Vu sur Disney+ : Nuit de folie

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© 1987 Takashi Seida / Touchstone Pictures / The Walt Disney Company Tous droits réservés

Baby-sitter en détresse dans cette comédie familiale globalement plaisante, disponible sur Disney+ dans une version censurée. Même si la modification concerne a priori une réplique homophobe, il reste encore assez de coloris des années 1980 pour faire du premier film de Chris Columbus un digne témoin de cette époque plus ou moins lointaine. Une sorte de After hours de Martin Scorsese adapté à la grille de lecture Disney plus inoffensive, Nuit de folie retrace le périple rocambolesque d’une baby-sitter au cours d’une soirée, qui ne correspond en rien au respect de ses responsabilités de garde d’enfants. En somme, il s’agit de l’éternel conte du poisson hors de l’eau, cette fois-ci sous la forme d’une banlieusarde qui s’aventure à visiter tous les mauvais quartiers de la grande ville.

Au début, tout n’y est que fantasme romantique à la dominante rose asexuée. A moins que vous considériez la danse de Elisabeth Shue sur son lit, en train de caresser langoureusement le poteau d’angle, comme le genre de clin d’œil malicieux qui pullule dans les productions Disney, en apparence oh si respectables. En guise de confirmation de cette suspicion tenace, le point de départ du récit regorge de désirs refoulés. Tandis que Chris, la baby-sitter récalcitrante, se voit déjà devant l’autel, en future épouse de son copain qui fend son cœur en lui promettant qu’elle est unique, les ambitions sont plus bassement sexuelles parmi les gamins adolescents qu’elle est censée garder pendant cette soirée aux retournements imprévisibles. Une situation de départ classique, mais généralement maîtrisable, tant que ce petit monde reste sagement dans son milieu préservé d’une banlieue sans identité propre.

© 1987 Takashi Seida / Touchstone Pictures / The Walt Disney Company Tous droits réservés

Évidemment, les ennuis commencent, dès que l’un des personnages tente sans conviction une fugue de cet havre de paix dépourvu d’histoires. Penelope Ann Miller, elle aussi encore aux balbutiements de sa carrière à ce moment-là, devra payer chèrement son écart de conduite. Le scénario la garde en effet comme une prisonnière de plus en plus hystérique dans un terminal de bus malfamé, pendant que son amie et son attirail d’enfants cherchent en vain à lui voler au secours. Rien que cette action annexe, avec ses sans-abris et ses fous furieux sortis sans détour du manuel des pires caricatures sociales, se prêterait à une analyse cinglante du regard aussi peu glorieux qu’amplement condescendant que l’Amérique bien pensante cultive envers les individus végétant à sa marge.

Toutefois, le focus narratif de Nuit de folie ne se situe pas tout à fait là. Même si les décors cauchemardesques, traversés vaillamment par le groupe de héros improvisés, partage quelques traits de mise en garde avec l’enfer que tout point d’ouverture vers l’extérieur se doit d’être, dans un tel film au message subliminal plutôt fort. Ainsi, ce sont les lieux de passage qui réservent les épreuves les plus rudes à notre bande d’aventuriers d’un soir. Peu importe que ce soit sur le périphérique, dans le métro en piètre état ou encore dans un club de chanteurs de blues peuplé exclusivement d’une clientèle afro-américaine, le danger, réel ou imaginé, les guette partout. Et s’ils arrivent à s’en sortir, souvent in extremis, c’est davantage grâce au charme innocent de leur présence dans ces milieux étrangers que parce qu’ils disposent de l’ouverture d’esprit nécessaire pour en apprécier le côté positif.

Par la suite, Chris Columbus allait se spécialiser et rencontrer un succès populaire d’envergure avec des films au propos encore sensiblement plus insipide que celui de Nuit de folie. Sachons donc nous contenter du divertissement solide que représente ce dernier, y compris une apparition de Vincent D’Onofrio en Thor improbable. En ce sens, cette comédie familiale se conforme d’ores et déjà et pas sans élégance à la recette Disney des décennies suivantes : un divertissement aux bases vaguement mythiques, dont la vocation principale consiste à entériner les fondements du statu quo social des États-Unis, en les interrogeant gentiment.

© 1987 Takashi Seida / Touchstone Pictures / The Walt Disney Company Tous droits réservés

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