Vu sur OCS : Beginners

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© 2010 Andrew Tepper / Olympus Pictures / Focus Features / MK2 Diffusion Tous droits réservés

C’est sous forme de puzzle que le réalisateur Mike Mills nous convie à une histoire tirée en grande partie de sa propre vie. Or, contrairement au mode opératoire des puzzles, où la difficulté de placer les pièces diminue au fur et à mesure que leur nombre en vrac s’amoindrit et qui permet à l’assembleur patient d’être récompensé pour ses efforts par une merveilleuse vue d’ensemble, Beginners suit sa propre logique, de plus en plus frustrante. Car l’association de l’infiniment petit – le deuil d’un être cher, en l’occurrence du père, qui a fait son coming out sur le tard – à l’infiniment grand – la tentative d’incorporer ce drame personnel dans un contexte historique plus vaste, une démarche qui avait beaucoup mieux fonctionné dans le film suivant de Mills 20th Century Women – ne produit rien de clairement concluant ici. Le message de son deuxième long-métrage est peut-être censé se situer au point précis de l’incapacité de compartimenter la vie dans des cases sommaires. Malheureusement, la place allouée à l’improvisation du quotidien n’y résiste pas longtemps aux bifurcations alambiquées dans l’esprit du personnage principal ; un fils tellement meurtri par ces quelques dernières années passées auprès de son père qu’il en est sorti complètement tétanisé.

Au moment de la sortie de Beginners, il y a déjà près de neuf ans, il était surtout question de l’interprétation de Christopher Plummer en père ayant attendu trop longtemps avant de vivre librement son orientation sexuelle. Il s’agit effectivement d’un rôle solide, ne méritant sans doute pas l’avalanche de prix que Plummer avait reçus alors. Mais après tout, qui sommes-nous pour en vouloir à un vétéran du cinéma mondial de recevoir en fin de carrière ce genre d’hommage à fort caractère honorifique ? Car cette timide exubérance de couleurs arc-en-ciel mise à part, son personnage se conforme au stéréotype du parent sur le point de disparaître, tout à fait lucide sur le temps qu’il lui reste à vivre et de ce fait submergé d’une forme de nostalgie paternelle que seul son premier amour gay réussit à faire sortir des sentiers battus du drame familial. A son niveau, la mise en scène affiche une sobriété presque touchante ou en tout cas suffisamment respectueuse à l’égard des choix de vie de ce vieillard mourant pour ne pas en faire une bête de foire.

© 2010 Andrew Tepper / Olympus Pictures / Focus Features / MK2 Diffusion Tous droits réservés

Le hic, c’est que l’intrigue du film ne tourne qu’accessoirement autour de lui. Notre point d’identification principal et hélas peu commode est le fils, un dessinateur trentenaire qui traîne derrière lui depuis son enfance pas plus de casseroles psychologiques que le commun des mortels, mais qui ne réussit pourtant pas à rendre sa vie professionnelle et sentimentale tant soit peu fonctionnelle. Ewan McGregor fait de son mieux avec ce rôle d’un éternel indécis, qui se fait de surcroît voler la vedette par un chien. Un chien à qui le scénario a eu la mauvaise idée de donner la parole par voie de sous-titres interposés ! C’est pour dire à quel point l’intrigue principale du film s’avère boiteuse.

Les choses ne s’arrangent pas non plus avec l’arrivée de Mélanie Laurent qui joue … une actrice française, aussi déracinée d’un point de vue affectif que son nouveau compagnon d’un mois. Heureusement qu’elle aime les chiens, parce que, sinon, cette relation épisodique serait mort-née. Malheureusement, la laryngite de son personnage ne perdure pas au delà du premier rendez-vous, ce qui lui donne alors amplement l’occasion de s’insurger contre l’Amérique et de s’apitoyer sur son propre sort de pauvre fille, trimbalée d’hôtel en hôtel à travers les continents.

Vous l’aurez compris, Beginners, qu’on vient de rattraper à la dernière minute sur le service replay d’OCS, où il n’est plus du tout à ses débuts, mais tout proche de sa fin de présence d’ici cette nuit, ne marquera pas de notre part le commencement d’une admiration sans bornes envers le cinéma de Mike Mills. Entre-temps, il y a certes eu son troisième film cité plus haut avec son interprétation magistrale de Annette Bening. Ce qui n’empêche pas celui-ci de s’apparenter sensiblement plus au premier long du réalisateur, Âge difficile obscur, à savoir la même vision passablement tortueuse d’une étape cruciale de la vie de chacun, traversée de génération en génération.

© 2010 Andrew Tepper / Olympus Pictures / Focus Features / MK2 Diffusion Tous droits réservés

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