Critique : Seule la terre

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Seule la terre

Grande-Bretagne : 2017
Titre original : God’s Own Country
Réalisation : Francis Lee
Scénario : Francis Lee
Acteurs : Josh O’Connor, Alec Secareanu, Gemma Jones
Distribution : Pyramide Distribution
Durée : 1h44
Genre : Drame, romance
Date de sortie : 6 décembre 2017

3.5/5

A 47 ans, pour son premier long métrage, le réalisateur anglais Francis Lee s’est attaché à peindre un monde qu’il connait bien, celui des paysans du Yorkshire, et il a tourné son film à 10 minutes de la ferme de ses parents, près de Keighley, là où il a passé sa jeunesse. Durant l’année 2017, Seule la terre a été présenté dans un très grand nombre de festivals et il a obtenu de nombreuses récompenses dont, chez nous, en septembre dernier, le Hitchcock d’Or du meilleur film britannique, la plus haute récompense du Festival de Dinard.

Synopsis : Johnny travaille du matin au soir dans la ferme de ses parents, perdue dans le brouillard du Yorkshire. Il essaie d’oublier la frustration de son quotidien en se saoulant toutes les nuits au pub du village et en s’adonnant à des aventures sexuelles sans lendemain. Quand un saisonnier vient travailler pour quelques semaines dans la ferme familiale, Johnny est traversé par des émotions qu’il n’avait jamais ressenties. Une relation intense naît entre les deux hommes, qui pourrait changer la vie de Johnny à jamais.

« Brokeback Mountain » dans le Yorkshire

La vie n’est pas facile pour Johnny Saxby, la bonne vingtaine, qui vit et travaille dans la ferme familiale du Yorkshire avec son père Martin et sa grand-mère Deirdre. Un beau jour, sa mère, qui voulait être coiffeuse dans le sud, a pris sa valise et est partie. Son père a été victime d’un AVC et, ayant beaucoup de mal à se déplacer, n’est plus d’un grand secours pour l’aider dans les travaux de la ferme. Quant à Johnny, il a vu la plupart de ses ami.e.s de jeunesse partir vers des villes plus ou moins lointaines et, à part le travail, il ne connait que les souleries nocturnes et des relations sexuelles sans lendemain.

Au moment de l’agnelage, le besoin de main d’œuvre supplémentaire se fait sentir d’où l’arrivée à la ferme d’un travailleur d’origine étrangère. Tout d’abord pris pour un immigré syrien par Johnny, qui ne cache pas vraiment sa xénophobie, Gheorghe, de nationalité roumaine, en arrive assez vite à prendre la mouche à force d’être traité de « gypsy » par son jeune patron. De la querelle va naître un rapprochement amoureux entre les deux hommes. Une relation passionnée qui, bien sûr, n’ira pas sans connaître son lot de problèmes et qui présentera une forme de rédemption pour Johnny.

Un volet Petit paysan, un volet gay

A la vision de Seule la terre, on comprend très vite que Francis Lee connait parfaitement le monde des éleveurs du Yorkshire et, sur ce point, son film est une très belle réussite. Le tournage du film ayant eu lieu principalement en hiver, il ne fallait pas s’attendre à une vision lumineuse et idyllique de la campagne anglaise : les ciels sont presque toujours très bas et la nature, dans son austère beauté, n’est pas particulièrement hospitalière. Quant au père et à la grand-mère de Johnny, c’est la rudesse qui l’emporte dans leur comportement.

Pour trouver des sentiments, il faut se tourner vers les rapports pleins d’attention que Johnny et Gheorghe entretiennent avec les animaux de la ferme et, surtout, vers la relation qui, petit à petit, s’établit entre eux. Dans le but de montrer l’évolution de Johnny, jusque là habitué aux rapports physiques frustres et exempts de sentiment, il était impossible de ne pas montrer un certain nombre de scènes crues entre Johnny et Gheorghe. On peut toutefois reprocher à Francis Lee d’avoir parfois fait preuve de complaisance dans cette peinture très réaliste et on le préfère dans celle du côté  fleur bleue et tendre que prend cet amour homosexuel, peint alors avec beaucoup de sensibilité et de crédibilité, et qui dévoile un tout nouveau Johnny.

Deux jeunes comédiens très convaincants

Josh O’Connor, l’interprète de Johnny, est un comédien qui commence à se faire un nom dans le cinéma britannique alors que, pour Alec Secareanu, l’interprète de Gheorghe, Seule la terre représente pour lui sa première apparition en langue anglaise au cinéma. Pour être crédibles dans les travaux à la ferme, ils ont passé beaucoup de temps avec de vrais fermiers  à apprendre les gestes qu’ils auraient à accomplir et cela se voit. Pour ce qui est de la relation amoureuse, ils se l’approprient avec beaucoup de naturel et se montrent très convaincants.

En ce qui concerne les interprètes du père et de la grand-mère de Johnny, on est dans un domaine bien mieux connu, avec Ian Hart et Gemma Jones, des comédien.ne.s britanniques confirmé.e.s qu’on a déjà vu.e.s souvent sur nos écrans.

Conclusion

Ce premier long métrage de Francis Lee mélange avec justesse deux volets différents : la description particulièrement bien rendue du travail quotidien dans une ferme du Yorkshire et celle d’une relation homosexuelle qui s’établit entre deux jeunes hommes, représentant une forme de rédemption pour au moins l’un d’entre eux. Tout juste peut-on regretter que le réalisateur fasse preuve, parfois, d’un peu trop de complaisance dans sa description des rapports physiques entre les deux hommes.

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