Critique : Tempête de sable

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Lamis Ammar-Jalal Masarwa

Tempête de sable

Israël : 2016
Titre original : Sufat Chol
Réalisation : Elite Zexer
Scénario : Elite Zexer
Acteurs : Lamis Ammar, Ruba Blal, Haitham Ibrahem Omari
Distribution : Pyramide distribution
Durée : 1h27
Genre : Drame
Date de sortie : 25 janvier 2017

2.5/5

D’un peu partout dans le monde nous parviennent de plus en plus de films montrant et dénonçant la situation faite aux jeunes filles et aux femmes dans de nombreuses communautés, en particulier pour ce qui concerne le choix du conjoint. Par exemple, l’an dernier, l’Inde nous avait offert le très beau La saison des femmes, bientôt (le 22 février) sortira Noces qui se déroule dans la communauté pakistanaise de Belgique et voici donc Tempête de sable, le premier long métrage de la réalisatrice israélienne Elite Zexer, qui nous entraîne dans un village bédouin situé au cœur du désert du Néguev.

Synopsis : Les festivités battent leur plein dans un petit village bédouin en Israël, à la frontière de la Jordanie : Suliman, déjà marié à Jalila, épouse sa deuxième femme. Alors que Jalila tente de ravaler l’humiliation, elle découvre que leur fille aînée, Layla, a une relation avec un jeune homme de l’université où elle étudie. Un amour interdit qui pourrait jeter l’opprobre sur toute la famille et contre lequel elle va se battre. Mais Layla est prête à bouleverser les traditions ancestrales qui régissent le village, et à mettre à l’épreuve les convictions de chacun.

Au cœur d’un village bédouin

Dans ce petit village bédouin où nous convie Elite Zexer, Jalila est l’épouse de Suliman. Pas de chance pour elle : seules des filles sont nées de cette union. Est-ce parce qu’il tient à se donner toutes les chances d’avoir une descendance masculine ou bien est-ce pour se conformer à la tradition, toujours est-il que Suliman a décidé de prendre une seconde épouse, beaucoup plus jeune que Jalila. Et, en plus, c’est à Jalila d’organiser les festivités ! Une célébration au cours de laquelle les femmes sont d’un côté, les hommes de l’autre, une célébration que Jalila vit bien sûr très mal. Il y a toutefois un événement qu’elle va vivre au moins aussi mal : le fait d’apprendre que Layla, sa fille aînée, fréquente un garçon à la faculté où elle est étudiante. Layla, c’est la fille préférée de Suliman, et, quand sa mère lui interdit de revoir cet « amoureux »,  elle reste persuadée que son père, au retour de son voyage de noce, reviendra sur cette décision maternelle. Face au poids de la tradition, le combat de Layla s’annonce difficile.


Un travail quasiment ethnographique

Ce premier long métrage, Elite Zexer l’a muri pendant de nombreuses années. Son intérêt pour les bédouins du désert du Néguev lui vient de sa mère, une photographe qui s’était prise de passion pour cette communauté et qu’elle avait souvent accompagnée lorsqu’elle allait y photographier des cérémonies de mariage. C’est ainsi qu’elle a lié des liens d’amitié avec des bédouines de son âge, c’est ainsi qu’elle a pris conscience que, dans ces communautés, la société se définit au travers de la famille et qu’une fille doit impérativement se marier pour faire partie de cette société. Un mariage qui doit respecter certaines règles, le choix du mari relevant de ce que veulent les parents, qui tiennent à ce que l’union ne jette pas l’opprobre sur la famille et sur la tribu, et non d’un sentiment réciproque entre deux êtres. Dans ce coin du désert du Néguev, on fait ce qu’on doit faire et pas ce qu’on veut !

C’est presque le fruit d’un travail ethnographique que nous propose Elite Zexer, ce qui fait à la fois la force et la faiblesse du film. Sa force, car on apprend beaucoup de choses sur la façon dont la vie, aujourd’hui,  s’organise dans une tribu bédouine, avec la soumission à très vieilles traditions face à l’arrivée d’une certaine forme de modernité, principalement incarnée dans le personnage de Layla, qui poursuit ses études à la faculté et à qui son père apprend à conduire la camionnette familiale. Layla qui, dans le futur, sera sans doute la première femme de sa famille à refuser de suivre, pour ses propres filles, la tradition du mariage arrangé. Sa faiblesse, car la partie romanesque du film, celle concernant l’amour contrarié de Layla,  en arrive à être traitée de façon trop neutre, quasiment entomologique, et elle n’arrive pas à générer chez le spectateur l’émotion et le sentiment de révolte attendus dans le traitement d’un tel sujet.

Des interprètes professionnels

Elite Zexer a tout  de suite été consciente qu’elle ne pourrait pas faire jouer de vrais bédouins dans Tempête de sable. Ce sont donc des acteurs professionnels arabes que l’on voit dans le film, des acteurs qui, toutefois, ont été formés afin de pouvoir parler sans accent le dialecte bédouin. Pour Lamis Ammar, interprète de Layla et qui vient du théâtre, il s’agit de son premier film. Ruba Blal, l’interprète de Jalila, avait, elle, beaucoup plus d’expérience devant la caméra, ayant joué, entre autres, sous les directions de Eytan Fox, de Julian Schnabel et de Hiam Abbass. Quant à Haitham Ibrahem Omari, qui joue ici le rôle de Suliman, on l’avait rencontré très récemment dans Mountain, dans un rôle de gardien arabe du cimetière juif du Mont des oliviers.

Conclusion

Tempête de sable, particulièrement bien accueilli dans de nombreux festivals, dont ceux de Sundance et de Locarno, est pourtant un film qui peut laisser de nombreux spectateurs sur leur faim. Sur un sujet d’une grande importance et qui a déjà été traité dans de nombreux films, Elite Zexer, sans doute emportée par son désir de nous faire connaître de façon précise les us et coutumes des communautés bédouines de son pays, en oublie souvent de mettre de un minimum d’émotion et une vraie force de révolte dans la partie romanesque de son film.

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