestion parfaite des contrastes et, d’une manière générale, beaucoup de naturel. Pas de problème non plus en ce qui concerne le son : il n’y a dans ce film aucune recherche d’effets particuliers dans ce domaine et le DVD se contente donc de respecter les dialogues et les bruits d’ambiance ; on ne lui en demandait pas plus ! Pour regarder et écouter le film, il parait difficile de demander plus que ce qui est proposé : tout d’abord, on peut choisir entre Dolby Digital 2.0 et Dolby Digital 5.1, avec ou sans audio description, avec sous-titres en français pour sourds et malentendants ou avec sous-titres en anglais ou sans aucun sous-titre. Mais il y a plus : la possibilité, si on le souhaite, de visionner l’ensemble du film avec le commentaire audio du réalisateur. Bien sûr, ce commentaire arrive parfois à gêner un peu l’écoute des dialogues mais quelle richesse quant à toutes ces explications concernant le film et les choix opérés et qu’on a ici directement de la bouche du réalisateur ! Les suppléments : d’une grande richesse également. Mis à part la bande annonce du film et le clip de la chanson « puisque vous partez en voyage » interprétée par Jean Rochefort et Sandrine Kiberlain, deux suppléments un peu anecdotiques, on a droit à un « making of » de 20 minutes et à 14 minutes de scènes coupées. Le « making of » se présente sous la forme d’un documentaire réalisé par Nicolas Brossette et intitulé Dans les coulisses de Floride, un petit film qui permet de retrouver le réalisateur et les acteurs principaux nous racontant leur perception du film et exprimant ce qu’ils pensent les uns des autres. Un « making of » très classique mais très bien fait et qui permet, entre autres, d’entendre Jean Rochefort proclamer que la plupart des acteurs ne savent pas se débrouiller avec la réalité et que la fiction, pour eux, représente une forme de refuge. « Nous sommes des incapables avec un don », rajoute-t-il. Quant aux scènes coupées, elles sont au nombre de 19 et, là aussi, on peut, si on le souhaite, les visionner en écoutant les commentaires du réalisateur qui exprime, sur chacune, les raisons qui l’ont poussé à ne pas conserver la scène en question. Voyez vous quelque chose qui manque dans ce très beau DVD ?

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