Critique : While we’re young

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While we’re young

Etats-Unis, 2014
Titre original : While we’re young
Réalisateur : Noah Baumbach
Scénario : Noah Baumbach
Acteurs : Ben Stiller, Naomi Watts, Adam Driver, Amanda Seyfried
Distribution : Mars Distribution
Durée : 1h37
Genre : Comédie dramatique
Date de sortie : 22 juillet 2015

Note : 3/5

Cela a quelque chose de rassurant de se rendre compte que le cinéma vieillit en même temps que nous. Ni techniquement, puisque la révolution numérique est passée par là, ni socialement, car les sorties en vidéo à la demande se multiplient tandis que les entrées en salles stagnent. Mais d’un point de vue thématique, nous nous situons pile-poil au cœur de la génération qui était visée dans les années 2000 par les innombrables comédies sur des trentenaires trop immatures pour assumer leurs responsabilités d’adulte. Depuis, cet échantillon abstrait de personnages et nous-mêmes avons pris de l’âge, sans nécessairement mieux savoir comment aborder sereinement la crise de la quarantaine, cette dernière étape décisive avant de faire partie des vieux sans lien commun avec la jeunesse. Le huitième film du réalisateur Noah Baumbach joue habilement sur ce décalage à travers l’histoire mi-comique, mi-dramatique d’un couple séduit par le reflet trompeur de sa propre jeunesse. Avec une légèreté qui frise parfois la vanité, While we’re young va même encore un peu plus loin en dressant le portrait d’une époque de flottement culturel accru.

Synopsis : Mariés depuis longtemps, Josh et Cornelia ont fait une croix sur leur souhait d’avoir des enfants. La naissance d’un bébé chez un couple ami les réconforte dans leur choix. Puisqu’il est incapable de finir le montage de son deuxième documentaire, en post-production depuis des années, Josh donne des cours à l’université pour gagner de l’argent. Il y est abordé par Jamie et Darby, venus en auditeurs libres, qui le félicitent pour son travail. Flatté par ces compliments et sensible au style de vie intense et peu conventionnel de ce couple de jeunes atypique, Josh les fréquente de plus en plus en compagnie de sa femme. Il va même jusqu’à assister Jamie dans le tournage de son documentaire sur un ancien ami de lycée, retrouvé grâce à Facebook.

Vangelis, le vomitif préféré des bobos

Les deux personnages au centre du film souffrent d’une névrose aiguë. Pour l’homme, c’est celle du cinéaste impuissant de transformer l’essai de son premier film par le deuxième, pris au piège d’une gestation interminable. Pour la femme, il s’agit plus subtilement de faire le deuil de sa capacité biologique de donner vie à un enfant. Malgré ces sources de frustration certaines, Josh et Cornelia s’en sortent plutôt bien à première vue, grâce à leur complicité intellectuelle et affective. Or, l’un des principaux fils conducteurs du scénario est justement de démontrer – sans trop de méchanceté, mais avec une perspicacité acerbe – à quel point ces bobos gâtés du microcosme artistique de New York sont en fait dupes du stratagème de séduction mis en œuvre par leurs nouveaux amis, voire complètement paumés. La moquerie ne va certes pas jusqu’au cynisme qui caractérise désormais la filmographie de Woody Allen, mais Baumbach ne manque pas une occasion pour ridiculiser plutôt gentiment son couple vedette et ses tentatives de briser la monotonie d’une vie rangée. Rares sont en effet les retournements de situation fracassants au cours d’un récit, qui vise avant tout à prouver qu’il n’existe pas d’alternative viable à la résignation synonyme de vieillesse. Dans ce contexte, le seul à afficher un comportement tant soit peu en accord avec son âge est le beau-père interprété par Charles Grodin, en mesure de reconnaître ses erreurs du passé sans pour autant les regretter ouvertement.

Jeune et diabolique

Du côté des jeunes, le constat n’est pas forcément plus représentatif. A bien des égards, Jamie et Darby sont plus vieux jeu que leurs idoles, comme le montre la séquence en montage parallèle, où la profusion des gadgets numériques isole leurs utilisateurs, alors que leurs cadets savent encore créer un lien social, aussi nostalgique soit-il, par le biais d’une vieille cassette VHS ou d’un jeu de société classique. Mais là aussi, le temps de l’enchantement est compté, en raison du plan machiavélique de Jamie pour arriver à ses fins. Rien ne sonne en effet totalement vrai dans ce film, sans doute intentionnellement pour mieux laisser l’hypocrisie de notre époque soi-disant tolérante s’exposer elle-même. Le pari du film qui s’adonne au vice qu’il prétend critiquer, à savoir la superficialité opportuniste de notre civilisation en fin de compte très pauvre en repères solides, fonctionne en grande partie grâce à l’interprétation sans faille, des toujours trop naïfs Ben Stiller et Naomi Watts jusqu’au plus cruels Adam Driver et Amanda Seyfried, ainsi qu’au recul indispensable pour ne pas trop prendre à cœur cette méprise savoureuse. Car s’il n’y avait qu’une chose à retenir du cinéma selon Noah Baumbach, ce serait cette agilité brillante de la narration, qui consiste à mener à la fois les personnages et les spectateurs en bateau, sans jamais sérieusement courir le risque du naufrage.

Conclusion

A la question cruciale de ce qui fait l’essence de notre culture polymorphe, ce film intelligent et amusant ne prétend pas fournir de réponse sans équivoque. Il avance davantage par voie de petits détours jubilatoires pour mieux montrer qu’il n’y a pas de solution unique pour trouver le bonheur, comme avoir des enfants ou réussir sa carrière professionnelle, mais que la démarche de la quête se prolonge au fur et à mesure que la somme des impasses construit notre personnalité. En tant que petit traité philosophique sous forme d’une comédie malicieuse, on n’aurait pas pu rêver mieux !

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