Vu sur Disney+ : La Dame de Katwe

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© 2016 Edward Echwalu / Disney Enterprises Inc. / The Walt Disney Company Tous droits réservés

Ce n’est pas par hasard que nous ne revenons pas plus en détail sur la mise en scène dans nos critiques officieuses de films regardés sur Disney+. La particularité des productions Disney nous paraît en effet qu’ils défendent plus un concept moral qu’une vision artistique. On peut désapprouver cette marque de fabrique ou bien la porter aux nues, toujours est-il que les cinéastes prestigieux ont généralement tendance à ne pas vouloir s’y soumettre. Dans ce contexte, le cas de Mira Nair est alors plutôt atypique. La réalisatrice indienne est a priori la seule lauréate d’un Lion d’or au Festival de Venise – ce fut en 2001 pour Le Mariage des moussons – à mettre ses talents au service du mastodonte hollywoodien. En comparaison, le seul heureux gagnant de la Palme d’or à Cannes, à deux reprises de surcroît, ayant atteint grâce à Disney le point de non-retour provisoire de son illustre carrière est Francis Ford Coppola, qui préférerait sans doute oublier l’existence de Jack.

Pour en revenir à La Dame de Katwe, ce n’est pas vraiment la présence d’une réalisatrice de renom derrière la caméra qui permettrait à ce drame édifiant de se distinguer clairement des dizaines de films semblables, produits par les héritiers de Walt ou par d’autres esprits opportunistes. Tout juste peut-on y déceler une sobriété relative par rapport aux codes du genre, jamais avare en termes de pathos et de bons sentiments. Le fait que la discipline sportive mise en avant – le jeu d’échecs – fait principalement appel aux capacités intellectuelles des adversaires y est probablement pour quelque chose. Tout comme un regard heureusement pas si hautain sur le quotidien misérable en Afrique dont l’héroïne rêve de s’affranchir. Énormément de choses différencient certes l’Ouganda de l’Inde. Cependant, les origines de la réalisatrice lui permettent au moins de ne pas adopter la même posture condescendante que ses confrères américains, depuis la tour d’ivoire de leur existence préservée.

© 2016 Edward Echwalu / Disney Enterprises Inc. / The Walt Disney Company Tous droits réservés

Pourtant, le dixième long-métrage de Mira Nair n’arrive hélas pas suffisamment à se soustraire au joug de Disney pour devenir un hymne féministe à part entière. Il a beau conter la vie héroïque de plusieurs femmes, celle de la jeune championne, bien entendu, mais également celle de sa mère, la narration demeure prudemment du côté des conventions immuables du roman d’apprentissage. Ce serait donc uniquement grâce à l’intervention bienveillante du coach, une sorte d’idole paternelle à laquelle David Oyelowo réussit à conférer une modestie béate pas trop douceâtre, que la jeune Phiona aurait gravi un par un les échelons d’une carrière improbable de maîtresse d’échecs. Un parcours d’exception pas tellement semé d’embûches, aussi parce que la fierté et la noblesse du personnage de la mère n’ont d’égal que la beauté de Lupita Nyong’o, qui ne paraît du coup pas tout à fait à sa place dans les bas-fonds de Kampala.

Du côté de la narration, enfin, La Dame de Katwe préfère de même l’option de l’efficacité solide. Consciencieusement découpée en années de progrès, l’intrigue fait l’éloge d’une détermination quasiment sans faille. Et ce n’est pas dans un film si inoffensif qu’il faudra venir chercher une quelconque équation cinématographique des stratagèmes sophistiqués d’une partie d’échecs. Un défi d’adresse formelle que très peu de films ont par ailleurs su relever. A la limite, il n’y a même pas besoin d’y connaître grand-chose à cette discipline d’acrobatie mentale suprême pour suivre convenablement les étapes d’un récit vertueux, forcément couru d’avance.

© 2016 Edward Echwalu / Disney Enterprises Inc. / The Walt Disney Company Tous droits réservés

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