Test DVD : L’Oranais

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L’Oranais

Algérie, France : 2013
Titre original : El Wharani
Réalisateur : Lyes Salem
Scénario : Lyes Salem
Acteurs : Lyes Salem, Khaled Benaissa, Djemel Barek, Abdou Boukefa
Éditeur : Blaq Out
Durée : 2 h 03
Genre : Drame
Date de sortie cinéma : 19 novembre 2014
Date de sortie DVD : 15 avril 2015

 

 

Durant les premières années euphoriques qui suivent l’indépendance, deux amis, Djaffar et Hamid, sont promis à un bel avenir dans une Algérie libre jusqu’au jour où la trahison les sépare.

 

L'oranais 4

 

Le film

[3/5]

Même si on est très loin du nombre de films ayant comme cadre la 2ème guerre mondiale, que ce soit le conflit lui-même ou ses conséquences, la guerre d’Algérie a généré, petit à petit, une quantité intéressante de scenarii, et ce, des deux côtés de la Méditerranée. Peu, toutefois, se sont intéressés, côté algérien, à ce que sont devenus les combattants une fois obtenue l’indépendance. C’est tout l’intérêt de L’Oranais de se pencher sur ce thème.

L’action du film se déroule sur trois périodes distinctes : 1957, la guerre ; 1962, le tout début de l’indépendance, que va-t-on en faire ? ; 1986, qu’est devenue l’Algérie 24 ans après sa naissance ? Même si les aller-retours entre ces trois périodes sont nombreux et les passages d’une période à l’autre assez brutaux, aucun problème pour dater la scène à laquelle on assiste ! Pour traiter son sujet, Lyes Salem a choisi de mettre en scène deux amis d’enfance, Djaffar et Hamid, qui ont partagé la vie dans le maquis entre 1957 et 1962 et qui se trouvent face à des choix lorsque la guerre est terminée. Ce qui se passe entre eux se partage entre ce qu’on peut (ce qu’on doit?) cacher, même à son meilleur ami, lorsqu’on est impliqué en tant que résistant dans une guerre et ce qu’on peut, ce qu’on veut devenir, une fois la guerre gagnée et qu’on se retrouve du côté du manche. Hamid, sans vraiment le chercher mais à force de petites lâchetés et de filouteries avec des personnages pas forcément fréquentables, choisit de profiter de la situation. De toute façon, pour lui, le peuple est ingrat : « le peuple, c’est qu’une bouche et un ventre, rien d’autre ». Transformé par la guerre en héros national, avec « L’Oranais » comme surnom, Djaffar, lui, n’arrive pas à oublier ce qui a conduit sa femme à mourir et qu’on lui a caché pendant 5 ans : il choisit une forme d’effacement tout en profitant, à son corps défendant, de la position d’Hamid. Jusqu’à un certain point, toutefois !

Autour d’Hamid et de Djaffar, la présence d’un certain nombre de personnages permet d’approfondir le thème traité par Lyes Salem : le révolutionnaire qui entend rester pur, le russe francophone qui a aidé la révolution mais qui aimerait bien recevoir un retour sur investissement, le journaliste qui recherche la vérité, l’adjoint fidèle. Et puis, il y a, Halima, la tante qui a élevé Bachir, le « fils » de Djaffar, lorsque sa mère, violée par le fils de Kotias, l’homme que Djaffar a tué accidentellement pour défendre Hamid, s’est laissée mourir. Dans l’esprit du réalisateur, Bachir est une forme de représentation de l’Algérie : né d’un père français et d’une mère algérienne, il ne se pose pas de question tant qu’il n’est qu’un enfant. Tout comme l’Algérie naissante. L’âge venant, ses cheveux blonds, ses yeux bleus, il (s’)interroge, il veut comprendre. En 1986, l’Algérie, également, s’interroge.

D’un point de vue historique, L’Oranais, en nous montrant la fragilité et les hésitations d’une jeune nation, est un film important. A plusieurs reprises, Lyes Salem apporte la preuve d’une grande maîtrise dans la mise en scène. Moment particulièrement fort lorsqu’un spectacle de pantomime retrace, devant un Djaffar plein d’émotion et des spectateurs enthousiastes, une « histoire officielle» quelque peu arrangée de « L’Oranais ». Par ailleurs, Lyes Salem n’oublie pas d’utiliser de temps à autre le sens de l’humour qui avait fait le succès de Mascarades, son premier long métrage. La scène sur l’utilisation obligatoire de l’arabe littéraire en lieu et place du dialecte algérien en est sans doute le meilleur exemple. L’ensemble des comédiens est à féliciter. Lyes Salem, qui joue le rôle de Djaffar, et Khaled Benaissa, qui interprète Hamid, sont tous les deux excellents. Parmi les seconds rôles, on ne peut s’empêcher d’avoir une petit coup de coeur pour Sabrina Ouazani, bien connue dans le cinéma français et, ici, toujours aussi juste. Toutefois, à côté de ses qualités indéniables, L’Oranais souffre malheureusement d’un certain nombre de « petits » défauts : tout en étant un peu trop long, un certain nombre d’ellipses rendent parfois difficile la compréhension de l’intrigue. Par ailleurs, un certain nombre de petites maladresses nuisent à une adhésion qu’on souhaiterait plus convaincante. Certes, on connaît mal l’Algérie de 1986 et peut-être se montre-t-on un peu trop condescendant, mais y avait-il alors vraiment un tel luxe dans l’habillement et dans la restauration ? Pourquoi Elizabeth, l’épouse d’Hamid, présentée comme américaine, parle-telle français sans la moindre trace d’accent ? Les petits détails font parfois les petites déceptions !

 

L'oranais 1

 

Le DVD

[4.5/5]

C’est une fois de plus un beau produit que nous offre Blaq Out. La moindre des choses, bien sûr, était de respecter sur le DVD les belles images ensoleillées de Pierre Cottereau : c’est fait, et bien fait. Pas grand chose à raconter au rayon son : au choix, Dolby Digital 5.1 et Dolby Digital 2.0, et, au choix toujours, sous-titres français « normaux » et sous-titres pour sourds et malentendants. On s’étendra davantage sur les suppléments, particulièrement intéressants. Ils sont au nombre de trois. Tout d’abord, une interview du réalisateur, d’une durée de 23 minutes, menée en janvier 2015 par la scénariste Baya Kasmi (Le nom des gens, Hippocrate, …) : Lyes Salem nous y explique, entre autres, que l’idée de réaliser L’Oranais est née d’une histoire familiale, celle d’un de ses oncles, mort en 1961 durant la guerre. Que serait-il devenu, lui, après la victoire ? Le supplément « Sur le tournage de l’Oranais » comprend en fait, sur une durée totale de 23 minutes, deux interviews menées par la scénariste Nathalie Saugeon (On notera qu’elle avait écrit avec Lyes Salem le scénario de Mascarades) durant le tournage du film : celle d’Abdou Boukefa qui interprète Bachir en 1986 et celle, surtout, de Khaled Benaissa qui défend avec force et une grande qualité dans les arguments, les qualités et les défauts de son personnage, Hamid. Un personnage qui, dit-il, n’arrête pas de se répéter : « Jusqu’à présent tout va bien ». Toutefois, à un moment, sans qu’il s’en aperçoive, c’est le début de la fin. Même les scènes coupées, qui font l’objet, pendant 4 minutes, du 3ème supplément, sont pour une fois d’un grand intérêt : elles permettent d’aider à une meilleure compréhension de l’intrigue au point qu’on regrette qu’elles n’aient pas été conservées dans le montage final.

 

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