Cannes 2014 : Winter Sleep

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153527.jpg-r_640_600-b_1_D6D6D6-f_jpg-q_x-xxyxxWinter Sleep

Turquie : 2014
Titre original : Kis Uykusu
Réalisateur : Nuri Bilge Ceylan
Scénario : Nuri Bilge Ceylan
Acteurs : Haluk Bilginer, Melisa Sözen, Demet Akbağ
Distribution : Memento Films Distribution
Durée : 3h16
Genre : Drame
Date de sortie : 6 août 2014

Note : 5/5

Le réalisateur turc et ancien ingénieur Nuri Bilge Ceylan est régulièrement présent dans la compétition cannoise depuis 1995, année où son premier court métrage, Koza, a été le premier court-métrage turc sélectionné à Cannes. En 2003, son 3ème long métrage, Uzak, s’est vu attribuer le Grand Prix du Jury et le Prix d’interprétation masculine. Après 2 films de très grande qualité mais non récompensés, Les Climats et Les trois singes, il a fait partie du Jury cannois en 2009, avant d’obtenir un nouveau Grand Prix du Jury en 2011 pour Il était une fois en Anatolie, un film absolument magnifique, à la fois très beau et très profond. 2014 le voit, à 55 ans,  atteindre les sommets du cinéma avec une Palme d’Or amplement méritée et, surtout, un film qui va marquer durablement l’histoire du cinéma.

Synopsis : Aydin, comédien à la retraite, tient un petit hôtel en Anatolie centrale avec sa jeune épouse Nihal, dont il s’est éloigné sentimentalement, et sa sœur Necla qui souffre encore de son récent divorce. En hiver, à mesure que la neige recouvre la steppe, l’hôtel devient leur refuge mais aussi le théâtre de leurs déchirements…

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Un riche et des pauvres

Le début du film nous introduit dans un petit village de Cappadoce, un lieu d’une beauté sublime avec son ensemble de maisons troglodytes. Aydin, un ancien acteur, intello bon teint qui aimerait écrire une histoire du théâtre turc, y tient un hôtel dont il a hérité. Aydin va être le personnage central du film, celui autour duquel « tournent » les autres personnages. Il cohabite avec sa femme Nihal, beaucoup plus jeune que lui, et sa sœur Necla. Vivent aussi dans cet hôtel Hidayet, l’homme à tout faire, et sa femme Fatma. Nous sommes en hiver et les clients sont rares : deux touristes japonais et un motard qui a la bougeotte. En plus de cet hôtel, Aydin a hérité de biens divers qui en font le propriétaire le plus riche de la région. Cette richesse va être la base d’un des thèmes du film : comment se comporter quand on est riche et qu’on est le propriétaire de biens dans lesquels des locataires  vivent eux dans la pauvreté ? Pour ce qui est de ce thème, Nuri Bilge Ceylan se focalise sur 2 frères très en retard quant au paiement du loyer de la maison qu’ils habitent et sur le fils du frère plus âgé. Ce dernier sort de prison et il n’arrive pas à trouver un travail. Cette situation fait de lui un révolté perpétuel et son fils, un gamin d’une dizaine d’années, ne supporte pas la honte qui rejaillit sur son père. Le plus jeune des frères est un imam, très mielleux dans son comportement, essayant coûte que coûte de caresser le propriétaire dans le sens du poil.

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Un homme, sa femme, sa sœur  

En fait, Aydin est un individu sûr de lui, imbu de sa personne, manipulateur, persuadé d’avoir toujours raison. Lui et sa femme Nihal n’ont plus de véritable relation de couple. Pour s’occuper, Nihal organise des réunions pour des œuvres de charité, ce qui n’est pas sans irriter son mari. Quant à Necla, elle vit mal son divorce récent et son comportement change avec son humeur du moment : un jour, elle va encenser ce que son frère écrit dans un journal local et en dire le plus grand mal quelques jours plus tard. Une grande partie du film est consacrée à une discussion entre Aydin et Nihal et à une autre discussion, entre Aydin et Necla. Face au miroir négatif que lui tendent ses proches, un homme comme Aydin est-il capable de prendre conscience de tous ses défauts, est-il capable de changer ?

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Des dialogues riches, des images très belles

Jusqu’à présent, on parlait assez peu dans les films de Nuri Bilge Ceylan. La surprise est donc grande de visionner un film de lui dont les dialogues sont aussi riches que les images sont belles. Tellement riches, qu’à la fin du film, on se dit qu’il serait bon d’en disposer par écrit afin de les lire à tête reposée ! Au cours des discussions entre Aydin et Nihal, entre Aydin et Necla, sont évoqués les différentes formes de générosité, c’est-à-dire la générosité authentique et celle qui permet de se donner bonne conscience, le fait de dire ou non la vérité à ses proches, quitte à faire du mal, les phénomènes de manipulation, le rôle de la religion, indispensable ou non pour avoir une morale, la façon de donner du sel à son existence, de ne pas s’ ennuyer, etc. Très riche dans ses dialogues, Winter Sleep est également d’une très grande beauté visuelle. Comme dans tous ses films depuis Les Climats, Nuri Bilge Ceylan a fait appel au Directeur de la Photographie Gökhan Tiryaki et ce qu’il nous donne à voir de la Cappadoce est sublimement beau. Concernant la distribution, on s’attardera  plus particulièrement sur  Haluk Bilginer qui campe un Aydin à la fois attachant et détestable et sur Melisa Sözen, qui joue le rôle de l’épouse, à la fois très belle et remarquable comédienne. Cela étant, le reste de la distribution est tout à fait excellent ! Quant à la musique, on en entend très peu : de temps en temps, un extrait de la sonate n°20 de Schubert qui revient à intervalle régulier et un peu de musique baroque.

Résumé

A propos de Winter Sleep, on a évoqué Bergman, on a évoqué Tchekhov. Pourquoi pas, même si on peut penser que, dorénavant, Nuri Bilge Ceylan se suffit à lui-même. Par ailleurs, on a déjà beaucoup parlé de la longueur de cette Palme d’Or et ce n’est sûrement pas terminé : 3 h 16 minutes. Et alors, si on se régale pendant 3 heures et 16 minutes, si, à la limite, on aimerait que le film dure encore davantage ! La Palme d’Or de l’an dernier durait 3 heures et on est en droit de penser qu’il y avait 90 minutes de trop. Celle ci dure 3 h 16 minutes et il n’y a pas une seconde de trop. Winter Sleep est un film magnifique et d’une très, très grande richesse, intellectuelle et morale. Il n’y a aucune raison que sa durée rebute quiconque aime, tout simplement, le Cinéma !

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