Critique : Un jour à New York

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Un jour à New York

Etats-Unis, 1949
Titre original : On the town
Réalisateur : Gene Kelly et Stanley Donen
Scénario : Adolph Green et Betty Comden, d’après leur pièce
Acteurs : Gene Kelly, Frank Sinatra, Betty Garrett, Ann Miller
Distribution : Swashbuckler Films
Durée : 1h38
Genre : Comédie musicale
Date de sortie : 30 décembre 2015 (Reprise)

Note : 3/5

La comédie musicale américaine a essentiellement connu deux âges d’or : d’abord dans les années 1930 avec la mise en scène stylisée de Busby Berkeley et les prouesses sur la piste de danse du couple mythique formé par Fred Astaire et Ginger Rogers, puis environ vingt ans plus tard grâce aux acrobaties magistrales de Gene Kelly au service de réalisateurs comme Stanley Donen et Vincente Minnelli. Tout ce qui s’est fait par la suite, que ce soient les productions démesurées des années ’60 ou les opéras pop des années ’80, sans même parler de l’arlésienne de la renaissance de la comédie musicale qu’on nous annonce depuis le début du siècle et le succès isolé de Moulin Rouge de Baz Luhrmann, est aisément discrédité par ces deux périodes phare. Sorti initialement à la toute fin des années ’40, Un jour à New York est écartelé entre ces deux références, qui se suivent certes dans un mouvement à peu près organique d’évolution des styles filmiques et musicaux, mais qui se distinguent aussi clairement par leurs préoccupations formelles et le soin apporté au fond scénaristique. Par conséquent, aussi plaisante soit-elle, cette comédie musicale nous paraît un peu trop légère et pas assez affirmative de son identité propre pour réellement nous enthousiasmer.

Synopsis : Les trois matelots Gabey, Chip et Ozzie ont une permission de vingt-quatre heures pour découvrir la ville de New York. Pendant leur tournée des monuments incontournables de la métropole, ils voient l’affiche de la Miss Tourniquet du mois de juin dans le métro. Gabey tombe immédiatement sous le charme de la photo et de la biographie de cette femme idéalisée. Par hasard, il la croise dans une station de métro, où elle pose pour des photos publicitaires. Alors qu’il la perd à nouveau de vue, Gabey est désormais sous l’emprise du coup de foudre et se jure de la retrouver, quitte à passer toute la journée à le faire. Ses deux compagnons l’assistent d’abord dans ses recherches, mais ils finissent, eux aussi, par trouver une femme selon leur cœur.

A cheval entre deux époques

Le premier de film de Stanley Donen, qui se partageait alors le travail de réalisateur avec Gene Kelly, est une œuvre hybride. On peut y distinguer déjà les éléments d’exubérance colorée qui allaient faire la gloire du genre pendant la décennie suivante. Mais en même temps, Un jour à New York épouse encore la forme éprouvée jusqu’à l’ennui du prétexte pour un enchaînement de numéros musicaux, sans égard pour un quelconque approfondissement des enjeux dramatiques. Car aussi joyeuses certaines des séquences du film soient-elles, l’histoire qui leur sert de base est fâcheusement rudimentaire, à la façon d’un conte romantique oublieux des implications cyniques de la prémisse. Ce dilemme se retrouve en quelque sorte dans l’aspect visuel du film. Tandis que la couleur donne des ailes à la disposition des plus beaux numéros de danse, notamment celui vers la fin qui anticipe déjà par sa suspension onirique du fil narratif et par sa liberté des transitions l’excellence de la conclusion majestueuse d’Un Américain à Paris de Vincente Minnelli, sorti deux ans plus tard, le format carré de l’image ne se prête guère à pareille envolée poétique.

Tous pour un

De même, le scénario de Adolph Green et Betty Comden fait preuve d’une certaine inhibition pour faire ressortir nettement les points cruciaux de l’intrigue. La bonne humeur ambiante, associée à un optimisme démesuré, tendent en effet à disperser le caractère éphémère de cette virée en ville, qui se terminera coûte que coûte à six heures du lendemain matin. Le récit ne s’en porte pas forcément plus mal, mais il lui manque cruellement un soupçon de fragilité tragique qui avait conféré par exemple à Brigadoon de Vincente Minnelli ses lettres de noblesse filmique. Ici, peu importe l’endroit ou l’heure, on s’amuse sans compter en bande, ce qui indique plus qu’autre chose le caractère choral de l’histoire. Gene Kelly a ainsi beau être la tête d’affiche et Frank Sinatra une vedette incontournable de l’époque – quoique plutôt discret dans son rôle de jeune adulte naïf –, ils se soumettent docilement à la facture égalitaire de l’ensemble. Rien, ni personne n’y perturbe durablement le statu quo d’une répartition presque archaïque des emplois masculins et féminins. Il faudra donc attendre encore quelques années avant que le carcan social des années ’40 et avant n’éclate progressivement, voire avant que la comédie musicale fabriquée avec soin par Hollywood ne devienne autre chose qu’un divertissement léger et bénin.

Conclusion

Gene Kelly dans une comédie musicale réalisée par Stanley Donen : cet argument de vente devrait nous mettre d’emblée l’eau à la bouche. Cette répétition générale trois ans avant la réussite éclatante de Chantons sous la pluie est certes plaisante, mais il lui manque encore la maestria formelle et le traitement adroit de sujets complexes, qui allaient rendre à ce genre typiquement hollywoodien toute sa splendeur par la suite.

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