Test Blu-ray : Les griffes de la peur

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Les griffes de la peur

États-Unis : 1969
Titre original : Eye of the cat
Réalisation : David Lowell Rich
Scénario : Joseph Stefano
Acteurs : Michael Sarrazin, Gayle Hunnicutt, Eleanor Parker
Éditeur : Rimini Éditions
Durée : 1h42
Genre : Thriller
Date de sortie cinéma : 17 juillet 1969
Date de sortie DVD/BR : 3 juin 2021

Tante Danny vit avec son neveu Luke et ses nombreux chats. Elle décide que lorsqu’elle décèdera, ses animaux hériterons de sa fortune. Mais quand Wylie, le frère de Luke, revient vivre à la maison avec sa nouvelle compagne, la vieille femme change d’avis et fait de Wylie son unique héritier…

Le film

[3,5/5]

Les griffes de la peur met un certain temps à révéler sa véritable nature. Ainsi, malgré un titre français évoquant un récit fantastique dans la lignée des Oiseaux d’Alfred Hitchcock (1963), le film de David Lowell Rich débute plutôt comme une chronique douce-amère typique de la fin des années 60 et des années « hippie ». Amour libre, relations hommes / femmes décomplexées, détachement par rapport aux valeurs traditionnelles (amour, travail, argent), le film se construit petit à petit autour de la personnalité de Wylie (Michael Sarrazin), qui devient une espèce de symbole du changement au cœur d’un monde désespérément figé.

Difficile cependant de réellement cerner la personnalité de Wylie. Selon ses propres termes, il n’aime pas l’argent, mais il aime en dépenser, et se laissera embarquer par une jeune femme cupide, Kassia (Gayle Hunnicutt) dans une sombre histoire d’arnaque à l’héritage, visant à éliminer Danny (Eleanor Parker) et à spolier Luke (Tim Henry) de sa part légitime. Complètement passif dans la première partie du film, le personnage acceptera sans rechigner tout ce que lui impose la jeune femme, mais demeurera une véritable énigme pour le spectateur, qui restera convaincu que ce personnage a forcément une idée derrière la tête.

D’une façon plus large, on peut d’ailleurs souligner que Les griffes de la peur met au centre de son script et des relations entre les différents personnages un jeu de domination assez accentué, sur le modèle maître / esclave. C’est ainsi que semble fonctionner le couple Kassia / Wylie, mais on retrouve également cette dichotomie au cœur des relations Danny / Luke et Wylie / Danny. Mais bien sûr, les jeux de pouvoir ne sont pas toujours forcément ceux qu’ils paraissent être…

Au fur et à mesure que se déroule l’intrigue des Griffes de la peur, on comprendra en effet mieux les motivations des différents personnages de l’intrigue, et l’humour bon enfant laissera la place à un certain malaise, surtout lorsque l’intrigue commence à sous-entendre assez clairement la présence d’une forte tension érotique entre Wylie et sa tante Danny. Peu à peu, on commencera à voir se dessiner les contours d’une œuvre effectivement très influencée par Hitchcock, mais pas tellement du côté des Oiseaux.

En effet, Les griffes de la peur va bien d’avantage en réalité chercher son intrigue et ses influences dans la vague de whodunits britanniques dérivés de Psychose (1960). Le film de David Lowell Rich s’inscrit donc au final dans la large vague de thrillers psychologiques ayant abandonné les artifices formels du cinéma gothique pour des intrigues de « machinations » au cœur desquels la folie et les fantômes d’un passé trouble ne sont jamais très loin. Des récits à la Daphné Du Maurier ou à la Boileau-Narcejac en somme, riches en thématiques tirant sur la psychanalyse ou relevant de pathologies psychiatriques.

Au final, Les griffes de la peur s’inscrit donc d’avantage comme un film à la croisée des chemins entre Rebecca et Psychose : il développe en effet une intrigue « Hitchcockienne » remplie de secrets de famille, de complots crapuleux, avec un twist final efficace (même si on s’y attendait un peu) et une forte présence de la mort surplombant le tout… Le scénario du film est d’ailleurs signé Joseph Stefano, scénariste de… Psychose.

L’originalité de l’histoire réside dans la présence d’un personnage principal souffrant d’ailurophobie – si cette phobie est peu connue, elle existe bel et bien, et désigne les personnes victimes d’une peur panique et irraisonnée des chats, « sale race » d’animaux s’il en est, d’ailleurs. Et le moins que l’on puisse dire, c’est que les meilleures scènes des Griffes de la peur (la sortie de tante Danny, le final) sont celles mettant en scène les nombreux chats présents sur le plateau – ils y sont vraiment montrés dans toute leur féline abjection. Ces scènes permettent d’ailleurs sans doute au film de David Lowell Rich de se démarquer du tout-venant du thriller psychologique des années 60 et de se créer une identité bien à lui qui le rend, au final, assez attachant.

Le Blu-ray

[4/5]

Peu connu en France, Les griffes de la peur était jusqu’ici inédit en vidéo dans l’hexagone ; Rimini Éditions répare donc cette erreur en nous proposant de découvrir le film sur support Haute Définition. Et à cette occasion, l’éditeur a vraiment soigné sa copie. La définition est précise, les couleurs riches et bien saturées, les noirs sont profonds, et la restauration a pris soin de préserver le grain argentique d’origine. Bien sûr, les plans « à effets » (générique, mentions écrites, fondus enchaînés) accusent des effets du temps, mais le reste est d’une propreté et d’une stabilité tout à fait étonnantes. Côté son, la version française d’origine et la version originale sont proposées en DTS-HD Master Audio 2.0 ; les deux mixages sont propres et toujours parfaitement clairs, mais la VF souffre tout de même d’un léger souffle.

Côté suppléments, Rimini Éditions nous propose tout d’abord une présentation du film par Gilles Gressard (21 minutes). Cinéphile et spécialiste du cinéma fantastique, il reviendra en détail sur la production du film, avec de nombreuses anecdotes passionnantes. Il se fendra également d’une présentation pour remettre dans son contexte la fin alternative (13 minutes), qui adoucit radicalement le dernier acte du film afin que ce dernier puisse être diffusé à la télévision. On terminera avec le traditionnel livret exclusif de 24 pages, écrit par l’indéboulonnable Marc Toullec et consacré à la figure du chat dans le cinéma fantastique.

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