Test Blu-ray : Poulet au vinaigre + Inspecteur Lavardin

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Surtout connu pour avoir écrit et interprété La Cage aux folles sur les planches aux côtés de Michel Serrault, Jean Poiret a également contribué à créer, avec Claude Chabrol, le personnage de l’inspecteur Lavardin, un flic de série noire, cynique et adepte de méthodes parfois un peu limite. Ce personnage, qui collait par ailleurs parfaitement au côté pince-sans-rire de l’acteur, fit son apparition au cinéma dans Poulet au vinaigre en 1984, puis revint dans Inspecteur Lavardin en 1986, toujours devant la caméra de Claude Chabrol. Chabrol et Poiret lancèrent par la suite Les Dossiers de l’inspecteur Lavardin pour la télévision ; quatre épisodes furent tournés et diffusés, entre 1988 et 1990, mais la mort de Jean Poiret en 1992 mit un terme aux enquêtes de ce policier hors-normes. Un peu plus de trente ans après la disparition de l’acteur, Carlotta Films nous propose aujourd’hui de redécouvrir en Haute-Définition les deux films de Claude Chabrol ayant lancé le personnage, Poulet au vinaigre et Inspecteur Lavardin.

Poulet au vinaigre

France : 1985
Titre original : –
Réalisation : Claude Chabrol
Scénario : Claude Chabrol, Dominique Roulet
Acteurs : Jean Poiret, Lucas Belvaux, Michel Bouquet
Éditeur : Carlotta Films
Durée : 1h50
Genre : Policier
Date de sortie cinéma : 10 avril 1985
Date de sortie DVD/BR : 16 janvier 2024

Tout irait bien pour l’opération immobilière juteuse montée par le boucher Filiol, le médecin Morasseau et le notaire Lavoisier, si ce n’était Mme Cuno. Sur un fauteuil roulant, aidée de son fils Louis, facteur, apparemment au courant de toutes les turpitudes des notables, elle refuse de vendre ! Cadavres et disparitions : l’inspecteur Lavardin, aux méthodes radicales et à l’ironie cinglante, mais protecteur de la veuve et de l’orphelin, enquête et, surtout, agit…

Inspecteur Lavardin

France, Suisse : 1986
Titre original : –
Réalisation : Claude Chabrol
Scénario : Claude Chabrol, Dominique Roulet
Acteurs : Jean Poiret, Jean-Claude Brialy, Jean-Luc Bideau
Éditeur : Carlotta Films
Durée : 1h40
Genre : Policier
Date de sortie cinéma : 12 mars 1986
Date de sortie DVD/BR : 16 janvier 2024

Le cadavre de l’écrivain catholique Raoul Mons est découvert sur une plage. Dépêché sur les lieux, l’inspecteur Lavardin a la surprise de découvrir, en la personne d’Hélène, la veuve de Mons, une femme qu’il a aimé, et aime encore. Entre la troupe de théâtre, dont Mons venait de faire interdire la pièce, le frère d’Hélène, homosexuel, sa fille d’un précédent mari, adolescente qui rode la nuit près d’une boîte de nuit tenue par le louche Monsieur Max, Lavardin va devoir choisir un coupable…

Les films

[4/5]

Le cinéma de Claude Chabrol s’est toujours échiné à gratter le vernis de la petite bourgeoisie provinciale, afin de mettre en évidence les vices, l’hypocrisie et les rapports de force dissimulés derrière la façade de la respectabilité. De fait, les notables de Poulet au vinaigre et Inspecteur Lavardin (médecins, notaires, avocats, artistes, écrivains) en prendront sérieusement pour leur grade au cœur de ces deux films policiers prenant la forme de whodunits à la Agatha Christie ou à la Alfred Hitchcock. Menaces, extorsion, subterfuges, abus et meurtres y seront donc l’apanage de ces hauts dignitaires de province absolument infects, se sentant intouchables et aimant à répéter à ceux qui veulent bien l’entendre qu’ils ont « le bras long ».

Dans Poulet au vinaigre, Louis (Lucas Belvaux), le jeune facteur d’un petit village de Normandie, et sa mère en fauteuil roulant (Stéphane Audran) s’entêtent à vouloir garder leur maison délabrée malgré les efforts d’un trio de notables de la ville (Jean-Claude Bouillaud, Jean Topart, Michel Bouquet) pour les en déloger, afin que le terrain soit exploité de façon plus rentable. Pour autant, le scénario de Dominique Roulet et Claude Chabrol évite le manichéisme primaire, qui aurait consisté à mettre en scène un combat de David contre Goliath, les méchants promoteurs contre les gentils ouvriers. Car les moyens utilisés par Louis pour se défendre sont pour le moins discutables : il s’empare en effet des livraisons quotidiennes de courrier, et les ouvre à la vapeur pour suivre l’évolution des complots de leurs ennemis… ainsi que la disparition mystérieuse de Delphine Morasseau (Josephine Chaplin), l’épouse de l’un des notables, dans laquelle Anna (Caroline Cellier), la pute au grand cœur et meilleure amie de Delphine, semble impliquée. Louis n’hésite pas non plus à espionner le trio la nuit, quand il ne passe pas son temps avec Henriette (Pauline Lafont), la jolie postière avec qui il entretient une relation amoureuse qu’il prend bien soin de cacher à sa mère.

Le scénario de Poulet au vinaigre évolue donc sur deux fronts, dissolvant habilement les frontières entre le bien et le mal, et pendant grosso modo quarante minutes de film, les intrigues alambiquées, malversations et autres coups bas prenant place dans ce petit village normand seront au centre de toutes les attentions… Jusqu’à l’arrivée de l’inspecteur Lavardin, personnage affable mais cynique, qui n’hésitera pas à recourir à l’intimidation, voire même à la violence, pour parvenir à ses fins et faire éclater la vérité. Et si le portrait que dresse Claude Chabrol de ses contemporains peut paraître très sombre, voire nihiliste, son sens de l’humour noir correspond finalement plutôt bien au personnage de Lavardin, qui fait preuve d’un remarquable détachement irrévérencieux vis à vis des événements.

On retrouvera ce cynisme désabusé au début d’Inspecteur Lavardin, quand le personnage de Jean Poiret évoque sa mutation en Bretagne en déplorant « une sombre histoire de lavabo ». La référence à une fameuse scène l’opposant à Michel Bouquet dans le film précédent est claire, mais à nouveau, Lavardin ne prend pas les choses à cœur : il s’agit d’un homme froid, dont la conception des rapports humains ne passe pas par l’émotion. La suite du film nous confortera dans cette idée, alors que le flic se retrouve nez à nez avec Hélène, son amour de jeunesse ayant disparu sans laisser d’adresse (Bernadette Lafont). Les retrouvailles ne sont pas placées sous le signe d’une quelconque guimauve, ni de la plus infime niaiserie – Lavardin n’est pas homme à s’attarder sur les sentiments, et utilise son humour acerbe et sa brusquerie comme un masque avec lequel il dissimule aux autres sa véritable nature.

Si l’on excepte ce personnage imprévisible, l’intrigue cette fois imaginée par Claude Chabrol et Dominique Roulet pour Inspecteur Lavardin tient du whodunit tout ce qu’il y a de plus classique : un écrivain réactionnaire (Jacques Dacqmine) a été retrouvé mort sur la plage, nu et avec le mot « Porc » écrit dans le dos. La veuve de la victime est un ancien amour de l’inspecteur, qui vit à Dinard avec son frère Claude (Jean-Claude Brialy) et sa fille Véronique (Hermine Clair). L’enquête mènera l’enquêteur à une troupe de théâtre anticonformiste, puis à une boite de nuit locale tenue par Max (Jean-Luc Bideau), un homme d’influence ayant manifestement des alliés puissants, lui permettant de se livrer impunément au trafic de drogue dans son établissement.

Mais les notables ayant des relations haut-placées, Lavardin n’en a rien à foutre, et c’est ce qui lui a d’ailleurs valu d’être muté en Bretagne. Comme dans le cas de Poulet au vinaigre, tout le sel d’Inspecteur Lavardin ne se situe pas réellement dans l’enquête policière à proprement parler, mais davantage dans ce que Chabrol en fait. Le personnage de Lavardin étant ici au centre du récit, ce deuxième film est sans doute plus féroce et drôle que le précédent. Le point de vue de Chabrol / Lavardin sur le concept de justice et sur la façon dont elle est administrée est vraiment original, et permettra à nouveau au cinéaste de s’éloigner des sentiers balisés du whodunit, genre dont le final est habituellement plutôt basé sur la découverte et la punition des coupables.

Les Blu-ray

[4/5]

Carlotta Films nous invite donc à redécouvrir Poulet au vinaigre et Inspecteur Lavardin sur support Blu-ray, dans un coffret réunissant les deux films. Le bond qualitatif par rapport aux DVD sortis chez Mk2 en 2004 est assez saisissant : le travail de restauration est notable, avec une atténuation ferme du bruit vidéo, un étalonnage de la colorimétrie beaucoup plus convaincant qu’auparavant, des contrastes solides et, bien sûr, une définition très nettement accrue. Le grain argentique a par ailleurs été parfaitement préservé. Côté son, les pistes sonores nous sont proposées dans des mixages DTS-HD Master Audio 1.0 (mono d’origine), et nous proposent une excellente restitution des dialogues et de la musique.

Du côté des suppléments, Carlotta Films est allé rechercher les bonus présents sur les éditions Mk2, c’est à dire une courte présentation par Joël Magny pour chaque film (5 minutes), qui s’accompagnera d’une poignée de séquences commentées par Claude Chabrol (54 minutes), qui permettront au regretté cinéaste de revenir sur quelques aspects techniques de ses deux films, d’une façon souvent absolument passionnante.

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