Test DVD : Lost in the Night

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Lost in the Night

Mexique, Allemagne, Pays-Bas, Danemark : 2023
Titre original : Perdidos en la Noche
Réalisation : Amat Escalante
Scénario : Amat Escalante
Acteurs : Juan Daniel García Treviño, Ester Expósito, Bárbara Mori
Éditeur : Blaq Out
Durée : 1h58
Genre : Policier, Thriller
Date de sortie cinéma : 4 octobre 2023
Date de sortie DVD : 6 février 2024

Dans une petite ville du Mexique, Emiliano recherche les responsables de la disparition de sa mère. Activiste écologiste, elle s’opposait à l’industrie minière locale. Ne recevant aucune aide de la police ou du système judiciaire, ses recherches le mènent à la riche famille Aldama…

Le film

[3,5/5]

Avec Lost in the Night, présenté à Cannes en 2023, Amat Escalante délaisse le fantastique tordu de La Région sauvage pour aborder de front le genre policier, avec lequel il avait déjà flirté ces dernières années en réalisant quelques épisodes de la série Narcos : Mexico pour Netflix. Cette ouverture au grand public se retrouve dans son dernier film, qui est probablement un peu moins brutal qu’à l’accoutumée. Il faut dire que l’on avait découvert Amat Escalante avec Sangre en 2005, et que film après film, le cinéaste mexicain était parvenu à se démarquer de ses contemporains par le recours à une extrême brutalité. La violence viscérale, qui explosait dans tous ses films comme une catharsis, compensait des scénarios extrêmement linéaires dont l’issue tragique semblait, dès les premières minutes de ses films, de toutes façons inévitable (que cela soit dans Sangre, Los Bastardos, Heli ou La Région sauvage).

L’odeur de la mort a donc toujours imprégné le cinéma d’Amat Escalante : ses films se déroulent sur fond de corruption généralisée dans des paysages mexicains désolés au cœur desquels toute tentative de se rebeller contre le système en place se terminent toujours mal pour ceux qui n’ont pas de pouvoir, d’argent ou d’influence. On retrouve bien sûr ces obsessions du cinéaste – qui nous sont désormais assez familières – au cœur de son dernier film, Lost in the Night, mais le recours au genre policier et à un récit qui prend la forme d’une enquête lui permettent cette fois d’adoucir un peu l’âpreté de son œuvre, et de livrer au spectateur un film plus consensuel et abordable que ses précédents longs-métrages. Et si bien sûr la flamboyante beauté du film permettra à Amat Escalante d’attirer à lui de nombreux nouveaux adeptes, les fans hardcore de la première heure risquent de s’avérer déçus de le voir ainsi s’éloigner de ses œuvres passées.

Lost in the Night met en scène Emiliano (Juan Daniel García Treviño), un jeune homme tentant désespérément d’élucider le mystère autour de la disparition de sa mère. Les maigres pistes dont il dispose le mèneront à une immense maison moderne au bord d’un lac, et avec l’aide de sa petite amie Jazmin (María Fernanda Osio), il se fera embaucher comme homme à tout faire par le propriétaire de la maison, Rigo (Fernando Bonilla), un artiste conceptuel, qui partage les lieux avec sa compagne, la chanteuse pop Carmen (Bárbara Mori), et sa fille Monica (Ester Expósito), une enfant gâtée rêvant de devenir influenceuse.

Si elle prend par moments des accents de western mexicain, l’enquête d’Emiliano suit globalement des rails extrêmement classiques tout au long du film. On retrouve néanmoins au cœur de Lost in the Night certaines des obsessions d’Amat Escalante, et le cinéaste parvient, d’une façon assez brillante, à dépasser la quête personnelle du jeune homme pour la transformer en une parabole assez noire sur un pays – le Mexique – à la dérive. Comme toujours dans ses films, le sexe occupe une place importante, et s’avérera tout autant utilisé pour mettre en exergue les sentiments des personnages que pour les réprimer. De fait, Lost in the Night contient vraiment une poignée de scènes dégageant une beauté saisissante : le style visuel du cinéaste est extrêmement affirmé, et l’impact des images est encore renforcé par la savoureuse bande-son psycho-western signée par Kyle Dixon et Michael Stein, les deux compositeurs attitrés de la série Stranger Things.

Cela dit, Lost in the Night développe également, en filigrane, une habile satire du monde de l’Art que l’on serait presque tenté de mettre en parallèle avec l’évolution de la carrière d’Amat Escalante. Ainsi, les installations obscures créées par Rigo – un nihiliste blasé qui exploite les traumatismes de son pays pour son Art – ne sont-elles pas, métaphoriquement, comparables aux films tournés par le cinéaste entre 2005 et 2016 ? Car si la volonté affichée par Rigo est certes de dénoncer les injustices, on peut également penser qu’il se complaint dans ce genre d’œuvres avant tout parce que le choc fait vendre. N’y aurait-il pas là, de la part d’Amat Escalante, le début d’une autocritique ?

Le DVD

[4/5]

Malgré l’esthétique extrêmement léchée développée par Amat Escalande tout au long de son film, Lost in the Night ne sortira malheureusement pas au format Blu-ray. Qu’à cela ne tienne : il faut avouer que Blaq Out est un éditeur parfaitement rodé au format DVD, et qu’il met à profit sa longue expérience dans le domaine pour nous livrer un master sans faille : définition, piqué et couleurs sont au taquet et composent parfaitement avec les limites d’un encodage en définition standard. Si bien sûr le rendu visuel ne peut pas atteindre la perfection de la Haute-Définition, la galette DVD de Lost in the Night est impeccable, le piqué est même étonnamment précis, et les couleurs sont vraiment éclatantes. Côté son, la VO espagnole nous est proposée dans du très classique (mais solide) Dolby Digital 5.1, dynamique et équilibré : le spectateur bénéficiera d’un mixage très immersif, particulièrement remarquable quand la musique de Kyle Dixon et Michael Stein fait son apparation. Zéro défaut. On notera par ailleurs que Blaq Out n’oublie pas les cinéphiles ne disposant pas de système Home Cinema : un mixage Dolby Digital 2.0 est également disponible, et s’avérera plus équilibré si vous visionnez Lost in the Night sur un simple téléviseur.

Côté suppléments, l’éditeur nous propose un entretien avec Amat Escalante (24 minutes), qui permettra au cinéaste mexicain de revenir sur la conception du scénario, née de sa volonté d’aborder l’influence des réseaux sociaux tout en utilisant les codes du polar. Il reviendra également sur la construction de la maison de Rigo, ainsi que sur les acteurs. Il reviendra également sur l’humour du film, lié aux passerelles que dresse le script entre son récit et la situation du Mexique, tout en nous expliquant que les spectateurs étrangers ne pourraient saisir ces références. Et en effet, on ne peut pas dire que la qualité première de Lost in the Night soit de nous avoir fait rire aux éclats…

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