Test Blu-ray : Le pays de la violence

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Le pays de la violence

États-Unis : 1970
Titre original : I walk the line
Réalisation : John Frankenheimer
Scénario : Alvin Sargent
Acteurs : Gregory Peck, Tuesday Weld, Charles Durning
Éditeur : Sidonis Calysta
Durée : 1h37
Genre : Drame
Date de sortie cinéma : 1 avril 1971
Date de sortie DVD/BR : 5 décembre 2020

Henry Tawes est le shérif d’une petite ville du Tennessee. Homme de haute moralité, il est toujours prompt à juger les autres et suit la loi à la lettre. Il rencontre Alma McCain, une belle jeune fille qui bouleverse son existence. Incapable d’ignorer ses sentiments, il entame une liaison avec elle. Mais dans une petite ville, rien n’est secret longtemps…

Le film

[4/5]

Film assez peu connu de la carrière de John Frankenheimer, souvent considéré comme le plus mauvais film de la carrière de Gregory Peck, Le pays de la violence ne bénéficie pas forcément d’une réputation très flatteuse. Pourtant, et malgré tout ce qu’on pourra en lire (le film fut désavoué à la fois par le cinéaste et par son acteur principal), il faut nous rendre à l’évidence : Le pays de la violence est, malgré ses défauts, un bien beau morceau de péloche, prenant la forme d’un film noir au rythme lent, proposant au spectateur une plongée sans concession dans l’Amérique rurale du début des années 70.

Car malgré ce qu’on pourrait avoir tendance à penser, Le pays de la violence se déroule bel et bien dans l’Amérique de la fin des années 60 / du début des années 70. Le portrait du Sud dressé par John Frankenheimer est rude : on a vraiment l’impression de voir un pays coincé dans le passé. Le sud des États-Unis est donc présenté comme un no man’s land au cœur duquel les notions d’urbanisation ou d’administration ne semblent pas avoir dépassé les années 30. De fait, les repères sociaux, économiques et moraux semblent également avoir disparus avec les derniers restes d’espoir, laissant seulement la place à une notion de survie. Comme l’explique le personnage de Gregory Peck à un moment dans le film : « People here just try to survive, that’s all. Some make a little moonshine, don’t really harm nobody. »

Ainsi, si Le pays de la violence paraît à priori assez éloigné, thématiquement et formellement, des grands films « sociaux », ouvriers et/ou contestataires typiques du Nouvel Hollywood (on n’est ici ni chez Hal Ashby ni chez Bob Rafelson), le fait est que la charge sociale n’en est ressentie par le spectateur qu’avec encore plus de force. C’est d’autant plus remarquable que le fossé qui sépare le shérif Tawes (Gregory Peck) d’Alma (Tuesday Weld) est décrit d’une façon sobre, naturaliste, évitant le pathos jusque dans les dernières minutes du film. Si Tawes est amoureux fou, il semble incapable de comprendre qu’Alma quant à elle ne le soit pas. Il serait faux d’affirmer que la jeune femme faisait « semblant », mais en revanche, elle ne développe pas la passion dévorante et irraisonnée de Tawes, qui brûle au contraire comme si sa vie en dépendait – ce qui est d’ailleurs sans doute vrai, comme le montrent les derniers plans du film.

Terriblement pessimiste, Le pays de la violence est, pour utiliser un terme à la mode, un drame de l’incommunicabilité entre les êtres autant qu’entre les générations. Mais si Gregory Peck est incapable de mettre des mots sur ses sentiments autant que sur le mal qui le ronge, la musique de Johnny Cash est là pour nous éclairer sur ses pensées, sa résignation, son malaise. Parmi les titres qui rythment la bande originale du film, on notera bien sûr « I walk the line » (qui donne au film son titre original), mais également « Flesh and blood » ou encore « This side of the law ».

Le Combo Blu-ray + DVD + Livre

[5/5]

C’est donc Sidonis Calysta qui a aujourd’hui la bonne idée d’éditer Le pays de la violence au format Blu-ray. Et côté image, c’est du tout bon : la préservation maniaque du grain argentique ne gâche en rien une définition exemplaire, riche d’un niveau de détail souvent surprenant, même si bien sûr le master n’est probablement pas tout récent et accuse de petites baisses de forme par ci par là (griffes, etc). Les différents éléments du décor apparaissent néanmoins dans le cadre avec une belle netteté générale, les couleurs sont naturelles, les contrastes solides, bref, c’est du tout bon. Côté son, Sidonis Calysta nous offre deux mixages DTS-HD Master Audio 2.0 mono d’origine, en VF ou en VO, les deux se révélant clairs et globalement précis. La version française d’époque nous propose de retrouver certaines voix bien connues des amateurs, telles que celles de Jean-Claude Michel (Clint Eastwood, Sean Connery), Jacques Dynam ou Jacques Ferrière.

Dans la section suppléments, on trouvera tout d’abord un entretien avec Thierry Frémaux (32 minutes), qui reviendra de façon détendue sur son admiration pour le film, ainsi que sur la façon dont il l’a découvert, sur le titre français ainsi que sur le rôle de Bertrand Tavernier dans la découverte du film en France, et plus largement sur la carrière de John Frankenheimer. Il citera également une anecdote liant Frankenheimer et la destinée à Cannes d’Elephant, le film de Gus Van Sant produit par HBO. Intéressant. On continuera ensuite avec une analyse du film et de quelques séquences par Jean-Baptiste Thoret (18 minutes). Spécialiste du cinéma de John Frankenheimer, Thoret reviendra, après une courte introduction, sur le générique d’ouverture du film, sur la rencontre entre Tawes et Alma ou encore sur la dernière scène du film – l’analyse est juste et souvent passionnante.

Outre la traditionnelle bande-annonce, le reste des suppléments vidéo sera un peu plus anecdotique, puisqu’il est composé de vidéos glanées sur YouTube par l’éditeur : on notera la présence d’un making of d’époque (12 minutes) centré sur la personnalité de Johnny Cash. On trouvera également les vidéos de plusieurs de ses chansons : « I walk the line », « Flesh and blood » et « City of New Orleans ».

On ajoutera de plus que le film est présenté dans une riche édition Combo Blu-ray + DVD, et qu’il s’agit d’un digibook comprenant également un livret de 94 pages consacré au film. On y trouvera une analyse du Pays de la violence par Olivier Père et la reproduction de l’entretien avec John Frankenheimer par Michel Ciment et Bertrand Tavernier initialement paru dans la revue Positif n° 122 (décembre 1970) et n° 124 (février 1971). Du point de vue de l’objet en lui-même, on ne pourra que s’incliner devant la classe absolue de ce coffret Blu-ray + DVD, qui s’impose comme un vrai et bel objet de collection, au design soigné et aux finitions parfaites. Un grand bravo à Sidonis Calysta.

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