Test Blu-ray : Un linceul n’a pas de poches

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Un linceul n’a pas de poches

France : 1974
Titre original : –
Réalisation : Jean-Pierre Mocky
Scénario : Jean-Pierre Mocky, Alain Moury
Acteurs : Jean-Pierre Mocky, Jean Carmet, Michel Serrault
Éditeur : ESC Éditions
Durée : 2h10
Genre : Comédie, Drame
Date de sortie cinéma : 11 octobre 1974
Date de sortie DVD/BR : 8 novembre 2023

Désavouant les compromissions inhérentes au journalisme qu’il pratique, Michel Dolannes démissionne d’un grand quotidien pour fonder « Le Cosmopolite ». Le journal devient une arme de combat pour dénoncer les scandales financiers, confondre les politicards pourris, pourfendre le mensonge. A mesure que lumière est faite sur certaines affaires, la vie de Dolannes bascule dans l’ombre et le péril…

Le film

[3/5]

La personnalité de Jean-Pierre Mocky est probablement, au fil des années, devenue plus célèbre que ses films à proprement parler : ses excès, ses colères et sa légendaire « grande gueule » immortalisées en 2000 par les équipes de l’émission Strip Tease, ont finalement peut-être d’avantage marqué le public que sa filmographie, qui n’a jamais réellement bénéficié d’une très grande diffusion dans l’hexagone.

S’étant fait coiffer au poteau pour réaliser une adaptation du livre « On achève bien les chevaux », Jean-Pierre Mocky s’est rabattu sur un autre livre d’Horace McCoy, « Un linceul n’a pas de poches », publié en France au sein de la fameuse Série noire. Eternel provocateur, Mocky a trouvé dans le bouquin de McCoy un terrain fertile, lui permettant de tirer à boulets rouges sur l’indépendance de la presse d’information, et au final, Un linceul n’a pas de poches lui permettra de flinguer tous azimuts, s’attaquant à plusieurs aspects de la société française, de la bourgeoisie de salon aux grands groupes industriels en passant par le monde du sport ou la politique.

Se servant du roman d’Horace McCoy comme d’une base destinée à laisser libre cours à ses idées anar, Mocky s’est visiblement amusé sur le scénario d’Un linceul n’a pas de poches, profitant de son postulat de départ – l’illusion de la liberté de la presse – pour partir dans de multiples directions, mais de façon toujours assez juste, même si bien sûr son récit développe une bonne dose de cynisme désabusé sur la France de 1974. Profitant du vent de liberté soufflant sur le cinéma en cette période post-68, il en profite également pour placer au cœur d’Un linceul n’a pas de poches énormément de nudité gratuite, le plus souvent amenée de façon absolument grotesque. Mine de rien, cette inclinaison à flatter sans vergogne les instincts voyeurs du spectateur dessert énormément le sérieux ainsi que la portée « sociale » de son propos, et donne malheureusement au spectateur la fâcheuse impression que le cinéaste s’éparpille un peu trop.

Mais là n’est pas le seul défaut d’Un linceul n’a pas de poches. On n’y ira pas par quatre chemins : le principal problème du film, c’est Mocky lui-même. Le casting du film est absolument remarquable : on y trouvera quelques-uns des meilleurs acteurs des années 70, de Jean-Pierre Marielle à Michel Serrault en passant par Jean Carmet, Michel Constantin, Michel Galabru, Daniel Gélin ou Michael Lonsdale. Mais le fait d’avoir su s’entourer d’excellents acteurs ne fait au final qu’accentuer les limites du jeu de Jean-Pierre Mocky lui-même, souvent complètement à côté de la plaque. De la même façon, si on ne peut que saluer le sens du dialogue dont il fait preuve sur certaines séquences du film, il parvient la plupart du temps à les faire tomber complètement à plat, les limites de son jeu allant de pair avec une mise en scène aussi cheap que tristement démonstrative.

Un linceul n’a pas de poches s’avère donc un film déroutant, curieusement construit et globalement mal fagoté, mais qui, grâce à sa kyrielle de seconds-rôles prestigieux et à une écriture assez riche parvenant à jongler habilement entre les nombreux personnages, s’avère paradoxalement assez intéressant, surtout dans la façon dont il fonce dans le tas en mode « tous pourris ». On n’en regrettera que d’autant plus le fait que les personnages féminins soient tous écrits avec les pieds et que Mocky ait eu la prétention de se prendre pour un acteur suffisamment solide pour tenir un film entier sur ses épaules.

Le Blu-ray

[4/5]

Fidèle à Jean-Pierre Mocky, ESC Éditions continue petit à petit son exploration des arcanes de sa filmographie, et nous propose aujourd’hui de redécouvrir Un linceul n’a pas de poches au format Blu-ray, dans une sublime restauration 4K ayant eu les honneurs d’une ressortie dans les salles françaises en septembre 2023. Comme sur tous les films disponibles au sein de cette riche collection dédiée à l’œuvre de Jean-Pierre Mocky, le travail de remasterisation effectué sur Un linceul n’a pas de poches s’avère très impressionnant : c’est l’occasion parfaite pour voir et voir le film dans des conditions complètement inédites. Le piqué est d’une précision étonnante, les couleurs sont belles et naturelles, les contrastes solides, et le grain cinéma a bénéficié d’un soin tout particulier, et s’avère d’une finesse remarquable. L’ensemble présente par ailleurs une stabilité exemplaire. Côté son, la bande son encodée en DTS HD Master Audio 2.0 mono d’origine fait le boulot sans problème, avec des dialogues toujours parfaitement clairs et distincts. Du très beau travail !

Du côté des suppléments, on commencera avec une introduction par Jean-Pierre Mocky (6 minutes), recyclée de l’édition DVD Pathé sortie en 2004. C’est toujours un plaisir d’entendre s’exprimer le cinéaste, même si comme toujours avec lui certaines de ses assertions sont à prendre avec des pincettes. Il y reviendra sur la genèse du film, dressera sa « note d’intention » de façon assez claire, puis éludera la phase de tournage pour aborder directement l’exploitation du film dans les salles, qui avait semble-t-il divisé la France en deux parties, l’une l’aimant, l’autre le détestant. On continuera ensuite avec un entretien avec Eric Le Roy (19 minutes), qui revient sur le contexte de production du film (élections qui approchent, fin de l’ère Pompidou…), et le fait que le personnage central représente un peu Jean-Pierre Mocky lui-même au cœur du cinéma français. On terminera finalement avec un entretien avec Pacôme Thiellement (15 minutes). L’Essayiste reviendra également sur le contexte de production du film, mais listera surtout les différences et les points communs entre le roman d’origine et le film, tout en soulignant la séparation de l’éthique et du politique chez Jean-Pierre Mocky.

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