Test Blu-ray : Les disparues de Valan

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Les disparues de Valan

Hongrie : 2019
Titre original : Valan – Az angyalok völgye
Réalisateur : Béla Bagota
Scénario : Béla Bagota
Acteurs : Csaba Krisztik, András Hatházi, Tollas Gábor
Éditeur : Condor Entertainment
Durée : 1h38
Genre : Thriller
Date de sortie DVD/BR : 26 janvier 2022

Traumatisé par la disparition de sa sœur Juli voici 22 ans, Péter a quitté Valan, sa ville natale, pour la métropole voisine où il a intégré une brigade d’inspecteurs spécialisée dans les disparitions. Lorsque le corps congelé d’une jeune fille est retrouvé à Valan, le passé de Péter resurgit. Persuadé qu’il s’agit de Juli, il retourne là-bas, et découvre qu’une autre adolescente est portée disparue. Contraint de réveiller les démons endormis et d’affronter la pègre locale, il se plonge alors dans une enquête qui le confrontera à l’impensable : tous les ans depuis vingt ans, une jeune fille disparaît la veille de Noël…

Le film

[3,5/5]

On connaissait déjà le « polar nordique », genre littéraire très populaire depuis quelques années : ce sous-genre du roman policier s’échine à développer des intrigues complexes avec un réalisme cru, une lenteur savamment calculée et une ambiance sombre et morbide, sur lesquels viennent se greffer des personnages borderline se plongeant dans des enquêtes obsessionnelles mettant à mal leur santé mentale. Les Disparues de Valan semble à priori rentrer tout à fait dans le moule du genre, à un élément géographique près : le film de Béla Bagota est hongrois, et se déroule en Europe de l’Est, et plus précisément en Roumanie – on retrouve au cœur du film la neige et l’ambiance maussade des modèles venus du Nord, mais le contexte social et politique est très différent.

Dans Les Disparues de Valan, Csaba Krisztik incarne donc Péter, un flic des mœurs rongé par la disparition de sa sœur en 1989 – une blessure familiale ancienne et profondément ancrée qui le pousse à se lancer corps et âme dans les enquêtes liées aux disparitions d’adolescentes. Rappelé à Valan, sa ville natale, suite à la découverte d’un corps pouvant être celui de sa sœur, il ressortira le dossier de l’enquête et se rendra compte d’un possible lien entre l’enlèvement et le meurtre de sa sœur et d’autres disparitions survenues à Valan depuis une trentaine d’années.

Peu enclin à donner de la Roumanie une vision de carte postale, Béla Bagota confère au village dans lequel se déroule Les Disparues de Valan une image bien peu ragoutante. La ville – fictive – de Valan en Transylvanie est ainsi présentée comme une zone de non-droit, abandonnée des pouvoirs publics, isolée au cœur des montagnes des Carpates, ravagée par la crise financière – une ville décrépite où aucun espoir ne semble plus permis. Si cette atmosphère lourde de menaces sert bien évidemment le récit, il va également sans dire que le portrait que dresse Béla Bagota de cette portion de l’Europe de l’Est a de quoi faire froid dans le dos.

Car si le regard du cinéaste vis-à-vis de la Roumanie d’aujourd’hui est dur, il semble également être particulièrement critique par rapport aux événements du passé : la scène de flash-back qui ouvre le film plonge en effet le spectateur en plein chaos, en 1989, lors de la chute du régime de Ceaușescu, avec des scènes proches de la guerre civile prenant place dans une école – et évoquant naturellement la fin de l’innocence pour le personnage principal. Bien sûr, on imagine que le fait que le cinéaste hongrois ait ici choisi d’aborder un pays voisin du sien avec une telle noirceur est une façon détournée d’évoquer son propre pays, comme dans une sorte de parabole cachée.

Mais peut-être utilise-t-il tout simplement le cadre de la Transylvanie pour ce qu’il évoque dans l’inconscient collectif – Les Disparues de Valan pourrait ainsi, à sa façon, presque être perçu comme une relecture du mythe du vampire. En tous cas, on ne peut que saluer le talent de Béla Bagota, qui fait preuve d’un talent de réalisateur réellement prometteur avec ce polar en mode noir de chez noir. Tous les ingrédients du polar hardcore frénétique sont présents, et le cinéaste se débrouille parfaitement avec les codes du genre et son environnement malsain, faisant même rapidement preuve d’un sens très développé de l’atmosphère et du rythme, avec une scène de présentation du personnage principal prenant place dans un entrepôt reconverti en bordel bien dégueu, et s’imposant comme une entrée en matière brutale et plutôt glauque, posant les bases de la psychologie de Péter.

Si l’intrigue des Disparues de Valan sentirait volontiers le dégueulis de caniveau, si le film donne vraiment des pouvoirs publics roumains une image déplorable – on pense forcément à la façon dont est décrite le poste de police de Valan – et si l’ensemble est régulièrement saupoudré de détails aux limites du trash (l’autopsie de la sœur du héros), Béla Bagota laisse peut-être entrevoir, derrière la noirceur, la possibilité d’une petite lumière au bout du tunnel. Ainsi, en multipliant les prises de vue aériennes, il parvient finalement à créer la sensation d’une puissance supérieure régissant finalement les notions de bien et de mal à sa manière, tout en contemplant avec pitié ces abjectes et médiocres créatures céder à leurs pulsions primaires, se bourrer la gueule ou vendre leurs propres enfants au plus offrant. Ainsi, et puisque la figure de l’ange s’impose comme un leitmotiv tout au long de l’intrigue du film, l’apparition / disparition du personnage de Péter à Valan pourrait presque également être interprétée comme celle d’un ange, envoyé par une force supérieure afin de mettre fin aux agissements du tueur, avant de disparaître à nouveau.

Les amateurs les plus acharnés de polars nordiques pourront certes trouver que Les Disparues de Valan manque peut-être un peu de surprises : le film déroule en effet de façon appliquée les différents motifs du genre, tout en développant une atmosphère noire et implacable, mais ne propose pas non plus de réelle nouveauté sous le soleil. Néanmoins, le cadre de l’Europe de l’Est est assez inédit, et permet au film de Béla Bagota de tirer son épingle du jeu, d’autant que ce dernier s’impose avec ce coup d’essai comme un cinéaste à suivre de près. On n’aurait d’ailleurs rien contre un nouvel opus des enquêtes de Péter, nous emmenant dans l’enfer des bas-fonds de Brașov…

Le Blu-ray

[3,5/5]

C’est sous les couleurs de Condor Entertainment que vient de débarquer en France Les Disparues de Valan au format Blu-ray. Côté image, le film est récent et on le sent : le master est propre, la définition est impeccable, la colorimétrie fait toujours mouche, le piqué est d’une précision redoutable et les contrastes sont impeccablement tenus, avec des noirs denses et profonds. Pour autant, tout n’est pas tout à fait parfait non plus : le film est en effet encodé en 1080i, et cela se ressentira dès les premières minutes du film, qui souffrent de légères mais régulières saccades sur les travellings. L’encodage à 25 images par seconde réduit également la durée du film d’1h38 à 1h35. On notera également de petits problèmes d’encodages épars, notamment lors de la scène durant laquelle Péter poursuit Norbi (Rácz Endre) à travers le cimetière.

Côté son, l’éditeur nous propose en revanche deux excellents mixages VF et VO en DTS-HD Master Audio 5.1. Les deux versions bénéficient d’un dynamisme solide et d’une bonne spatialisation, de même que de basses littéralement tonitruantes, qui renforcent encore l’immersion au cœur du film. On notera également que si on s’attendait à retrouver un doublage français en provenance d’Espagne et assuré par notre ami Rudy Michael Cermeno, il n’en est finalement rien : la VF a en effet été réalisée par les équipes d’Éclair V&A, et nous propose d’entendre les prestations convaincantes de Damien Boisseau, voix française habituelle de Matt Damon, ainsi que d’Antoine Tomé, qui double régulièrement Dolph Lundgren à l’écran. Pas de suppléments.

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