Test Blu-ray : Le Sommet des Dieux

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Le Sommet des Dieux

France, Luxembourg : 2021
Titre original : –
Réalisateur : Patrick Imbert
Scénario : Patrick Imbert, Jean-Charles Ostoréro, Magali Pouzol
Acteurs : Damien Boisseau, Eric Herson-Macarel, Elisabeth Ventura
Éditeur : Wild Side Vidéo
Durée : 1h34
Genre : Animation
Date de sortie cinéma : 22 septembre 2021
Date de sortie DVD/BR : 2 février 2022

À Katmandou, le reporter japonais Fukamachi croit reconnaître Habu Jôji, cet alpiniste que l’on pensait disparu depuis des années. Il semble tenir entre ses mains un appareil photo qui pourrait changer l’histoire de l’alpinisme. Et si George Mallory et Andrew Irvine étaient les premiers hommes à avoir atteint le sommet de l’Everest, le 8 juin 1924 ? Seul le petit Kodak Vest Pocket avec lequel ils devaient se photographier sur le toit du monde pourrait livrer la vérité. 70 ans plus tard, pour tenter de résoudre ce mystère, Fukamachi se lance sur les traces de Habu. Il découvre un monde de passionnés assoiffés de conquêtes impossibles et décide de l’accompagner jusqu’au voyage ultime vers le sommet des dieux…

Le film

[3,5/5]

Le Sommet des Dieux est l’adaptation franco-luxembourgeoise d’un manga seinen de Jirō Taniguchi, lui-même adapté d’un roman de Baku Yumemakura. Le film est réalisé par Patrick Imbert, qui après Le Grand Méchant Renard et autres contes en 2017, s’est assez brillamment adapté à l’intensité de l’œuvre d’origine. Pour autant bien sûr, les nombreux rebondissements qui prenaient place dans les cinq volumes du manga ont considérablement été réduits, et le film se divisera principalement en deux parties : l’enquête de Fukamachi sur la disparition de Habu, qui permettra à Patrick Imbert et à son équipe de nous présenter les personnages et leurs obsessions, puis l’ascension de l’Everest, la partie la plus âpre, la plus dramatique et la plus spectaculaire du récit.

Nous donnant à voir des images d’une beauté saisissante, et bénéficiant d’une animation aussi soignée que réaliste, Le Sommet des Dieux s’avère sans conteste une réussite artistique assez impressionnante d’un point de vue strictement formel et visuel. La sobriété des lignes et des mouvements, la finesse et la poésie développé par le dessin, la palette de couleurs, bref la classe générale de l’animation place directement le film dans la catégorie des plus belles réussites techniques qui soient, même si le trait choisi ici s’avère très éloigné des textures fouillées et de la richesse des illustrations signées Jirō Taniguchi dans le manga d’origine.

Durant ses scènes d’escalade, Le Sommet des Dieux parvient réellement à développer un sentiment de danger permanent, renforcé par le recours à une imagerie quasi-fantastique au détour d’une séquence ou deux. Dans ses meilleurs passages, le film parvient vraiment à capturer l’essence de l’alpinisme, dans toute sa rudesse, sa physicalité et son impitoyabilité. Pas de place à l’erreur, l’alpinisme est une question d’entraînement intensif, et si tu es mal préparé, tu en paieras le prix. Les flashbacks sur la vie de Habu qui rythment la première moitié du film tendent également à faire comprendre au spectateur à quel point l’alpinisme est synonyme d’obsession et de solitude. L’écart entre les fantasmes de l’inconscient collectif concernant l’alpinisme (dépasser ses limites, ne faire plus qu’un avec la nature) et la réalité de la grimpette telle qu’établie dans Le Sommet des Dieux est saisissant. Le film ne laisse en effet aucune place au romantisme et aux grands sentiments : « La montagne, ça vous gagne », qu’ils disaient… Mon cul, ouais ! La montagne, c’est la mort.

De la même façon, Le Sommet des Dieux procède à un démontage en règle du mythe de l’alpiniste « aventurier », en abordant dans la première partie du film la réalité du processus prenant place en amont, avant de s’attaquer à la montagne proprement dite : gravir une montagne, c’est non seulement de la préparation, mais aussi de l’argent. Il faut alors se frayer un chemin dans les méandres de la bureaucratie, la galère étant bien sûr de parvenir à trouver des sponsors enclins à lâcher d’énormes sommes d’argent afin de financer une ascension de plusieurs mois dont les chances de réussite sont généralement assez faibles, dans le sens où à cause des conditions météorologiques, le sommet n’est souvent accessible que durant une fenêtre de temps extrêmement courte.

Le réalisateur Patrick Imbert se concentre donc bien davantage sur ce genre de détails du voyage ainsi que sur les sombres motivations qui poussent des individus à risquer leur vie, dans le but paradoxal de « se sentir vivants », au cœur d’expéditions au long cours aussi solitaires qu’éreintantes. De fait, un puissant sentiment de mélancolie, mais également de folie plane sur Le Sommet des Dieux, surtout durant les séquences mettant en scène Habu. Les scènes tournant autour de Fukamachi, surtout au début du film, tendent à faire chuter l’intensité de l’ensemble et à créer de petites baisses de rythme : si l’on comprend bien que l’intention de Patrick Imbert était de mettre en parallèle la traque obsessionnelle de Fukamachi pour Habu et celle de Willard pour Kurtz dans Apocalypse Now, il ne parvient malheureusement pas à « propager » l’obsession au-delà de l’écran comme avait su le faire Francis Ford Coppola. Le rythme lent du film et son atmosphère centrée sur la psychologie des personnages demanderont donc par conséquent un peu de patience aux amateurs de grand frisson, mais les séquences d’alpinisme prenant place dans le dernier tiers du film sont tellement puissantes, réalistes et vertigineuses qu’elles suffiront à assurer l’immersion requise et à assurer au Sommet des Dieux une place de choix dans le cœur du public. Un joli moment de cinéma.

Le Blu-ray

[4,5/5]

Après une sélection en section « Cinéma de la plage » au Festival de Cannes 2021 (sic), Le Sommet des Dieux sortirait par la suite dans les salles le 22 septembre de la même année, où il attirerait 221.000 curieux – un score très honorable si l’on considère l’austérité du sujet, mais qui n’a pas suffi à amortir les dix millions de budget du film. Heureusement pour Patrick Imbert et son équipe, les coûts de production du Sommet des Dieux purent être amortis par l’acquisition du film par Netflix à l’international fin novembre 2021. Si le cinéma français s’est assez vite adapté à la nouvelle donne constituée par l’explosion du géant de la SVOD il y a quelques années, le revers de la médaille se situera peut-être du côté de l’exploitation en vidéo physique de ces longs-métrages disponibles en SVOD à l’étranger : avec la multiplication des VPN, des boîtiers IPTV et des services de Streaming illégaux, ces films récents sont aujourd’hui finalement très faciles d’accès pour qui désire réellement les voir. C’est le drame du chant des sirènes de Netflix : si les producteurs y trouvent sans doute leur compte financièrement parlant, ils contribuent malheureusement à creuser un peu davantage la tombe des éditeurs vidéo en France.

Mais trêve de considérations alarmistes et évoquons plutôt le Blu-ray du Sommet des Dieux édité par Wild Side Vidéo, et disponible à la vente depuis le 2 février. La galette Haute-Définition que nous propose l’éditeur nous plonge dans une expérience Home Cinéma au taquet : l’image est superbe, même dans ses passages les plus sombres, et rend parfaitement hommage à l’animation du film. La définition est précise, les couleurs très saturées sont respectées à la lettre, et même durant les séquences les plus piégeuses (chutes de neige, brume…), le master tient la route et nous ravit pleinement les mirettes. Côté son, le mixage DTS-HD Master Audio 5.1 nous en envoie également plein les oreilles, avec une spatialisation redoutable et des effets dynamiques de toutes parts, surtout lors des séquences d’escalade. Un superbe boulot technique !

Dans la section suppléments, on trouvera tout d’abord un commentaire audio du réalisateur Patrick Imbert, très riche en anecdotes ainsi qu’en détails techniques. On continuera ensuite avec un making of (19 minutes), introduit par le regretté Jirō Taniguchi, qui reviendra sur les différentes étapes de la production du film, en revenant assez notamment sur la genèse du projet, sur sa gestation pendant la période du « Grand Confinement » ainsi que sur la présentation du film à Cannes. On continuera avec une featurette un peu plus technique et plus spécifiquement concentrée sur l’animation du film (14 minutes). Enfin, on terminera avec un sujet revenant de façon plus approfondie sur les coulisses de la présentation du film à Cannes (5 minutes) ainsi qu’avec la traditionnelle bande-annonce.

On notera également que le Blu-ray du Sommet des Dieux édité par Wild Side est présenté dans un superbe Steelbook aux couleurs du film.

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